11 mai 2014

La position d'Ajith

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le premier mai, le Parti Communiste d'Inde (maoïste) a fusionné avec le Parti Communiste d'Inde (Marxiste-Léniniste) Naxalbari, et le Parti Communiste d'Inde (maoïste) est devenu en pratique le centre du regroupement international dénommé « Maoist Road ».

Ainsi, le « camarade Ajith », dirigeant de l'ancien PCI(ML) Naxalbari, a vu sa conception du maoïsme reconnu par le Parti Communiste d'Inde (maoïste) et sa position devient celle de « Maoist Road ». Les travaux du « camarade Ajith » ont aussi été traduits en italien pour le premier mai, ce qui était important car le principal protagoniste de « Maoist Road », historiquement, est le Parti Communiste maoïste d'Italie.

Il est intéressant de voir ce que dit Ajith, parce que sa ligne s'oppose précisément contre ce que nous avons mis en avant en France ces dernières années.

Nous avons soutenu le caractère inévitable du communisme et la nécessité de la Pensée, suivant les enseignements de Gonzalo et du Parti Communiste du Pérou. Étudiant notre pays, nous avons considéré qu'il fallait défendre l'humanisme, la monarchie absolue, les Lumières, comme aspect progressiste de la contradiction aux 16e, 17e et 18e siècles.

Ajith, de son côté, rejette le relativisme de l'avakanisme, qui consiste en l'idéalisme (avec le communisme comme sorte de « meilleure option »), mais rejette également notre position, montrant en fait que la substance de sa position est en soi la même que celle d'Avakian, ou plus précisément, du post-modernisme.

Que dit Ajith ? Dans la revue Naxalabari, en août 2013, dans un long document appelé « Contre l'avakianisme », Ajith dit de nombreuses choses qui rendent les choses très claires. Par exemple, il dit les choses suivantes, tentant de sauver le post-modernisme, qui est cependant un terrible ennemi de notre idéologie :

« Nous avons noté que Marx et Engels n'étaient pas totalement libres des influences relevant des Lumières.

Comment est-ce qu'Avakian s'en sort dans cette affaire ? Aujourd'hui, comparé même à l'époque de Mao, nous sommes plus riches d'une nouvelle prise de conscience quant à l'essence contradictoire des Lumières et de sa conscience scientifique.

Les courants post-modernes ont fait des contributions significatives sur ce plan. Bien que leur relativisme les ait amené à un rejet anhistorique des Lumières et de la modernisation, les perspectives critiques qu'ils offrent doivent être synthétisées par le Marxisme.

Les contributions faites par les théoriciens de l'école de Francfort doivent également être reconnus. La nécessité de distinguer l'aspect émancipateur des Lumières de sa nature et son dynamisme fondamentalement de type bourgeois, colonial, en est une leçon importante que nous devons tirer. »

Ajith dit que le marxisme devrait « synthétiser » - il veut dire intégrer - les « perspectives critiques » élaborées par les courants post-modernes quant aux Lumières et la modernisation. Nous disons précisément le contraire :

* les Lumières sont l'idéologie progressiste de la bourgeoisie, qui n'était pas unifiée et avait ainsi différents courants : par exemple en France, il y a avait le courant radical, athée, de Denis Diderot, et le courant déiste de Voltaire. Les Lumières n'avaient pas une « essence contradictoire », mais des différences reflétant les différentes fractions de la bourgeoisie ;

* la lutte contre la « modernisation » est celle du romantisme, avec toutes ses variantes, allant de l'Islam de Rouhoallah Khomeini ou de Sayyid Qutub, à l'hindouisme, le nationalisme, etc. - ce n'est pas notre lutte. Au contraire : nous sommes pour la « modernisation », pour l'intégration du monde en une seule entité, écrasant les éléments du passé. Nous croyons au progrès.

Ce dernier point est important, parce que le post-modernisme propage toute une critique de la « technologie », du « monde moderne », exprimant une fascination petite-bourgeoise pour la petite production.

Ajith dit quelque chose correspondant à ce point de vue :

« En outre, la conscience scientifique elle-même doit être critiqué, afin de séparer son contenu rationnel de l'influence des valeurs des Lumières vues en son sein.

Cela est particulièrement manifeste dans la prétention faite que la science moderne a le dernier mot, le dénigrement de la pensée et des pratiques pré-modernes sur cette base, et l'approche utilitaire du rapport humanité – nature. Dans les pays opprimés, le rabaissement de la connaissance traditionnelle continue d'être un aspect dominant de la modernisation compradore, le paradigme de développement. 

L'approche de Mao quant à l'appropriation critique des idées et de la technologie modernes, occidentales, les riches leçons des tentatives faites dans la Chine révolutionnaire de synthétiser la connaissance traditionnelle avec les sciences modernes et la pratique de masse durant la révolution culturelle, offrent un bon point de départ pour une synthèse maoïste. Il y a les observations pénétrantes faites par Marx et Engels sur l'interaction humanité-nature comme orientation. »

De notre côté, nous avons beaucoup travaillé sur « l'interaction humanité-nature », soutenant le concept de « Biosphère » développé par le scientifique soviétique Vladimir Vernadsky, mais également en défendant l'écologie et un rapport non-conflictuel avec les animaux.

