Ce que révèle l'agression antisémite barbare de Créteil
Submitted by Anonyme (non vérifié)La semaine dernière, le lundi 2 décembre, à Créteil, un jeune couple de juifs français a été agressé de manière barbare au domicile des parents du jeune homme. Après avoir « repéré » l'appartement quelques jours plus tôt, quatre jeunes hommes du même âge que les victimes (entre 18 et 20 ans) s'y sont introduits, armés de pistolets automatiques pour « détrousser » les habitants de l'appartement au prétexte que, ceux-ci étant juifs, « ils doivent avoir de l'argent ».
Le jeune homme a été attaché à une chaise et torturé, forcé d'indiquer où se trouvaient tous les objets d'une quelconque valeur dans l'appartement, le code de sa carte bleue, etc. pendant que sa jeune compagne était amenée dans une chambre pour y être violée.
Les jeunes lumpenprolétaires auteurs de cette agression, avaient quelques jours avant tenté de faire des repérages sur le même mode opératoire chez une autre famille juive de Créteil.
C'est là une attaque d'un niveau de barbarie gigantesque, avec comme arrière-plan idéologique l'antisémitisme exterminateur le plus complet.
Mais, au-delà de cette évidence, cette agression et les réactions qui l'ont suivie révèlent plusieurs aspects fondamentaux de la situation politique, sociale et culturelle de la France des années 2010.
Tout d'abord, cette agression se situe dans la montée en puissance ininterrompue de l'antisémitisme en France depuis le début des années 2000. Montée en puissance qui se matérialise par une suite régulière de plus en plus fréquente d'agressions elles-mêmes de plus en plus violentes. Mais elle se situe aussi dans le délitement de la société française du fait de la crise du capitalisme. La barbarie se répand jour après jour dans le cœur de la société française et, logiquement, de manière encore plus rapide et puissante au sein des couches sociales lumpenprolétaires.
Mais, tout cela, tout le monde le sait… et plus personne ne veut y faire face !
Et c'est là l'aspect le plus important qui ressort des réactions à cette odieuse agression.
Ce dimanche avait lieu une manifestation à Créteil appelée par la synagogue de Créteil et les instances représentatives nationales de la communauté juive française. Habituellement, les juifs français se mobilisent de manière relativement massive, au moins localement, face à ce genre d'agression. Cela avait été le cas après l'assassinat d'Ilan Halimi, après les actions meurtrières de Mohamed Merah, etc.
Or là, il n'y a eu que quelques centaines de participants. Dans une ville comme Créteil, qui fait partie en Ile-de-France, avec le 19e arrondissement de Paris et Sarcelles, des lieux avec la plus forte présence de masses populaires juives françaises, c'est un signal très fort. Cela montre que les masses juives françaises sont en train de cesser de vouloir faire face, qu'elles « acceptent » le fait d'être agressées, harcelées, etc. comme quelque chose contre lequel on ne peut rien faire et « abandonnent » l'idée de maintenir leur présence historique en France.
Cela se traduit d'ailleurs par les chiffres de l'émigration de juifs français vers Israël qui s'élèvent à 7000 personnes pour l'année 2014, c'est-à-dire plus de 2 fois plus qu'en 2013. A cela s'ajoute un nombre très certainement proche de personnes partant pour d'autres pays comme le Canada, les États-Unis, l'Allemagne, etc. Quand on sait que l’État d’Israël avait annoncé il y a quelques mois vouloir faire émigrer 10 000 juifs français par an en Israël sur 4 ans afin de provoquer un « cap psychologique » lançant l'émigration générale des juifs français, on comprend aisément que la liquidation de la communauté juive française est ce qui est à l'heure du jour.
Et face à cela, on voit aussi qu'il n'y a pas de mobilisation des masses françaises. Il y a certes eu les « réactions » verbales officielles des politiciens de tout bord (extrême-gauche exceptée), mais pas de mobilisation réelle. Pourquoi cela ? Parce que, de la même manière que les juifs français, les masses françaises considèrent maintenant la montée en puissance de l'antisémitisme comme quelque chose contre lequel on ne peut rien faire.
Il y a tout juste un an, s'est levée une mobilisation pour contrer le propagandiste antisémite Dieudonné. Cette mobilisation avait momentanément réussie. Nous disions à ce moment-là que « l'affaire Dieudonné » relevait en fait de la même dynamique que celle de « l'affaire Dreyfus » et qu'on y retrouvait les mêmes positions. Et cela était totalement vrai.
