11 juin 2015

Le député socialiste Pouria Amirshahi lance un «Mouvement Commun»

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Député socialiste de la neuvième circonscription des Français établis hors de France (Afrique du Nord et de l'Ouest), Pouria Amirshahi a lancé une « invitation » publiée dans le Journal du Dimanche, alors que c'était le dernier jour du congrès du Parti Socialiste à Poitiers.

Cette « invitation » vise à « créer un mouvement citoyen de type nouveau : un Mouvement Commun ». Il y a là quelque chose d'important, évidemment.

Car Pouria Amirshahi est peut-être, en effet, le dernier socialiste, et pour cause : c'est un produit pratiquement « pur » du mitterrandisme. Activiste lors du mouvement de la jeunesse contre la loi Devaquet en 1986, il sera par là suite président du syndicat UNEF-ID de 1994 à 1998, puis de la mutuelle étudiante de la MNEF de 1999 à 2000.

Lien vers le dossier intitulé La Social-démocratie (1883-1914)Socialiste, il fait partie ou est proche des courants « de gauche » du Parti Socialiste, comme « Convergences socialistes », le « Manifeste contre le Front National », la « Gauche socialiste », « Nouveau Monde », « Un Monde d'Avance ».

Il est membre du Parti Socialiste en tant que tel de 1988 à 1994, puis de nouveau à partir de 2002 – au moment de la défaite de Lionel Jospin aux présidentielles, se positionnant depuis comme « aiguillon » de gauche, étant depuis quelques mois un « frondeur » particulièrement actif.

La semaine dernière, il expliquait ainsi :

« Je commence donc de là où nous partons : le parti socialiste et la place que nous souhaitons encore y occuper, bien que je reste lucide sur sa fossilisation – à l’image des institutions nationales – son épuisement militant et même son mollétisme qui est en train de le conduire selon moi à un effondrement moral, corollaire du renoncement fondamental à agir pour une vie meilleure. »

Résumons sa pensée : ceux qui sont (à nos yeux de communistes) des radicaux-socialistes l'ont emporté à court terme dans le Parti Socialiste et il y aura à moyen terme une recomposition. Avec une certaine acuité politique, Pouria Amirshahi appelle donc à préparer la suite, d'où ses propos très « front » dans une interview accordée à L'Humanité du mardi 9 juin :

« Entre rassemblement citoyen et coalition politique, quels sont les contours du mouvement que vous appelez à constituer ?

Pouria Amirshahi : Les contours seront dessinés très naturellement par les idées communes.

Il faut sortir de ce grand bug de l’histoire de l’humanité, très intrigant, qui fait que l’on a, d’un côté, toutes les possibilités technologiques, médicales, etc. de faire le bien commun et, de l’autre, des régressions, des déplacements de populations, le climat qui menace, des guerres, l’accès aux ressources privatisé, des inégalités qui se creusent…

C’est cette volonté qu’il faut mettre en mouvement. Sans étiquettes : sentons-nous libres d’être ensemble. Pour en sortir, il faut « penser hors de la boîte ».

Le temps des scissions a été marqué par des échecs. Personnellement, je me sens très libre d’être dirigeant du Parti socialiste, libre parlementaire, et je demande à toute personne de se sentir libre d’être écologiste, communiste, d’être au Front de gauche, ailleurs ou même nulle part. Je vois des intelligences partout. »

Ce qui revient à dire ici : profitons du progrès et de la base institutionnelle républicaine pour aller de l'avant dans les mesures sociales, consistant aux yeux de Pouria Amirshahi en une « République métissée » qui aurait comme tâche de procéder à « l'approfondissement » de la démocratie.

Seulement voilà, pour qui connaît l'histoire, un tel discours n'est rien d'autre que ce qu'a raconté Jean Jaurès avant 1914 ou bien Maurice Thorez depuis 1945, et encore sans la couche de peinture « révolutionnaire » au sujet des luttes de classe qu'ils avaient.

C'est du républicanisme social, qui justement a abouti à ce que Pouria Amirshahi est censé critiquer. Il est ici clairement corrompu par sa démarche institutionnelle, sa croyance en le régime qui aurait une « neutralité » certaine.

Il est pourtant évident que les luttes de classe ne reprendront pas sans une certaine casse, pour le moins. La bourgeoisie est sûre d'elle et cultivée ; elle ne reculera pas facilement, sans parler de son renversement. Quant à la question de fond d'ailleurs, elle reste idéologique, et Pouria Amirshahi a ici une stratégie d'évitement : est-il oui ou non pour rompre avec le capitalisme ?

D'un côté, bien sûr, les gens comme lui resteront certainement démocrates : ils refuseront le fascisme. Ils peuvent avoir des conceptions progressistes sur de nombreux points.

Pour autant, ils ont trop d'illusions de par leur négation de la crise générale du capitalisme, de leur incompréhension de la nature de l’État en tant qu'outil de la bourgeoisie en tant que classe sociale, de leur absence de lecture du pourrissement et de la décadence de la société dans le mode de production capitaliste.

Ils voient le fascisme, mais pensent qu'on peut « l'éviter » sans révolution socialiste : c'est une erreur terrible. Prenons rien que l'art contemporain, cette barbarie, cette insulte à la culture, à la civilisation. N'est-il pas évident qu'on ne peut pas avancer culturellement sans l'écraser, et donc en exigeant le réalisme, en l'imposant par la force ?

Pouria Amirshahi pense-t-il que la bourgeoisie abandonnera « volontairement » son culte du subjectivisme ?

Toutefois, reprocher à des gens comme lui leur naïveté, ou bien leur opportunisme, n'a pas de sens : ils sont socialistes, alors qu'il faut être communistes. La différence est là. Ce qui compte en fait, c'est que penser l'avenir, c'est également penser à de tels gens qui peuvent rester progressistes au moins en partie voire totalement, selon les situations historiques.

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