La CGA contre l'antispécisme: une démarche antidémocratique
Submitted by Anonyme (non vérifié)L'organisation anarchiste CGA - Coordination des Groupes Anarchistes - a publié il y a quelques temps, en janvier 2014, une déclaration officielle afin de rejeter « l'antispécisme » et « la libération animale » au nom de l'anarchisme.
On a là une démarche antidémocratique. En effet, seules les masses peuvent décider de ce qui est juste ou pas dans une société qu'elles devraient guider elles-mêmes. On peut, en tant que révolutionnaires, avoir sa propre conception à ce sujet, et notre conception va à l'opposé de celle de la CGA. Mais les choses ne peuvent être tranchées que par les masses, dans un débat démocratique en leur sein bien évidemment rendu difficile voire impossible dans le capitalisme.
C'est pour cela que la CGA a une démarche fondamentalement incorrecte. Le ton de son approche fait que si c'est une personne anarchiste qui a écrit, au final la voix qui en ressort est celle d'entreprises du type Nestlé.
LA CONTRADICTION VILLES-CAMPAGNES
On a ici en effet un cas d'école. Les anarchistes oublient encore et toujours qu'il ne s'agit pas seulement de socialiser les entreprises, mais également les investissements productifs ; il ne faut pas des ouvriers gérant simplement leur usine, mais la classe ouvrière décidant quoi et comment produire.
Le socialisme, ce n'est pas socialiser les productions capitalistes pour les continuer, ce n'est pas simplement un combat « quantitatif » : c'est une lutte qualitative également, pour une société aux valeurs différentes.
Or, il y a deux choses centrales ici : la contradiction entre le travail intellectuel et le travail manuel, et celle entre les villes et les campagnes. Selon le matérialisme dialectique, ces deux contradictions doivent être dépassées.
Et que voit-on ? Le fait d'utiliser des animaux de manière massive dans la consommation humaine est récente et relève du capitalisme. Plus celui-ci se renforce d'ailleurs, plus c'est le cas. C'est une évidence qui saute de plus en plus aux yeux des masses mondiales.
LA CGA NIE QUE LES IDEES REFLETENT LA MATIERE
La thèse de la CGA est la suivante :
« Les réflexions éthiques qui peuvent fonder une pratique alimentaire individuelle, végétarienne ou végétalienne, nous paraissent également tout à fait légitimes, dès lors qu'elles relèvent d'une éthique individuelle, et non d'un projet sociétaire fondé sur l'imposition d'une norme sociale alimentaire sur les bases d'un relativisme éthique dangereux. »
Cette argumentation antidémocratique ne tient pas compte de ce qu'est le capitalisme, et la CGA est hypocrite, puisqu'elle prétend ne pas condamner les gens faisant le choix de soutenir les animaux, alors qu'elle le fait quand même.
Ce que dit la CGA c'est, en d'autres termes, que des individus peuvent bien être végétariens ou même végétaliens si cela leur chante, pourvu que cela ne soit qu'une « pratique alimentaire individuelle » et qu'ils admettent qu'ils ont « socialement » tort...
Or, la question animale ne relève pas d'une simple « réflexion », mais d'un rapport à la réalité, ce que nie la CGA, qui a une démarche intellectuelle abstraite : elle rejette les personnes végétariennes et végétaliennes en les regardants de haut tout en s'imaginant rationnelle, alors qu'elle n'essaye même pas de comprendre pourquoi certaines personnes s'intéressent aux animaux.
Or, d'où vient la question animale ? Mao Zedong a formulé ici quelque chose de simple, d'une grande utilité pour comprendre les choses. Il dit :
« D'où viennent les idées justes ? Tombent-elles du ciel ? Non. Sont-elles innées ? Non.
Elles ne peuvent venir que de la pratique sociale, de trois sortes de pratique sociale : la lutte pour la production, la lutte de classes et l'expérimentation scientifique. L'existence sociale des hommes [et des femmes] détermine leur pensée. »
Ce qu'on appelle l'antispécisme n'est donc pas une démarche tombée du ciel afin « d'imposer une norme alimentaire ». L'antispécisme, comme toute conception, comme toute idée, est le reflet d'une pratique sociale car c'est bien l'existence sociale des hommes et des femmes qui détermine leur pensée.