Mais cela ne signifie nullement que nous « regrettons » la « connaissance traditionnelle », qui en réalité a surtout disparu depuis longtemps et est maintenant un outil idéologique pour la réaction nationaliste. Si nous regardons qui utilise le concept de « pensée et pratiques pré-modernes », nous ne trouverons que les populistes, les défenseurs du romantisme.

En fait, Ajith défend le même chemin que les populistes dans la Russie pré-soviétique. Et de fait, voici ce qu'il dit sur l'Inde, son pays :

« En fin de compte, la conception marxiste de l'avancée historique n'implique en aucune manière que les sociétés humaines devraient progresser de manière invariable le long d'une trajectoire schématique des formations tribales – esclavagistes – féodales – capitalistes.

Elles ont avancé par divers chemins. Par exemple, bien que les sociétés du sous-continent sud-asiatique ont connu de nombreuses différentes formes d'exploitation esclavagiste, elles n'ont jamais connu d'étape d'esclavagisme du type de celle en Égypte ou à Rome. (Dans ce contexte, le concept de « mode de production des fermes shoudras [caste la plus basse des quatre principales] » formulée par l'intellectuel activiste maoïste marty Saket Rajan du PCI (maoïste) demande une étude plus approfondie.)

Il y a aussi l'exemple de la région qui a par la suite pris la forme du Kerala. Ici, les sociétés tribales sont directement devenues des royaumes de type caste-féodal, où l'adiyalatham (le commerce proche de l'esclavage et l'exploitation des castes dalit [intouchables] et de certaines tribus adivasi [aborigènes de l'Inde] ont existé en rapport symbiotique avec l'exploitation des métayers. »

Ce que dit Ajith ici est totalement faux, et reflète une non-compréhension du processus qui s'est déroulé en Inde. Il est significatif qu'il ne parle pas de l'hindouisme, du bouddhisme et du jaïnisme.

Car dire qu'en Inde il n'y a pas eu « d'étape d'esclavagisme du type de celle en Égypte ou à Rome » est facilement compréhensible comme faux si nous voyons comment le brahmanisme s'est transformé en hindouisme.

En fait, Ajith sous-estime l'histoire indienne et ne voit pas que le bouddhisme était une forme pré-bourgeoise de l'époque, en étroit rapport avec le principe de la monarchie absolue (ici on retrouve les fameuses figures d'Ashoka et de Kautilya). C'était une menace pour le féodalisme.

Il est ainsi absurde de dire que « les sociétés tribales sont directement devenues des royaumes de type caste-féodal » : en fait, le processus a été organisé par en haut par « l'hindouisme », comme tendance historique en Inde, les « Aryens » intégrant des gens dans les nouvelles castes dominantes dans le sud, pour écraser le bouddhisme.

Citons ici notre article Hindouisme, bouddhisme et jaïnisme en Inde - 10e partie : unification et glaciation de la société indienne :

« Finalement, la vigueur idéologique de l'hindouisme a conduit les forces féodales du sud à rallier l'hindouisme, les seigneurs féodaux ont été intégrés dans la castes des kshatriya, des prêtres ont été formés, et toute une histoire a été « écrite » pour intégrer le sud à la culture du nord.

C'était une construction idéologique pure et simple, et dans les faits, le sud n'a jamais connu quatre castes, mais seulement un système traditionnel à deux niveaux, avec d'un côté les seigneurs féodaux et le clergé, et de l'autre des masses opprimées.

Une autre variante concernait les zones tribales intégrées ; dans ces cas, l'hindouisme devait s'adapter, ce qui a donné naissance au tantrisme et ses éléments de magie. »

Le chemin historique de l'Inde n'est absolument pas différent du reste du monde. La position d'Ajith ne peut amener qu'au soutien post-moderne, comme Frantz Fanon a pu le faire en Algérie, à la bourgeoisie nationale dans l'Inde semi-coloniale semi-féodale.

Il est logique, lorsque nous voyons cette position post-moderne d'Ajith, qu'il rejette à la fois le caractère inévitable du Communisme et le principe de Pensée.

De manière étrange, Ajith rejette le fait que Mao Zedong défend l'inévitabilité du communisme (un fait qu'Avakian reconnaît, mais auquel il s'oppose). Mais quiconque connaissant Mao Zeong sait qu'il soutient le matérialisme dialectique, et ainsi l'inévitabilité du communisme. Nous devons voir ici qu'Ajith n'en parle jamais, il ne parle jamais de la matière éternelle, de l'univers infini, de la pensée comme reflet de la matière, du réalisme socialiste, etc.

Comme Avakian, Ajith considère le « maoïsme » comme une caisse à outils, et réduit le marxisme au matérialisme historique utilisant une philosophie « dialectique », « produite » par Mao faisant une rupture avec Staline. C'est pourquoi il ne comprend pas le principe de Pensée.

