11 avr 2010

Revendiquer l’écologie avec le PCMLM ou faire du franco-français en rejetant les satanistes « anglo-saxons »?

Submitted by Anonyme (non vérifié)

En France, lorsqu’on veut discréditer les idées nouvelles, on dit qu’elles sont étrangères.

Le marxisme? Allemand, incompatible avec « l’esprit français » !

Le bolchévisme? Russe, inadapté aux « mentalités françaises » !

Le maoïsme? Chinois, inapproprié à la « rationalité française » !

Le « spécial écologie » de la revue Courant Alternatif, publié en février par l’Organisation Communiste Libertaire, ne déroge pas à la règle: l’écologie? Anglo-saxon, du puritanisme protestant, irréconciliable avec le « savoir-vivre français », nous est-il dit dans l’article Du retour du religieux dans les écologies.

Un article très instructif car, tout comme l’ensemble du « spécial écologie » il ne vise pas tant à expliquer comment il faut être écologiste, qu’à expliquer qu’il ne faut surtout pas l’être, car on servirait alors les capitalistes !

Dès le départ de l’article en question, le ton est d’ailleurs donné, puisque les premières phrases sont:

« On assiste, depuis vingt ou trente ans, à une inflation de nouveaux « isme », nés pour la plupart dans la très protestante et puritaine Amérique du Nord, et qui ont transité par la Grande-Bretagne ou par la très « réformée » Allemagne.

Cela va du primitivisme à l’antispécisme, de l’écologie profonde à l’anarchisme vert, des mouvements « anticivilisation » à l’ « éco-féminisme » en passant par le mouvement Gaïa qui les coiffe en réalité presque tous… et même le satanisme (que nous laisserons de côté!). »

Ce qu’on lit ici consiste ni plus ni moins qu’en du racisme (et ne parlons pas du « satanisme » qui est mis sur le même plan que les théories écologistes, attitude très révélatrice de la volonté de nuire et de la mauvaise foi complète présentes tout au long de l’article en question).

Des idées seraient nécessairement fausses car… nées dans des pays qui seraient protestants (sous-entendu: pas catholiques, ou bien laïcs), qui seraient « anglo-saxons » (sous-entendu: et non pas latins).

Une telle affirmation est typique du petit-bourgeois français, qui pense que la France est le pays de la rationalité, de la science, de la raison, de l’humanisme, etc.

Notons d’ailleurs que ce qu’on lit ici sur la localisation de l’origine des idées critiquées est de plus totalement faux. En effet, une partie des conceptions critiquées par l’article s’est surtout très largement développée au Chili, en Argentine, au Mexique, ainsi que dans l’État espagnol et en Italie!

Le site sud-américain Liberacion Total par exemple témoigne d’un activisme effréné et de la tentative d’une construction d’une alternative révolutionnaire nouvelle, à la confluence de l’anarchisme, du primitivisme et de l’antispécisme.

Car si les questions écologistes se développent de manière nouvelle, c’est aussi en raison de la généralisation de l’industrie de la viande (notamment en Amérique latine) et de la destruction de la planète. Comme le disait Marx, l’humanité ne peut que poser les questions auxquelles elle peut répondre.

En témoigne par exemple cette action au Brésil du 21 mars 2009, menée par l’ALF contre l’un des plus grands abattoirs d’Amérique latine (500.000 volailles y sont abattues chaque jour).

Mais si l’article de Courant Alternatif ne parle pas de l’industrialisation de la viande qui se généralise, ni de la destruction de la planète qui s’accélère, ce n’est pas pour rien.

Car l’article attaque en réalité la compréhension scientifique du monde… et il ne vise ainsi pas tant les « anglo-saxons » que… le PCMLM. En effet, au début de l’article répond la fin de l’article, où l’on peut lire:

« Derrière le culte du vivant, l’angoisse de la mort

Lorsqu’on voyage à travers des nouvelles idéologies, on est frappé du rapport particulier à la vie (et donc à la mort) que l’on y trouve. Une peur de la fin du monde dont nous serions coupables, collectivement et individuellement, pour nous être écartés de nos origines fusionnelles avec le Cosmos, avec la Vie.

Y retourner est une sorte de déni de la mort.

« Je suis préparé à quitter cette vie, je n’ai pas peur. Je me désintégrerai juste dans des molécules et des atomes. Ceux-ci seront probablement transformés dans une autre forme de matière vivante. » « Lors de sa mort, de sa vie et de sa destruction, l’organisme restitue à la biosphère ses atomes et les lui reprend incessamment, mais la matière vivante pénétrée de vie puise toujours sa genèse au sein de la vie elle-même », nous dit Vladimir Vernadsky, la référence des maos antispécistes du PCMLM.