Il s'agit donc de savoir ce que reflète l'antispécisme, qui revient à considérer que les être humains doivent cesser de se considérer comme une espèce supérieure aux autres espèces animales. Soit c'est une question relevant du camp du progrès, soit c'est un produit de la décadence du capitalisme. Les idées reflètent toujours une position de classe.
LA REALITE POPULAIRE DU RAPPORT AUX ANIMAUX
Regardons les faits : pourquoi des personnes en sont-elles arrivées à se poser certaines questions par rapport aux animaux et à formuler des idées comme l'antispécisme ou la « libération animale », ou encore le « véganisme » qui consiste à rejeter toute utilisation de produits d'origine animale ?
La situation est la suivante :
1) Il y la lutte pour la production, c'est-à-dire que l'humanité, en tant qu'une des expressions de la vie sur Terre, cherche naturellement à reproduire son existence. C'est pour cela qu'elle a pratiqué la chasse, puis a développé l'élevage des animaux.
2) Il y a la lutte de classe, c'est-à-dire que la société humaine est divisée en des classes sociales aux intérêts divergents, qui peuvent être parfois antagoniques, parfois temporairement convergents (ou prétendument tels) . C'est pour cela qu'il y a aujourd'hui des ouvrières et des ouvriers travaillant dans d'immenses abattoirs et fermes usines dans lesquels sont tués ou exploités en masses des animaux, dans le but de dégager du profit.
3) Il y a l'expérimentation scientifique, c'est-à-dire que la pratique sociale des humains les oblige à comprendre leur rapport à la nature. C'est pour cela qu'il y a des études nutritionnelles pour comprendre pourquoi l'alimentation est utile, en plus de fournir de l'énergie, afin d'apporter les acides aminés qui ne peuvent pas être synthétisés directement par l'organisme humain.
À travers leur existence sociale, les êtres humains ont été en rapport avec les animaux, de manière de plus en plus aboutie avec le développement du mode de production. Ce rapport, ou plutôt ces différents types de rapports, issus des différentes sortes de pratiques sociales, ont forcément évolué avec le temps, avec le développement des forces productives.
Et puis il y a des rapports différents suivants les animaux. Le rapport privilégié avec les chiens dans la plupart des sociétés est issu à la base d'un rapport de collaboration entre certains loups et les humains. Les différentes pratiques sociales ont modifié ce rapport, qui ne cesse d'évoluer encore aujourd'hui.
L'antispécisme est ainsi en quelque sorte une proposition pour la suite de l'évolution de ce rapport entre les animaux et les humains. Le besoin de communisme intègre la question du rapport aux animaux, un rapport forcément pacifique, relevant de l'appréciation de la vie en elle-même.
Avec l'affirmation toujours plus puissante des monopoles et de leurs valeurs, les masses mondiales comprennent qu'il y a un problème et que la négation de la vie comme ayant une valeur en soi relève de l'idéologie de la guerre impérialiste, du capitalisme fanatique de la concurrence.
LA CGA PRATIQUE L'ESCROQUERIE INTELLECTUELLE
La CGA nie cette actualité, pour affirmer que la question animale n'est posée que par des ultra-libéraux faisant de chaque animal un individu pour renforcer le libéralisme. C'est totalement faux, et la CGA est ici totalement hypocrite.
En effet, n'importe qui peut aisément voir que la teneur des arguments de la CGA sont volés à l'article « Véganisme utopique et véganisme scientifique », datant de 2005.
Or, il s'agit d'un article écrit justement dans le sens de la libération animale, mais rejetant le courant libéral raisonnant en termes d'individus. La CGA fait un hold up en reprenant la critique, pour... rejeter la question animale dans son ensemble.
C'est typique de l'ultra-gauche, qui se prétend une chose pour mieux casser le mouvement de l'intérieur.
Voici ce que dit la CGA :
« L'antispécisme s'inscrit dans une vision libérale de la liberté, de l'égalité, du droit et de l'individu. Le libéralisme ici, revoit au courant philosophique rationaliste issu des Lumières, qui pose la liberté humaine comme « naturelle » (et non comme le résultat de la vie en société), intrinsèque à l'individu conçu comme atome indépendant de la société et des conditions sociales. Ce courant philosophique considère la liberté à l'échelle individuelle, comme absence de contrainte de la part de la société, et la postule donc comme « infinie » indépendamment des conditions de sa réalisation (…).