Voici ce qu'il dit :

« Les avakianistes accusent quiconque leur résiste en cela de s'opposer au développement de l'idéologie prolétarienne elle-même. Aussi, afin de compléter la répudiation de l'avakianisme, nous devons examiner le processus, la dynamique du développement idéologique. Cela devient également inévitable dans le contexte plus général de vues soutenant le développement de la Pensée ou de la Voie comme essentiel pour le succès de chaque révolution.

Récemment, une tentative concertée a été faite pour propager cette vue au sein du mouvement maoïste international (voir « le projet international : la Pensée Guide de la révolution : le cœur du maoïsme », mis en avant en commun par l'OOA (MLM, principalement maoïste), le PCMLM – Bangladesh et le PCMLM – France et soutenu par le Centre MLM de Belgique. Une lettre ouverte au MCI [Mouvement Communiste International] de ces partis dit : « À notre époque, le Maoïsme, le Marxisme-Léninisme-Maoïsme, la synthèse de l'idéologie de la classe ouvrière, ne peut exister que comme une pensée guide dans chaque pays, forgeant l'avant-garde en correspondance avec la contradiction interne du pays, déclenchant la Guerre Populaire. »)

Cela a d'abord été avancé par le PCP [Parti Communiste du Pérou] puis plus tard réitéré par le PCN (maoïste) [Parti Communiste du Népal (maoïste)].

Toute application créatrice du MLM, conduisant au développement réussi de la révolution (c'est-à-dire une application essayée par la pratique) amènera certainement une saisie et une perspective plus profondes du MLM. Cela contribuera même à de nouveaux concepts ou de nouvelles idées, qui enrichiront le MLM. Mais il n'est pas nécessaire (inévitable) que ces contributions représenteront une nouvelle « Pensée ». Il est même moins nécessaire que cela représentera un saut à une nouvelle étape, c'est-à-dire à un développement à tous les niveaux du MLM. »

Il est très clair ici qu'Ajith ne comprend rien à ce qu'est une Pensée et même qu'il n'a pas étudié cette question. Dans le document « La Pensée Guide de la révolution », certaines Pensées sont présentées, avec une biographie de leurs biographies.

Mais il n'est pas dit que ces Pensées représentent un saut à une nouvelle étape. Au contraire même : une Pensée représente l'application concrète de l'idéologie universelle à un pays. Le seul cas particulier est ici la Pensée Gonzalo, qui a eu un tel niveau qu'elle a permis de comprendre le maoïsme.

Néanmoins, ce n'est pas une question de « nouveaux concepts ou de nouvelles idées », d'« enrichir le MLM » ou quoi que ce soit du genre. La Pensée signifie : dans un pays donné, l'histoire et la culture sont comprises et une voie pour la révolution est formulée.

Les camarades chinois l'expliquent en disant :

« Dans l'histoire, pour arracher le pouvoir des mains de la classe des propriétaires fonciers féodaux, la bourgeoisie commença par agir dans le domaine idéologique et préparer l'opinion. Depuis la «Renaissance », la bourgeoisie de l'Europe ne cessa de critiquer l'idéologie féodale et de propager l'idéologie bourgeoise.

C'est après avoir préparé l'opinion pendant plusieurs siècles que la bourgeoisie des pays européens s'empara successivement du pouvoir aux XVIIe et XVIIIe siècles, instaurant sa propre dictature.

Marx et Engels entreprirent de propager la doctrine communiste il y a plus d'un siècle. C'était pour préparer l'opinion à la prise du pouvoir par le prolétariat.

Ce n'est qu'après une préparation de l'opinion qui prit plusieurs dizaines d'années que la révolution du prolétariat russe est parvenue à prendre le pouvoir.

Et notre propre expérience demeure d'autant plus fraîche dans notre mémoire. Lorsque le prolétariat chinois parut sur la scène politique, il était faible, sans armes.

Par où commencer pour faire la révolution ? Par propager le marxisme-léninisme et par dénoncer l'impérialisme et ses laquais chinois. La lutte du prolétariat chinois pour la prise du pouvoir débuta par la révolution culturelle du  «4 Mai » 1919.

En dernière analyse, l'histoire de la conquête du pouvoir par le prolétariat chinois est celle de l'assimilation de la pensée de Mao Zedong par les masses des ouvriers, des paysans et des soldats.

Elles disent à juste titre :  «Sans la pensée de Mao Zedong, pas de Chine nouvelle. »

Le camarade Mao Zedong, grand porte­drapeau de la révolution, a su associer le marxisme-­léninisme et la pratique de la révolution chinoise, transformant de façon radicale l'aspect de cette révolution. »
(Vive la grande révolution culturelle prolétarienne, 1966)

C'est précisément ce à quoi Ajith ne fait pas face, selon nous. Le maoïsme est pour lui le matérialisme historique plus une caisse à outils de concepts. Selon nous, le matérialisme historique n'est qu'une section du matérialisme dialectique : chaque pays est une composante de la révolution mondiale, et la révolution mondiale est une composante de l'ensemble de la matière allant au communisme.

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Le « camarade Ajith », dirigeant de l'ancien PCI(ML) Naxalbari, a une conception erronée du maoïsme...