Finalement, nous sommes là en présence d’une façon contemporaine de transcender l’angoisse de la mort dans une nouvelle religion. »

Disons le ouvertement et clairement: parler de « l’angoisse de la mort », dire qu’il existe une « angoisse de la mort », est totalement étranger à la culture de l’extrême-gauche.

Ceux qui affirment qu’il existe une angoisse face à la mort, ce sont les existentialistes (Sartre, à la suite de Heidegger et Kierkegaard).

Ce sont les fascistes qui disent qu’il existe en ce moment, de manière « contemporaine », une angoisse face à la mort, qu’il faut par conséquent retrouver le « sens de la vie » par le « dépassement de soi » et le mode de vie clanique.

Et ce sont les psychanalystes qui s’appuient également sur cette notion.

Et que voit-on dans l’article, justement ? Que ce passe-temps psychologique des grands bourgeois qu’est la psychanalyse se voit transformer par le texte en référence du mouvement ouvrier, aux côtés de la sociologie et l’économie!

Sociologie, économie et psychanalyse seraient issus du mouvement ouvrier et formeraient le socle du « matérialisme » partagé par « toutes les tendances » du mouvement ouvrier!

Une telle position est bien entendu totalement fausse, vu:

- que Marx et Engels se sont séparés des autres courants du mouvement ouvrier, au nom du socialisme scientifique (le marxisme);

- que Lénine a souligné l’importance centrale de la dialectique de la nature dans le marxisme, critiquant notamment dans « Matérialisme et empirio-criticisme » les accusations de « mysticisme »;

- que Mao Zedong a assumé ces positions et rappelé notamment dans « De la contradiction » que pour le marxisme, la dialectique n’était pas qu’une loi « sociale » mais bien une loi universelle, valable pour absolument tous les phénomènes.

Ce que l’on voit donc, c’est que l’article critique l’aspect religieux dans l’écologie, pour en fait mettre en avant les vieilles thèses anti-dialectiques qu’ont déjà affronté Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao !

Vieilles thèses anti-dialectiques mises en avant depuis longtemps en France par tout le courant petit-bourgeois issu de Proudhon et des utopistes, pour qui le projet ouvrier se résumerait à de la « sociologie » et de « l’économie »…

Et la preuve de cela réside dans la négation complète et absolue du matriarcat que l’on trouve dans le texte de Courant Alternatif.

Le texte dit sur un ton absolument typique de l’université (bourgeoise): il n’y a pas de preuves que le matriarcat ait existé, le communisme primitif est une invention, etc.

Et même pire, car dans l’article, il est dit que les connaissances sur le matriarcat sont « partielles, discutées et remises en cause fréquemment – et surtout idéologisée ».

Ce que le texte nie ici c’est l’aspect idéologique du discours bourgeois pseudo « scientifique. » L’article fait confiance aux « chercheurs »: il nie la lutte de classes et le fait que les résultats « scientifiques » se transforment, avec la décadence de la bourgeoisie, en simple apologie du capitalisme.

Notons justement ici que l’article parle de « matérialisme » mais jamais de la matière, ni de la réalité en général ; il en reste à une très vague histoire des idées. Tout cela pourtant au nom de quoi ? Du « matérialisme »… Oui, mais du matérialisme bourgeois, comme on peut le voir à la définition donnée lorsqu’est faite la critique des connaissances prétendument « partielles »:

« La démarche matérialiste est inversée: on ne cherche pas à déduire des conséquences et des orientations de l’observation plus ou moins scientifique, on sait ce qu’on veut démontrer à l’avance, et on pique ici et là dans les « modes » ethnographiques, ce qui conforte le présupposé. »

Ce qui est ici cocasse, ce n’est pas seulement que le terme « matérialiste » qui appartient au marxisme est transformé en apologie du matérialisme bourgeois, que le matérialisme ici présenté est simplement celui de Descartes et de tous les empiristes.

Non, il faut surtout voir que la méthode consistant à « piocher » n’importe comment est exactement ce que fait l’article!

L’article fait en effet référence à la notion de Gaïa, à des gens comme Lovelock et Vernadsky, à Françoise d’Eaubonne, au primitivisme et John Zerzan, à Earth First!, à l’ALF, à l’antispécisme….

Mais sans jamais rien connaître d’autre à ces personnes et à ces théories autre chose que les pires caricatures des années 1990, lorsque le milieu anarchiste alors à son apogée en France baignait dans une orgie économiste petite-bourgeoise (avec l’anarcho-syndicalisme) et un refus bien chauvin de toute connaissance des expériences dans les autres pays (à part la Catalogne de 1936, pour le mythe).