C'est à partir de cette conception libérale de la liberté que l'antispécisme a développé la notion de « libération animale ». Les animaux non humains sont considérés comme des individus dès lors que l'individu est conçu dans la pensée libérale comme indépendant et antérieur à la société (d'où les mythes originels positifs ou négatifs de l'individu « vertueux » chez Rousseau ou « loup pour l'homme » chez Hobbes). »
Critiquer l'interprétation ultra-libérale de la question animale peut être juste, mais cela ne règle nullement la question animale pour autant.
La CGA pratique l'assimilation du véganisme à un courant ultra-libéral, sur la base d'une critique pourtant faite par des partisans de la libération animale, afin de soutenir en pratique les monopoles qui justement intègrent toujours plus les animaux dans leur production.
L'article « Crise du capitalisme et intensification de la productivité : le rôle des animaux dans la chute tendancielle du taux de profit » présente cette importante question.
LA CGA PILLE LE MATERIALISME DIALECTIQUE
Ce n'est pas tout : la CGA prétend avoir une position « matérialiste ». Et dans une même logique, la CGA ne peut que faire rire avec ses affirmations littéralement volées à ce que dit le PCMLM sur le matérialisme dialectique. La CGA prétend que l'anarchisme serait matérialiste, qu'il ne s'intéresse qu'à la matière, or l'anarchisme ne s'est jamais intéressé à cette question, c'est tellement « énorme » de mensonge que c'est totalement ridicule.
Il faut vraiment que la CGA n'ait aucune identité à part le hold up pour en arriver là.
Voici ce que dit la CGA :
« L'anarchisme est un courant matérialiste, en ce sens qu'il refuse toute séparation entre idée et matière, et affirme que rien n'est extérieur à la matière. En ce sens également qu'il n'est pas seulement un mouvement rationaliste (tel d'autres mouvements philosophiques issus des Lumières comme le libéralisme et le marxisme), mais qu'il inscrit son approche éthique, politique, économique et sociale sur l'analyse des rapports sociaux concrets et historiques. Ainsi, ses idées ne sont donc pas des concepts abstraits plaqués sur la réalité, mais des concepts forgés en relation avec les rapports sociaux qui caractérisent la société humaine.
Les concepts de liberté, d'égalité, de droits, mais aussi de domination, d'exploitation et d'oppression ne sont ainsi pas pensés comme des concepts abstraits et subjectifs, mais comme des concepts liés aux rapports sociaux, à la réalité matérielle de l'agencement des relations humaines. »
Le choix même des termes montre que la CGA tente de pomper les concepts du matérialisme dialectique, du matérialisme historique, comme par exemple avec l'expression « rapports sociaux » ! On ne peut pareillement que rire quand on lit cette explication volée au Capital de Karl Marx, et attribuée à l'anarchisme :
« Ainsi l'exploitation, comprise au sens anarchiste, ne se réduit pas au sentiment d'être exploitéE, mais se définit comme un rapport social caractérisé par l'appropriation du travail et des bénéfices du travail, notamment par l'intermédiaire de la plus-value réalisée au moyen de la propriété privé et de l'échange marchand au profit d'une minorité (la bourgeoisie). »
L'anarchisme n'a jamais défendu cette conception, formulée par Karl Marx, tout le monde le sait. Là encore, on est dans l'escroquerie.
LA CGA NIE LA SOCIETE FRANCAISE
Au fond, la CGA nie la société française, sa démarche est cosmopolite. La CGA dans sa déclaration se prétend « matérialiste » et se veut être rationnelle, mais elle ne s'intéresse pas aux pratiques sociales qui induisent un rapport concret aux animaux. La CGA reste dans le domaine des idées abstraites, dans la théorie sans rapport avec la pratique sociale.
Prenons simplement le cas des chiens et chats en France : on voit qu'il y a une contradiction entre le fait que les masses rejettent largement la violence contre les chiens et les chats, et le fait que les refuges accueillant les chats et les chiens victimes de violence, tel l'abandon, soient terriblement isolés.
En même temps, une partie des refuges est aidée par la fondation « 30 millions d'amis », dont le nom reflète la présence massive d'animaux dans la vie des gens. Et qu'est-ce que « 30 millions d'amis » à la base, si ce n'est l'une des émissions télévisée les plus anciennes et connaissant le plus de succès en France ?