Sauf que cette fois, au sein des « révolutionnaires », c'est l'ultra-gauche qui a emporté l'hégémonie idéologique sur les forces progressistes démocratiques. La lutte contre l'antisémitisme étant totalement abandonnée aux démocrates bourgeois et à l’État.
Cela est visible aujourd'hui par le silence total de toute la gauche de la gauche sur cette agression barbare. C'était déjà le cas au moment du meurtre d'Ilan Halimi en 2005, mais un saut qualitatif a eu lieu au moment de « l'affaire Dieudonné ».
En effet, il y a 10 ans, la quasi totalité de l'extrême-gauche et de la gauche de la gauche niait l'existence même de l'antisémitisme. Aujourd'hui, l'antisémitisme ne peut plus être nié.
Tout le monde sait qu'il gangrène une part importante des masses, que l’irrationalisme religieux le charrie avec lui. Les attaques terroristes de Mohamed Merah et Mehdi Nemmouche, les attentats sur les synagogues ou les épiceries casher, les agressions physiques ou verbales de personnes juives, les manifestations où il est crié comme slogan « Juif casse-toi, la France n'est pas à toi » ou « Mort aux juifs », les milliers de personnes se pressant aux spectacles-meeting de Dieudonné et les millions de vues de ses vidéos de propagande nazie, tout cela est très concret, trop concret pour être nié.
Par conséquent, la mobilisation contre Dieudonné de décembre 2013 et janvier 2014 était une étape importante, le moment où se jouait le développement d'une mobilisation démocratique pour contrer le fascisme. Or l'extrême-gauche et la gauche de la gauche ont totalement refusé ce combat. Ils ont refusé de participer à cette mobilisation, de l'appuyer, de s'en servir comme levier idéologique au sein des masses pour les unifier de manière démocratique contre le fascisme qui a entamé sa marche au pouvoir et conquis déjà des pans entiers des masses populaires françaises.
Ce qu'a dit et assumé l'extrême-gauche et une part importante de la gauche de la gauche c'est que la lutte contre l'antisémitisme ne la concerne pas, que la défense des juifs français n'est pas son problème.
Lors de « l'affaire Dreyfus », les forces démocratiques l'avait emporté sur les forces ultra-gauchistes. Ce qui avait permis d'une part d'empêcher les nationalistes de prendre le pouvoir et d'autre part d'entamer la mobilisation des masses derrière le socialisme. Sans cette victoire, il n'y aurait pu avoir de SFIO puis de Parti Communiste français.
Aujourd'hui, l'extrême-gauche a en fait totalement disparue. Elle s'est effondrée idéologiquement et n'est plus qu'un mélange entre ultra-gauchisme et post-modernisme en proportion variable selon les organisations.
Et c'est cela qui explique l'atonie des masses françaises. Cette victoire de l'ultra-gauche et du post-modernisme, cet abandon de la lutte démocratique a désarmé un peu plus les masses. Cela a cassé la dynamique de mobilisation démocratique naissante ; mobilisation qui est nécessaire pour faire face à la marche du fascisme au pouvoir.
Ce rôle néfaste de l'ultra-gauche a d'ailleurs été aussi à l’œuvre à la suite de la mort de Rémy Fraisse, en bloquant presque immédiatement l'essor d'une puissante mobilisation démocratique pour l'écologie, pour la défense de la biosphère face aux monopoles.
Ce que révèle donc l'agression antisémite barbare de Créteil, ce sont les conséquences de « l'affaire Dieudonné », avec d'un côté une progression toujours continue de la barbarie et de l'autre l’étouffement de la société civile. Cet étouffement des opinions publiques démocratiques, cette agonie de la vie politique des masses de France est en fait une étape nécessaire pour la prise du pouvoir du fascisme et une part de son essence.
La bataille de position au sein de la société française entre le fascisme et l'antifascisme se situe très exactement ici. Sauvegarder et faire progresser la culture, maintenir en vie et nourrir la société civile, donner corps et permettre l'expression des opinions démocratiques, ce sont là les tâches des progressistes, tâches préalables à l'écrasement du fascisme et des monopoles, et à l'instauration d'une véritable démocratie populaire en France.