10 Jan 2014

Interdiction de Dieudonné à Nantes ? Hourra !

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Hourra ! C'est un sentiment de soulagement qui a gagné toutes les personnes progressistes de France, ainsi que l'ensemble des masses juives, à l'annonce de l'interdiction du spectacle nantais de Dieudonné.

Enfin ! Enfin la pression démocratique authentique, refusant catégoriquement l'antisémitisme, permet de l'emporter face à Dieudonné, qui s'appuyait sur l'humour sordide et le libéralisme bourgeois pour diffuser un antisémitisme véhément et négationniste.

Enfin les antisémites savent qu'ils ne peuvent pas contourner aussi simplement que cela les barrières juridiques qui se sont construites sous la pression des masses.

Car l'interdiction du spectacle de Dieudonné n'est pas une victoire du ministre de l'intérieur Manuel Valls. Il faut toute la décadence des années 2010 pour oser prétendre une chose pareille.

Il suffit de penser inversement aux années 1980, où jamais Dieudonné n'aurait pu tenir les propos qu'il tient, où il y avait dans l'opinion publique une grande pression démocratique, qui a permis justement l'avènement de la loi Gayssot interdisant la promotion du nazisme.

Dieudonné est d'ailleurs historiquement la tentative de contourner la loi Gayssot, au moyen de l'humour, en visant surtout une jeunesse qui, il faut le souligner, est proto-fasciste, individualiste, acculturé, façonné par le capitalisme.

Ce n'est pas pour rien que, comme les sondages le montrent, ce sont surtout les personnes âgées qui assument l'interdiction des spectacles de Dieudonné. Les jeunes, aujourd'hui, éduqués par Facebook, par une école bourgeoise décadente, par un capitalisme devenant monopoliste, sont de la graine de facho.

La décision du Conseil d’État et le psychodrame des heures précédentes

Dans l'après-midi, on apprenait que le spectacle de Dieudonné à Nantes devait bien se tenir. En autorisant le « spectacle » de Dieudonné à Nantes, le juge des référés de cette ville a provoqué une bourrasque politique.

Pire : il a transformé le premier « spectacle » de la tournée de Dieudonné en véritable meeting politique potentiel, en un triomphe sur la répression tentée contre lui.

L'Etat bourgeois aurait été alors dans une situation où il n'est même pas capable d'interdire promptement quelqu'un qui se moque du génocide perpétré par les nazis. Cela serait le triomphe ouvert de la fraction impérialiste de la bourgeoisie.

La répression démocrate-libérale, de la fraction moderniste du Parti Socialiste, aurait été bloquée par un simple juge des référés, un organisme ne servant à rien et ne représentant rien même au sein de l'Etat bourgeois : c'est un simple organe administratif « tampon » servant à relativiser les contradictions posées par certaines décisions de justice, à temporiser les problèmes sociaux.

Il a pu être affirmé dans les médias que, selon ce tribunal administratif, le spectacle de Dieudonné « ne peut être regardé comme ayant pour objet essentiel de porter atteinte à la dignité humaine »...

C'est erroné, le tribunal ne parle que de l'affiche annonçant le spectacle (appelé « Le mur »).

En fait, selon le juge des référés, la « circulaire » du ministère de l'intérieur doit être suspendu, Dieudonné ne représentant pas un « trouble à l'ordre public » car on ne sait pas encore le contenu de son spectacle.

Cela ne signifie donc pas, en théorie, que le juge des référés nie l'atmosphère pogromiste, ou bien qu'il choisit le camp de la collaboration avec les antisémites, mais simplement qu'il défend une « liberté publique » puisqu'on ne sait pas ce qui va être dit.

En pratique, on se doute bien que c'est le cas, et le tribunal administratif aurait dû se déclarer incompétent, au lieu de se faire le jouet du fascisme.

La tension était ainsi palpable dans l'après-midi, puis vint la réunion du Conseil d'Etat à 17h. Juridiction la plus haute pour les décisions de ce type, l'annonce par elle de l'interdiction du spectacle de Dieudonné annonce la répression complète des autres spectacles.

