6 juil 2017

Jean-Luc Mélenchon et le « martyr des animaux »

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Jean-Luc Mélenchon à la tribune de l'Assemblée Nationale le 4 juilletLa cause animale est indéniablement juste, mais à moins d’aller jusqu’à reconnaître la sensibilité de la matière, la dignité du réel, à moins d’être matérialiste, elle n’est qu’un prétexte pour la petite-bourgeoisie.

Celle-ci diffuse en effet un violent anticapitalisme romantique, où il est dit qu’avant, tout était différent. Le retour aux formes anciennes de production, à la petite propriété, est son leitmotiv.

La fuite dans des formes « alternatives » est considérée également comme une fin en soi, une véritable alternative à un monde dont le seul futur possible serait d’aller en arrière.

Jean-Luc Mélenchon a tout à fait compris cela et il a fait un hold up sur la question animale et l’écologie, réduisant celles-ci à des arguments romantiques, sans contenu.

Lui-même n’est ainsi pas végane, ni même végétarien, et il ne fait pas du véganisme une valeur d’un projet concret, ce qui ne l’a pas empêché de poser ce 4 juillet cette question à la tribune de l'Assemblée Nationale à la suite du discours de politique générale du Premier ministre Edouard Philippe :

« Et enfin, une qui n’a jamais droit de cité à une tribune parlementaire : quand, comme mesure de civilisation, dirons-nous que nous sommes disposés à punir avec force le martyr des animaux dans une nation aussi développée et civilisée que la nôtre ? »

Si l’on regarde les choses objectivement, on est ici dans l’hypocrisie. Jean-Luc Mélenchon fait bien exprès d’utiliser le terme de martyr, qui peut être compris de deux manières : soit on souhaite un abattage « digne », soit on considère qu’il faut mettre un terme définitif à l’utilisation d’animaux.

Jean-Luc Mélenchon et le "martyr des animaux" (campagne présidentielle 2017)

De plus, la France Insoumise n’a nullement dans son programme, dans ses valeurs, une approche favorable aux animaux, à part quelques mesures symboliques qui n’engagent en rien. Sur le plan de la vie quotidienne, leurs membres sont « comme tout le monde » dans leur rapport aux animaux.

Cela veut dire qu’il n’y a qu’une seule raison de donner crédit à Jean-Luc Mélenchon : celle consistant à faire de la cause animale un hochet agité par la petite-bourgeoisie pour expliquer que le monde est mauvais, qu’il faut refuser de l’assumer, qu’il faut retourner en arrière en se repliant sur sa petite individualité.

Le véganisme, dans cette interprétation, n’est pas une morale, mais un prétexte pour refuser d’assumer la société fondé sur l’antagonisme prolétariat-bourgeoisie. Il s’agit d’un repli qui prend le masque de l’engagement, mais qui est en réalité une capitulation face au réel.

Toute personne végane cohérente ne peut en effet que voir que la situation des animaux fait face à un mur : celui consistant en l’absence de démocratie, cette société étant la dictature de la bourgeoisie, avec quelques compromis et quelques acquis, plus ou moins importants.

Le véganisme ne peut pas se diffuser massivement, à moins d’être réduit à une mode. Pour se diffuser, il faudrait un bouleversement significatif de la vie quotidienne, de profonds changements culturels, ce qui ne peut passer que par un débat démocratique que, justement, le capitalisme empêche par définition.

Tout mode de production vise en effet à se reproduire, donc le véganisme ne peut exister que sous une forme utile à sa reproduction.

Jean-Luc Mélenchon visitant une exploitation "bio" (campagne présidentielle 2017)Le véganisme ne peut donc exister sous le capitalisme que s’il ne concerne qu’une petite minorité de gens consommant des marchandises nouvelles ; ils ne doivent pas, toutefois, être en mesure d’empêcher la consommation des autres marchandises.

Le véganisme ne peut donc pas devenir une valeur de civilisation, puisque le capitalisme se considère comme la civilisation elle-même.

Jean-Luc Mélenchon est tout à fait d’accord avec cela : sa bataille, c’est celle pour une plus juste répartition, pas pour la révolution, qui seule peut permettre des changements significatifs et un autre regard, matérialiste, sur la situation des animaux, sur leur existence, leur dignité.

Cela signifie raisonner en termes de classes, de prolétariat, de bourgeoisie, ce que bien entendu Jean-Luc Mélenchon ne fait pas, ayant la lecture corporatiste traditionnelle de la petite-bourgeoisie radicalisée.

En cela, Jean-Luc Mélenchon n’est pas de gauche, il ne s’en revendique d’ailleurs plus, mais un nationaliste assumant un discours patriotique contre la finance. Voici un passage très parlant, tenu également le 4 juillet lors de son intervention à l'Assemblée Nationale :

« Le peuple des métiers, celui qui créé seul toute la richesse de la patrie, aspire à autre chose : de la visibilité dans la vie professionnelle, de la sécurité, des bonnes payes, des retraites décentes. Il demande la fin du scandale des 9 millions de travailleurs réduits à la pauvreté dans la 5ème puissance du monde, la fin du scandale des 565 morts par an sur le poste de travail, des 1 200 personnes qui décèdent de maladies professionnelles chaque année, des 31 000 enfants sans domicile fixe, des 2 000 morts de la rue, des 2 millions et demi d’illettrés. Dans la grande et splendide France, comment cela est-il possible ? N’est-ce pas l’urgence des urgences ? »

Députés de la "France Insoumise" brandissant le Code du Travail à la suite de l'intervention de Jean-Luc Mélenchon (04/07/2017)Quel est ce « peuple des métiers » ? C’est en réalité à la fois la bourgeoisie et le prolétariat, qui « travaillent », par opposition à la finance.

C’est totalement réactionnaire, c’est la même approche que le fascisme et c’est pour cette raison que Jean-Luc Mélenchon parle du « martyr des animaux » : son but est d’utiliser des images fortes pour mobiliser, mais sans programme réel, sans valeurs bien définies, sans objectif concret.

Il n’a cependant aucun droit, en réalité, de parler du « martyr des animaux », car il ne s’intéresse pas au contenu, au réel, aux animaux eux-mêmes ; il ne fait que chercher à donner à son mouvement une image populaire, obéissant ici aux principes de la démagogie.

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