16 mai 2012

« Réflexes », le fascisme et les trains capitalistes à la fin du 19ème siècle

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Ce qui va de pair avec l'effondrement de l'anarcho-trotskysme en France, c'est l'inévitable décadence complète de la revue « Réflexes. »

A la base, il s'agissait d'un fanzine au format A5, traitant de l'anti-répression et des solidarités et appartenant à la mouvance du SCALP (Section Carrément Anti-Le Pen) de la seconde moitié des années 1980.

REFLEX désignait « Réseau d'Etude, de Formation et de Liaison contre L'Extrême-droite et la Xénophobie. »

Et les SCALP formaient un véritable mouvement de masse dans la jeunesse populaire, agglutinant des milliers de personnes dans différents groupes et réseaux affrontant de front les fascistes.

Au début des années 1990, le tout s'est effondré, et l'un des restes a formé le SCALP/Réflexes, un groupe libertaire formant le réseau « No Pasaran ». Réflexes est alors devenu une revue au format A4 donnant différentes informations sur la scène de l'extrême-droite, avec notamment des « biographies » et des informations « secrètes. »

De telles informations provenaient alors tant d'enquêtes et de véritable travail d'infiltration, que de balances de l'extrême-droite donnant des informations sur la « concurrence », voire de personnalités d'extrême-droite directement, qui ainsi obtenaient une petite notoriété.

Réflexes a perpétué ce travail, sans jamais aucun travail idéologique ni culturel, devenant finalement ce qui serait une sorte de bulletin des Renseignements Généraux en version « public. »

Au contraire de nous, Réflexes n'a d'ailleurs absolument pas vu venir la vague fasciste de ces dernières années, preuve d'un grave égarement (voir notre critique, dans un constat sur le changement de situation en France, de Réflexes en 2007).

Le résultat est que la revue Réflexes ne sert plus à rien. Dénoncer l'extrême-droite ne sert à rien, car dénoncer ne change rien. Faire des biographies ne sert pas à grand chose non plus, puisque cela ne change rien à la réalité non plus.

Tant que Réflexes pouvait « montrer du doigt » des petites activités très marginales, cela pouvait au moins aider à surveiller et à faire contre-poids pour empêcher une progression de ces groupes.

Mais le ton « moqueur » des années 2000 est totalement ridicule alors que l'extrême-droite cartonne dans tout le pays. Cela peut même être directement utilisé par la bourgeoisie pour sa cuisine interne (voir ainsi RéflexES, « antifascisme radical » et Johnny Hallyday).

D'où, et c'est un signe total d'agonie, l'interview accordé par Réflexes au... Nouveau Parti Anticapitaliste.

C'est tout un symbole de comment la mouvance anarchiste en est venu à la social-démocratie trotskyste. D'ailleurs, la manifestation anti-fasciste du 9 mai des anarchistes a été tout simplement abandonnée cette année, alors que l'année dernière elle avait été faite en alliance avec... le NPA.

Et Réflexes, né sur le terreau de l'autonomie prolétaire, à l'extrême-gauche, avec un anarchisme populaire et dur, finit donc avec un discours nihiliste, pessimiste, démobilisateur, et mensonger.

Dans l'interview, accordé donc à l'hebdomadaire du NPA (Tout est à nous, 10 mai 2012), on voit par exemple Réflexes expliquer que :

Mais nous sommes avant tout un collectif d’information et de lutte, né à une époque où la montée de l’extrême droite ne passionnait pas forcément grand-monde.

C'est totalement mensonger, puisque Réflexes est né en 1986, au moment où les SCALP commencent à pulluler, à prendre une tournure de masse, avec même une bande-son sous la forme du Rock Alternatif, avec notamment le groupe les Béruriers Noirs...

Et la prétention de Réflexes a appelé à un « contenu » anticapitaliste est d'une hypocrisie terrible.

Réflexes n'a ainsi jamais proposé d'analyse du fascisme.

Réflexes n'a jamais parlé de l'antisémitisme comme phénomène social et culturel.

Réflexes n'a jamais mis en avant des études antifascistes, comme celle de Sternhell, Mosse, etc.

Réflexes n'a en fait, après la défaite des SCALP au début des années 1990, plus jamais été antifasciste, mais seulement « anti-fasciste radical »

Voilà le véritable sens de la défaite de Réflexes et plus globalement des anarchistes, qui n'ont jamais compris la nécessité du Front Populaire antifasciste.