La ligne démocratique l'a emporté, parce que, comme l'a expliqué Rama Yade, « au vu de la notoriété montante de Dieudonné, en particulier sur Internet, il était urgent d'agir ». On était à deux doigts de l'affirmation ouverte d'une tendance clairement pogromiste, et les masses juives ne se seraient pas laissées faire.

La France bourgeoise allait tomber à grande vitesse dans une polarisation extrêmement brutale, en particulier dans le prolongement de la « manif pour tous ».

La leçon de Dimitrov, pourquoi il faut se réjouir de l'action étatique contre Dieudonné

Il y a tout lieu de se réjouir de la répression contre Dieudonné, car celle-ci affaiblit en pratique la démagogie fasciste. Cela montre également que la pression démocratique authentique existe, qu'elle est capable de faire plier l’État par moments. C'est le principe du front unique antifasciste.

Faut-il rappeler que Dieudonné mène sa propagande depuis des années ? Les choses auraient pu continuer ainsi, et basculer dans la propagande antisémite ouverte. Heureusement, ce n'est pas le cas.

Voilà pourquoi il fallait soutenir le mouvement pour écraser Dieudonné, comme tâche principale, et la lutte n'est pas terminée. Le combat contre le fascisme ne fait que commencer, à l'époque de la crise générale du capitalisme.

Sur lesmaterialistes.com il a justement déjà été parlé du rapport évident avec l'affaire Dreyfus (et on notera que le juge des référés du Conseil d'État ayant maintenu l'interdiction du spectacle est l'arrière-petit-neveu d'Alfred Dreyfus). Nous sommes dans la même situation : faire front face à l'antisémitisme ; dans ce cadre, les alliés peuvent se trouver de manière très large.

Voyons ici l'aspect des contradictions au sein de la bourgeoisie. Citons ici Dimitrov dans son rapport au 7e congrès de l'Internationale Communiste (« L'Offensive du fascisme et les tâches de l'Internationale communiste dans la lutte pour l'unité de la classe ouvrière contre le fascisme ») :

« L'arrivée du fascisme au pouvoir, ce n'est pas la substitution ordinaire d'un gouvernement bourgeois à un autre, mais le remplacement d'une forme étatique de la domination de classe de la bourgeoisie - la démocratie bourgeoise - par une autre forme de cette domination, la dictature terroriste déclarée.

Méconnaître cette distinction serait une faute grave, qui empêcherait le prolétariat révolutionnaire de mobiliser les couches laborieuses les plus étendues de la ville et de la campagne pour la lutte contre la menace de la prise du pouvoir par les fascistes, et d'utiliser les contradictions existant dans le camp de la bourgeoisie elle-même.

Mais c'est une faute non moins grave et non moins dangereuse de sous-estimer l'importance que revêtent, pour l'instauration de la dictature fasciste, les mesures réactionnaires de la bourgeoisie, qui s'aggravent aujourd'hui dans les pays de démocratie bourgeoise, et qui écrasent les libertés démocratiques des travailleurs, falsifient et rognent les droits du Parlement, accentuent la répression contre le mouvement révolutionnaire.

On ne saurait se faire de l'arrivée du fascisme au pouvoir l'idée simpliste et unie qu'un comité quelconque du capital financier déciderait d'instaurer à telle date la dictature fasciste.

En réalité, le fascisme arrive ordinairement au pouvoir dans une lutte réciproque, parfois aiguë, avec les vieux partis bourgeois ou une portion déterminée d'entre eux, dans une lutte qui se mène même à l'intérieur du camp fasciste et qui en arrive parfois à des collisions armées, comme nous l'avons vu en Allemagne, en Autriche, et dans d'autres pays.

Tout cela sans affaiblir cependant l'importance du fait qu'avant l'instauration de la dictature fasciste, les gouvernements bourgeois passent ordinairement par une série d'étapes préparatoires et prennent une série de mesures réactionnaires contribuant à l'avènement direct du fascisme.