La CGA n'aborde pas cette question. Pourtant, elle devrait, c'est essentiel. Et puis elle devrait, selon ce qu'elle déclare, critiquer cette formulation de 30 millions « d'amis » à propos des animaux dits de compagnie. Puisque pour elle les animaux et les humains ne « font pas société », ils ne peuvent pas être des amis. La CGA dit en effet :
« C'est à partir de cette conception libérale de la liberté que l'antispécisme a développé la notion de « libération animale ». Les animaux non humains sont considérés comme des individus dès lors que l'individu est conçu dans la pensée libérale comme indépendant et antérieur à la société (d'où les mythes originels positifs ou négatifs de l'individu « vertueux » chez Rousseau ou « loup pour l'homme » chez Hobbes).
Or la pensée anarchiste, si elle refuse la séparation idéaliste entre êtres humains et animaux – définissant les êtres humains comme des « animaux sociaux », sur la base notamment de la théorie évolutionniste – insiste par ailleurs sur l'entraide intra-espèce comme facteur de l'évolution, puis définit la liberté comme un rapport social, et la société comme somme des relations sociales entre êtres humains.
Les animaux humains et non humains font ils-société ? A cette question, la pensée anarchiste répond par la négative, puisque la société n'est pas définie uniquement par l'existence de relations, ni même de la communication par le biais du langage mais par l'histoire et par le travail et sa dimension collective (une accumulation progressive de savoirs, d'expériences, sa transmission, mais aussi l'entraide intergénérationnelle...) qui permet aux individus de développer leurs capacités depuis leur naissance, passant de la dépendance absolue à leurs semblables à une relative autonomie individuelle qui est le produit du collectif. »
D'un côté, la CGA dénonce la vision du monde fondée sur les individus, mais de l'autre, la CGA parle de la société pour... remettre les individus au centre de tout. C'est une preuve que la CGA ne fait que défendre un courant libéral en concurrence avec d'autres, d'où la critique de « l'antispécisme » de type libéral, anarchiste.... et « l'oubli » de la prise en compte de la réalité française.
LES HUMAINS ET LEUR RAPPORT HISTORIQUE AVEC LES ANIMAUX
Une preuve de cette nature petite-bourgeoise est qu'il est tout à fait absurde d'imaginer, comme le fait la CGA dans sa déclaration, qu'il n'y a pas un rapport historique entre les animaux et les humains. Il existe bel et bien un rapport historique privilégié avec certains animaux comme les vaches, les chevaux, les poules ou les cochons. Ce rapport est lié au travail, c'est-à-dire, comme il est expliqué précédemment, à la pratique sociale qui peut être de trois formes différentes.
Ce rapport historique est même tellement profond et complexe qu'il a transformé ces animaux eux même, tout comme ceux-ci ont modifié l'humanité elle-même.
Le mouvement de la protection animale est né est s'est développé parce qu'il y a dans les masses des gens qui aiment les animaux et qui ont eu les moyens, grâce au développement du mode de production, d'affirmer cette amitié pour les animaux.
Cela n'était pas une idée juste qui sortait de nulle part, mais le résultat de la pratique sociale de l'humanité, notamment dans sa quête d'un rapport plus harmonieux avec la nature. Les animaux sont une expression de la nature qui est facilement perceptible par la sensibilité humaine.
L'antispécisme ou bien la « libération animale », ou encore le veganisme, sont des théories partant de cette réalité pour affirmer qu'il faut développer un nouveau rapport aux animaux.
Tantôt il est proposé de simplement arrêter de leur faire du mal, tantôt il est proposé de développer l'amitié et la collaboration avec les animaux, tantôt une position un peu entre les deux. Tout cela n'est pas encore forcément bien formulé ou compris de manière correcte. Mais il y a de nombreux débats à mener et de nouvelles choses à comprendre, car tout cela est est une question nouvelle pour l'humanité.
Il est évident que c'est une question d'avenir. La CGA pour sa part, avec sa déclaration contre l'antispécisme, s'enferme délibérément dans le passé. Et sa méthode de voler des idées reflète son rôle ultra-gauchiste suivant la ligne: pour que rien ne change, tout doit changer. Derrière le radicalisme de façade se cache le sabotage des conceptions progressistes.