Trois exemples de positions caractéristiques de l'ultra-gauche - 3 : l'histoire revisitée
Submitted by Anonyme (non vérifié)Quand on décroche de la société, on décroche de la réalité. On est alors dans le monde des idées, seulement dans le monde des idées, et de ses idées… Tout devient alors possible… dans sa tête ! Et plus on construit des chimères idéologiques, plus on est obligé de fantasmer, pour justifier sa vision du monde.
Un exemple impressionnant est ce que « Voie Prolétarienne » parvient à faire. Tout le monde sait que Mao Zedong a défendu Staline historiquement, face à Nikita Khrouchtchev et sa « déstalinisation » de l'URSS.
Eh bien non ! « Voie Prolétarienne » n'est pas d'accord, ni avec l'histoire, ni avec Mao Zedong. Se dire « maoïste » ce serait précisément rejeter la grande thèse de Mao Zedong comme quoi il fallait assumer Staline et le matérialisme dialectique en histoire, en biologie, dans les arts et la littérature, en linguistique, etc.
On peut lire ainsi :
« Maoïstes, nous considérons que l’apport essentiel de la Révolution culturelle chinoise est le bon en avant théorique et pratique dans la compréhension des tâches de la transition socialiste. Cet apport concerne non seulement la poursuite de la lutte des classes dans cette période de transition, mais encore l’importance de la critique des positions révisionnistes qui y accordent un rôle déterminant au développement des forces productives au détriment de la lutte pour la transformation des rapports sociaux de production. La théorisation par les maoïstes chinois de ces conceptions, dite “critique de la théorie des forces productives”, est pour nous le socle théorique qui nous permet de juger du processus de restauration du capitalisme en URSS, où la bourgeoisie est redevenue, dans les années 30, la classe dominante. Cet apport politique et théorique est largement sous-estimé voir ignoré par beaucoup d’organisations se réclamant du maoïsme. »
Sous-estimé, ou ignoré ? Eh bien oui, et pour cause : la base des gens qui se revendiquent de Mao Zedong, c'est qu'ils se revendiquent de ce que Mao Zedong a dit et fait. Et donc de considérer l'URSS de Staline comme socialiste.
Citons ici Mao Zedong et le Parti Communiste de Chine au sujet de Staline :
« Fêter Staline, ce n'est pas une formalité. Fêter Staline, c'est prendre parti pour lui, pour son oeuvre, pour la victoire du socialisme, pour la voie qu'il indique à l'humanité, c'est se déclarer pour lui comme pour un ami très cher. Car l'immense majorité des hommes vit aujourd'hui dans les souffrances, et elle ne peut s'en affranchir qu'en suivant la voie indiquée par Staline et avec son aide. » (Mao Zedong, Staline, l'ami du peuple chinois, 1939)
« Lorsque l'URSS était dirigée par Lénine et Staline, c'était un pays socialiste prestigieux. Mais après la mort de Staline [en 1953], la clique des renégats Khrouchtchev - Brejnev a déclenché un coup d'Etat contre-révolutionnaire et elle a usurpé le pouvoir suprême du Parti de l'Union soviétique. Elle a restauré en grand le capitalisme et transformé l'URSS en un Etat social-impérialiste. » (PC de Chine, Le social-impérialisme soviétique fait partie de l'impérialisme mondial, 1975).
Ce que disent Mao Zedong et le Parti Communiste de Chine contredit formellement la thèse de « Voie Prolétarienne » sur un prétendu « processus de restauration du capitalisme en URSS, où la bourgeoisie est redevenue, dans les années 30, la classe dominante ».
Ou plutôt : « Voie Prolétarienne » contredit formellement Mao Zedong et le Parti Communiste de Chine. Les choses sont très claires.
Mais ce qui est intéressant c'est que cette interprétation délirante de « Voie Prolétarienne » est effectuée… au nom de Mao Zedong. C'est tout à fait n'importe quoi. Et un tel bricolage intellectuel ne marche bien entendu qu'avec des gens restés empêtrés dans un esprit petit-bourgeois, loin de la démarche prolétarienne qui exige un esprit conséquent, avec de la cohérence et de la suite dans les idées.
Encore si « Voie Prolétarienne » disait : nous remettons Mao Zedong en cause sur ce plan, on pourrait discuter, y voir une position erronée. Il y aurait quelque chose se voulant créatif, de manière assumée. Cela aurait la dignité du réel. Mais non, on est dans l'escroquerie avec une utilisation du mot maoïsme sur le mode du contrebandier. On est dans le traffic.
Dans le même ordre d'idées, dans le dernier document de « Voie Prolétarienne », on lit également, sous la forme d'un slogan : « VIVE LE MARXISME-LÉNINISME, VIVE LE MAOÏSME ! ».
Le problème est que cela ne veut rien dire. Il y a le marxisme-léninisme qui était l'idéologie de l'URSS à l'époque de Staline (ainsi que par la suite au moins officiellement), le marxisme-léninisme pensée Mao Zedong qui était l'idéologie de la Chine populaire à l'époque de Mao Zedong, et enfin le marxisme-léninisme-maoïsme tel qu'il a été défini par Gonzalo au Pérou.
On ne peut donc pas, scientifiquement, dire à la fois « vive le marxisme-léninisme » et « vive le maoïsme » puisque ce sont des choses antagoniques : le maoïsme ajoute des choses, corrige, bref dépasse le marxisme-léninisme, et encore serait-il plus juste d'utiliser le terme de marxisme-léninisme-maoïsme.
Qu'est-ce que ce « maoïsme » qui se balade ? Une abstraction, une chimère. Mais une chimère utile à l'ultra-gauche qui, en faisant cela, tente d'arracher du prestige, des sources d'inspiration pour ses positions « ultras ».
Le « maoïsme » est ici un exotisme justifiant tout et n'importe quoi au profit de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, et peu importe si pour cela il fait contredire le maoïsme et la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne ! Comme chez certains étudiants des années 1960... Et à l'opposé d'une approche scientifique, idéologique, qui a été celle de Siraj Sikder, Akram Yari, Ibrahim Kaypakkaya, Charu Mazumdar, tous ces grands révolutionnaires ayant formulé une pensée-guide propre à leur pays, sur la base du matérialisme dialectique.