Quiconque ne lutte pas, au cours de ces étapes préparatoires, contre les mesures réactionnaires de la bourgeoisie et le fascisme grandissant, n'est pas en état d'entraver la victoire du fascisme, mais au contraire la facilite. »

Le rôle néfaste de « l'action antifasciste Nantes »

Quel intérêt justement de reprendre l'expression « action antifasciste » si c'est pour avoir une démarche totalement opposée historiquement à ce qu'a toujours été l'action antifasciste ?

L'action antifasciste, c'est le front unique face au fascisme comme menace principale, cela n'a jamais été un prétexte anarchiste à la radicalité verbale.

« L'action antifasciste Nantes » a ainsi joué un rôle particulièrement néfaste en publiant un communiqué intitulé « Ni matraque, ni quenelle : de quoi Dieudonné est-il le nom? ».

La mise dos à dos de Dieudonné et de Manuel Valls, en pleine bataille pour l'interdiction du spectacle de Dieudonné, c'est agir comme une cinquième colonne pour saboter la dite interdiction.

Il est difficile de dire à quel point d'ailleurs ce communiqué est typiquement petit-bourgeois ; rien que quand on lit par exemple que :

« Jusqu'alors connue et suivie par un (large) cercle d'initié-e-s, la carrière de Dieudonné -et de son entourage- vient de faire un bond inattendu grâce au ministre de l'Intérieur »

Où vivent ces gens ? Les vidéos de Dieudonné faisaient des centaines de milliers de vue en quelques jours depuis des mois. Sa page facebook compte plus de 500 000 abonnés. Ces spectacles sont complets dans toute la France, ses vidéos sont parmi les plus vendues en France.

Toutes les masses de France connaissent Dieudonné ; une large partie l'apprécie et le soutient. Cela fait des années que Dieudonné est un traumatisme profond pour les masses juives de France.

De cela, l'action antifasciste Nantes n'a pas l'air au courant...

Et donc au lieu de faire pression pour que le « spectacle » de Dieudonné ne se tienne pas, ce groupe a publié un document expliquant que la quenelle est ambiguë voire antisémite, que Dieudonné n'aide pas l'antisionisme, que le ministre de l'intérieur Manuel Valls est un réactionnaire.

Faire cela, c'est totalement passer à côté de la question de l'antisémitisme. Ce document (en fait un tract de 3 pages) critique Dieudonné, mais parle de manière complotiste de :

« gesticulations réactionnaires hyper-médiatisées [qui] viennent occulter totalement les luttes sociales et les vrais problèmes politiques. »

Il n'y a pas d'appel à défendre les masses juives.

Le document explique que Dieudonné profite

« uniquement au pouvoir en place, à Manuel Valls, le premier flic de France qui se déguise ainsi en « rempart contre le racisme » et à Dieudonné lui-même, qui ne s'attendait sans doute pas à une telle publicité. »

Mais il n'explique pas qu'il y a une vague pogromiste et qu'il faut faire front contre elle. Et le reste du communiqué est du même acabit, rejetant Dieudonné, tout en fantasmant sur « la liberté et l'égalité » comme grandes causes ou délirant sur le « Bund », une organisation russo-polonaise du début du 20e siècle.

L'avenir appartient au front unique antifasciste

La position de « l'action antifasciste nantaise » n'est pas unique : toute l'extrême-gauche a refusé de soutenir la répression contre Dieudonné, préférant renvoyer dos à dos Manuel Valls à Dieudonné. En cela, elle a fait comme la gauche « révolutionnaire » de Jules Guesde dans l'affaire Dreyfus, à l'opposé donc de la gauche réformiste de Jean Jaurès.

L'extrême-gauche s'est comportée lors de cette affaire Dieudonné comme elle l'a fait au moment de l'affaire Fofana et de l'affaire Merah.

En cela, elle doit effectuer son autocritique la plus complète. Elle doit étudier la question de l'antisémitisme et véritablement étudier le fascisme ; elle doit poser des priorités, et voir le contexte de la crise générale du capitalisme.

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