Les réactions à l'action identitaire à Poitiers ont été très nombreuses, puisque même le premier ministre a été obligé de donner son avis. Les « identitaires » sont très contents de voir leur action expliquée dans 215 articles francophones, par la télévision etc. Ils apparaissent sur le devant de la scène politique, tout en profitant déjà d'une idéologie, d'une démarche, d'une structure.

Et s'ils étaient en perte de vitesse, c'est aussi parce que leur idéologie a été reprise par une partie des masses ; ils peuvent cependant largement espérer se relancer, malgré toutes les moqueries journalistiques. Les « nationalistes autonomes » ont d'ailleurs salué l'action et on doit faire face à une émulation multipolaire typique du fascisme : identitaires par-ci, jeunesses nationalistes par-là, 3ème voie par-ci, nationalistes autonomes par-là, etc.

Les « identitaires », avec leur action, se relancent, tout en relançant les autres mouvements d'extrême-droite, dans un mouvement en forme de boule de neige. Bien évidemment, ne comprenant rien à la politique, les anarcho-trotskystes parlent d'un « pauvre petit plan comm' », ce qui serait risible si ce n'était absolument dramatique.

Car la politique ce n'est pas differ des tracts dans une manifestation syndicale, c'est faire des propositions au niveau de la société elle-même. Le coup des « identitaires » est, sur ce plan, de très haut niveau.

Ce que les « identitaires » ont en fait réalisé est une proposition stratégique très forte, tapant très haut, comme véritable « alternative » culturelle-idéologique à l'idéologie dominante, mais sans la rupture, comme « prolongement », comme « tendance naturelle » face à l'ennemi « extérieur ». Le fascisme part à la conquête des masses depuis l'intérieur de la société.

Et l'argument de défense des « identitaires » est même déjà établi, puisqu'en réponse à l'accusation de « provocation », les « identitaires » avancent : « La véritable provocation c’est de soutenir les Pussy Riot en Russie et de maudire la Génération Identitaire en France ».

Comme on le voit, c'est bien trouvé et les « identitaires » ne doivent certainement être pris à la légère. L'action des « identitaires » est très « intelligente » et le fruit d'une longue réflexion culturelle et stratégique, n'en déplaise aux anarchistes – les mêmes qui ont parlé d'un « pauvre petit plan comm' » (le groupe « Pavillon Noir » de Poitiers) – qui parlent de « banderoles débiles » et se lancent même dans une course à l'échalote identitaire :

« Le BI Poitiers appartient au BI Aquitaine qui se prétend “anti-jacobiniste” et “régionaliste”… et qui semble ignorer que la bataille de Poitiers a été l’occasion pour le royaume franc… d’asservir durablement l’Aquitaine, préalablement ennemie jurée de Charles Martel. Elle avait jusque là passé des alliances avec des potentats… musulmans, avant de demander l’aide de Martel.

Ces “régionalistes” du BI Aquitaine ignorent-ils l’histoire de leur chère contrée ? Ils ne sont pas seuls. Voyons Philippe Vardon (un leader du BI), présent lors de l’action, défendant “l’identité” de la Provence. Or Charles Martel a perpétré des horreurs en Provence, en Occitanie et Berry.

Son surnom de “marteau”, selon l’historien Karl Werner, lui viendrait de ces exactions en Provence, et non de sa victoire de Poitiers. Mais ça n’empêche pas ce pauvre Vardon de se revendiquer de Charles Martel. Difficile de demander à des abrutis surfant sur les mythes d’un “jacobinisme” prétendument dénoncé, d’avoir un peu de culture historique. »

Citer un historien bourgeois, accepter d'en revenir au 8ème siècle, en rester aux questions « identitaires », voilà très précisément ce qu'il ne fallait pas faire, et l'anarcho-trotskysme montre encore une fois son caractère absolument petit-bourgeois. Sauf que le fascisme représente la fraction la plus agressive de la bourgeoisie, et c'est le pouvoir qui est recherché.

Il faut donc être aveugle ou suicidaire pour se moquer de gens, toujours plus nombreux et avec toujours plus d'écho dans la société, qui veulent pendre aux crocs de bouchers les personnes progressistes.

Il n'y a aucune raison de se moquer du fascisme et des fascistes et toutes les raisons de regarder la situation avec sérieux. En ce qui concerne l'action « identitiare » à Poitiers, dans le climat actuel, alors que les conceptions racistes se sont diffusées largement dans les masses, les « identitaires » ont joué un coup très fort en tentant d'impulser une tendance, une direction, une sensibilité, une culture.

C'est un coup de plus en direction du fascisme. Se moquer de cela, c'est contribuer à diffuser les illusions social-démocrates sur la tendance actuelle dans la société !