Quelle ironie de voir des anarchistes reprendre le slogan communiste « No Pasaran », « ils ne passeront pas », qui appelait à l'unité antifasciste comme priorité, alors que les anarchistes n'ont cessé d'utiliser l'antifascisme comme fond de commerce.

Que dire quand on voit la réponse simpliste, totalement petite-bourgeoise, de Réflexes à la question suivante :

Quelle analyse faites-vous des 18 % pour le FN au premier tour de l'élection présidentielle, et quelles conséquences cela peut-il avoir sur le plan politique ?

Notre analyse n’est guère différente de celles que d’autres, sociologues, journalistes, géographes, ont pu produire ça et là. Les 6 millions de voix obtenues par Marine Le Pen sont le résultat de la conjonction de nombreux phénomènes dont le principal est bien sûr la crise systémique que nous subissons depuis 2008 et qui rend attractif un discours de protectionnisme national tel qu’a pu le développer la présidente du FN.

Ce phénomène n’est pas nouveau puisqu’il est assez comparable à ce qui se produisit au xixe siècle, lorsque la constitution d’un marché national français, grâce au développement du réseau de chemin de fer, eut pour conséquence l’émergence d’identités régionales fortes et revendiquées.

On est là au degré zéro de l'antifascisme.

Le fascisme, comme dynamique du capitalisme impérialiste agressif, est totalement incompris. L'antisémitisme est totalement nié. La tendance à la guerre impérialiste, à la mobilisation nationale, totalement oubliée.

Comparer la montée du fascisme aujourd'hui à un problème équivalent à celui posé par les trains capitalistes à la fin du 19ème siècle, c'est une preuve de la nullité de l'analyse antifasciste.

Une nullité qui va jusqu'à nier l'existence du néo-nazisme en Grèce, ce qui est très grave. Réflexes assimile la victoire électorale nazie à un succès « populiste nationaliste. »

Cela est faux et criminel. Voici ce que dit Réflexes :

Quelques mots sur la situation en Europe, et singulièrement sur la montée incroyable des néonazis en Grèce ?

Chaque pays a ses spécificités mais on observe malgré tout une convergence des populismes nationalistes, tant dans leur forme que dans leurs motivations.

La Grèce n’échappe pas à ce constat et cela montre que les formules incantatoires, en l’occurrence hurler au néo-nazisme, ne changent rien si elles ne s’accompagnent pas d’un méticuleux travail social de terrain face à la crise.

Or à l’évidence, les organisations les plus réactionnaires, qu’elles soient nationalistes en Europe ou religieuses dans le monde arabe, ont bien compris l’intérêt de celui-ci. Les organisations révolutionnaires doivent à leur tour s’y investir sous peine de disparaître du champ politique.

Confondre le « populisme nationaliste » et le fascisme, c'est confondre l’État policier et l’État fasciste. C'est du pur suicide.

Il est vrai que, finalement, Réflexes a une ligne petite-bourgeoise et ne peut admettre que le capitalisme subisse sa crise générale et que l'heure est à la révolution socialiste.

D'ailleurs, quand Réflexes dit :

La société française est très largement détachée du fait religieux, héritière de plus de 200 ans de lutte anticléricale et se trouve aujourd’hui en présence de populations migrantes dont la pratique religieuse est souvent très vivace et prend des formes auxquelles la majeure partie de la population n'est plus habituée et qu'elle assimile très rapidement à du fanatisme ou du prosélytisme.

On ne peut que se demander si les gens de Réflexes ne vivent pas 24 heures sur 24 dans une université bourgeoise de Paris. Car pour nier à ce point l'importance capitale de la religion en France, il ne faut vraiment rien connaître aux masses ni à la culture française.

Un tel antifascisme n'est pas seulement ringard, il est aussi stupide et borné, effroyablement petit-bourgeois. Il est une insulte aux SCALP des années 1980.

Il est surtout contre-productif parce qu'il faut croire que les masses vont devoir de nouveau repartir à zéro dans l'antifascisme, comme au début des années 1980 lorsqu'il a fallu une mobilisation générale à partir de rien, pour donner naissance à des groupes partout, mais sans expérience et avec une absence de compréhension générale de ce qu'est le fascisme en tant que mouvement, en tant que processus historique.

A notre époque, sans culture antifasciste, un mouvement antifasciste ne pourra pas vaincre, ni même se constituer. Réflexes aura fait des biographies, donné des informations, mais n'aura finalement en rien contribué à cette culture antifasciste, qui ne pourra exister que par des groupes autonomes, populaires, se fédérant à la base et s'unissant de manière totalement démocratiques !

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