L’article multiplie donc les erreurs, les inventions et les fantaisies délirantes (ainsi l’ALF serait influencé par des tendances favorables à l’extinction du genre humain, alors qu’en réalité il s’agit bien entendu d’un courant ultra minoritaire et caricatural n’ayant absolument rien à voir avec l’ALF; les antispécistes se revendiqueraient de la biosphère, alors que justement les antispécistes ne s’y intéressent pas du tout, à l’opposé précisément de ceux et celles unissant libération animale et libération de la Terre; pas une seule fois on ne retrouve les mots « vegan » ni « véganisme » ce qui est un comble; le Front de Libération de la Terre est également « oublié » etc.).

Et l’on peut même dire qu’un tel article dans Courant Alternatif est une honte complète et montre la décadence de l’Organisation Communiste Libertaire.

Car l’OCL est historiquement l’organisation la plus progressiste du mouvement anarchiste; elle a participé au mouvement autonome en France dans la fin des années 1970, ainsi qu’aux luttes anti-nucléaires de l’époque (cette dernière activité étant d’ailleurs toujours rappelée sur le mode « ancien combattant »). Elle représente (ou plutôt représentait devrait-on dire) historiquement le courant anarchiste ouvert aux idées nouvelles, aux mouvements sociaux, à l’opposé des anarchistes traditionnalistes (du type Fédération Anarchiste).

Mais là, ce qui pose problème, ce n’est pas tant que le Front de Libération des Animaux existe dans une série innombrable de pays. Le petit-bourgeois peut toujours saluer la « radicalité » de telle ou telle action, prétendre que tout se rejoint, qu’il n’est pas d’accord mais qu’il soutient, dans l’attitude schizophrène typique de l’opportuniste cherchant à se donner une image « révolutionnaire. »

Non, le problème insoluble pour le petit-bourgeois, c’est que des luttes comme la libération animale et l’écologie supposent un changement pratique, au quotidien.

Remettre en cause sa vie personnelle, sa vie « privée » est insupportable pour le petit-bourgeois, voilà pourquoi le matriarcat est nié dans l’article: en niant le matriarcat, on nie le patriarcat et les exigences de le combattre au quotidien.

Voilà pourquoi le numéro entier « spécial écologie » de Courant Alternatif consiste purement et simplement en une attaque contre l’écologie, qui aurait été purement et simplement gangrenée par le capitalisme. Une fois dit cela, on passe à la trappe l’écologie et la nécessité de changer!

Preuve de cette folie: le Grenelle de l’environnement y est même présenté comme un grand plan capitaliste… Ce qui est une critique ridicule (et « de droite ») comme le montrent les faits: le Grenelle non seulement n’allait évidemment pas « assez loin » pour ainsi dire, mais de plus il a carrément été liquidé…

Mais l’OCL ne peut pas faire une critique de gauche; tout ce qu’elle peut faire, c’est réagir comme la vieille extrême-gauche: regretter le passé. Regretter la période avant la crise générale du capitalisme, et avant la crise écologique (qui pour le coup est carrément niée).

Ainsi, l’article dont nous parlons ici est comme tous les articles du « spécial écologie »: il s’agit d’une attaque directe contre le principe d’autocritique, contre le principe qu’il faut comprendre ce qu’est la triple oppression, ainsi que la situation des animaux et de la nature, la dimension de notre époque.

Les urgences de notre époque… ne sont pas seulement pas comprises, mais ouvertement niées!

Alors que, selon nous, toutes les questions écologiques lorsqu’elles sont comprises scientifiquement forment quelque chose de véritablement subversif à notre époque, car formant des exigences qui doivent être satisfaites.

Et selon nous cela est parfaitement cohérent, et donc conforme aux objectifs communistes: la résolution de la contradiction entre les villes et les campagnes, ainsi qu’entre le travail manuel et le travail intellectuel.

Tout cela se tient; c’est même la seule voie, et ce sont des objectifs qui répondent à la situation de notre planète, à l’évolution dialectique de l’humanité, à la dialectique de la nature.

L’article rejette le fait que l’humanité a une responsabilité nouvelle et doit cesser ses destructions, et nous nous disons, non, l’humanité doit justement comprendre sa place, qui est une place parmi d’autres, au sein de la biosphère!

L’article de Courant Alternatif montre ici à quel point la « vieille extrême-gauche » a peur de se faire balayer, et rejoint ouvertement les positions de l’ancien contre le nouveau.

Elle est inapte à affronter les questions d’une fantastique dimension qui se posent, et qui devront être résolues!        

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