27 oct 2015

10 ans après les émeutes de novembre 2005 en France

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Lien vers les Recommandations militantesIl y a des moments dans l'histoire d'un pays où la vie quotidienne, avec son train-train, est bouleversée. Tout s'accélère, brutalement ; les masques politiques et sociaux tombent, tout se révèle à la face de la société. La crise de mai 1968 a été un tel moment, et d'une manière moins importante mais significative, les émeutes de novembre 2005 ont également consisté en un moment de ce type.

Psychologiquement, cela a été un moment frappant, quasi traumatisant. Si une révolte de banlieues existait comme possibilité aux yeux de la société française, cela restait quelque chose de vague, sans réalité. C'est pourquoi la société française a été frappée de stupeur, littéralement. Il y a ici quelque chose de dommage, et d'inévitable, et d'historiquement très important.

D'inévitable, parce que l'année 2005 était un tournant. Il y avait alors en au mois de mai le référendum sur la constitution européenne, et le « Non » qui avait gagné apparaissait au PCF(mlm) comme social-chauvin, ouvrant la voie au Front National. Ceux qui réduisent la lutte de classes aux revendications économiques – aidant le fascisme tant en pratique que sur le plan des idées – semblaient avoir gagné.

Si le « Non » avait eu un autre contenu, authentiquement progressiste, réellement de luttes de classes, les émeutes de novembre 2005 n'auraient d'ailleurs pas eu cet effet de division au sein des masses populaires françaises.

Mais comme le « Non » était social-chauvin, les émeutes de novembre 2005 ont été dénoncées, de manière unilatérale. Le Parti Socialiste et le Parti « Communiste » français les condamnaient, pendant que l'extrême-gauche, si prompte à parler de « révolution », était entièrement déboussolée, et n'avait qu'un seul mot d'ordre : se dissocier, à tout prix.

À ce titre, il est significatif que les anarchistes et les trotskystes n'aient pris position qu'une fois que l'état d'urgence a été proclamé. Ils n'ont commencé à parler qu'une fois que l’État avait eu l'initiative, révélant leur nature de supplétif « démocratique » du capitalisme.

Personne ne savait quoi faire de cette violence anti-étatique… personne, bien entendu, à part le PCF(mlm) et les secteurs de les militants révionlutionnaires autonomes assumant l'antagonisme avec le mode de production capitaliste.

Car pour le PCF(mlm) comme pour les milieux autonomes alors, 2005 aurait pu être une conjonction historique. Les masses populaires avaient connu, dans le secteur de la jeunesse, de multiples expériences de luttes de classe franchement antagoniques avec le capitalisme, notamment avec les luttes anti-CIP (Contrat d'Insertion Professionnelle ou « SMIC Jeunes »), en 1994.

Du côté des travailleurs, les grèves de 1995 avaient été la plus forte vague de ce type depuis 1968 ; il y avait eu de réelles mobilisations de masse tant dans le public que dans le privé contre le « plan Juppé » sur les retraites et la Sécurité sociale.

La culture prolétarienne des assemblées générales était particulièrement vivante et la possibilité d'une vraie émergence d'une autonomie populaire assumant l'antagonisme était considérée comme possible... Cependant, en l'absence de ligne révolutionnaire correcte – ce que seul le matérialisme dialectique permet –, ce sont les réformistes qui ont gagné, aidés de ceux qui ont révisé le marxisme (le P«C»F) et des anarcho-trotskystes.

Les émeutes de 2005 apparaissaient comme une possibilité de réactiver l'antagonisme ; la position du PCF(mlm), comme des milieux autonomes, était très claire : l'histoire se faisait et il y avait quelque chose qui pouvait éclore. Considérant que la violence révolutionnaire est historiquement accoucheuse de l'histoire, le PCF(mlm) a considéré que les émeutes de 2005 étaient un élément important de la guerre du peuple contre un régime réactionnaire.

Et c'était indéniablement juste : on ne peut pas affirmer que les émeutes de 2005 ont été « réactionnaires » ou bien « apolitiques ». Ces émeutes s'opposaient à la passivité, à la fuite dans le trafic de drogues ou les religions. Se mobiliser pour affronter l’État – et c'est cela qui s'est déroulé – est un fait d'une nature propre au prolétariat, de par sa situation dans le mode de production capitaliste.

La mort dramatique de deux jeunes poursuivis par la police était présentée par les médias et les institutions comme un « fait divers » et cela n'a pas été accepté moralement. En fait, un secteur des masses populaires s'éveillait, avait une prise de conscience. Du point de vue communiste, il fallait donc saluer une révolte populaire, appeler à ce qu'elle s'approfondisse culturellement, idéologiquement.

Cette révolte n'a, toutefois, abouti à rien et cela est très visible dans le fait qu'elles n'ont justement pas donné lieu à un mouvement d'assemblées générales permettant l'organisation des masses. En fait, elle a témoigné d'une fracture des masses populaires, entre les secteurs populaires des banlieues, de culture très urbaine et souvent liées à l'immigration, et les masses populaires de la « France profonde ».

L'échec de l'union des masses a provoqué l'émergence d'Alain Soral, de Dieudonné ; cela a renforcé Marine Le Pen. L'extrême-gauche s'est précipitée dans les thèses d'ultra-gauche, exprimant le point de vue des bobos de centre-ville tentant de gagner les banlieusards. Les banlieues se sont elles aussi plongées dans les thèses post-modernes, notamment avec l'Islam. Les masses populaires de province ont, quant à elles, considéré qu'elles étaient seules, abandonnées de tous, et ont choisi de soutenir le Front National.

Tout aurait pu être très différent. Et la question de l'unité des secteurs populaires doit donc être bien à l'esprit des progressistes : on a là un contre-exemple historique.

Rubriques: