14 mai 2014

L'OCML-VP : un avatar du trotskysme

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Quand on pense à la Chine populaire des années 1960, on a vite en tête cette bannière avec cinq têtes, celles des « classiques » : Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong. Pourtant en France, il y a des courants intellectuels tentant de séparer Mao du reste, d'en faire une sorte d'icône du spontanéisme, d'un anarchisme modernisé.

Parmi les représentants d'un tel courant, on a historiquement le maoïsme des années 1960 (PCR(ml), Gauche prolétarienne, etc.) qui a très vite sombré en décadence pour se transformer en réformisme « dur », mais également sa dernière forme : l'Organisation Communiste Marxiste-Léniniste - Voie Prolétarienne (OCML-VP).

Malgré le nom, il s'agit de l'expression « tourmentée » du trotskysme ; exactement comme un dieu hindou a différentes formes, les « avatars », l'OCML-VP est un avatar particulier de l'esprit propre au trotskysme : celui de la capitulation idéologique, du refus du matérialisme dialectique.

Quand on pense à l'OCML-VP, on doit penser au trotskysme, phénomène analysé de manière parfaitement juste en URSS à l'époque de Staline.

La défense de l'URSS de Staline, au cœur historique de l'identité communiste

Le rejet historique du trotskysme fait partie du B-A-BA des communistes. La défense de l'URSS comme socialiste est à la base même de l'identité historique des communistes, et comme l'a formulé Mao Zedong : « A mon avis, il y a deux 'épées': l'une est Lénine et l'autre, Staline. »

Dans les années 1930, Staline était au centre de l'identité communiste, comme défenseur du léninisme et comme dirigeant de l'URSS. Dans son article « Staline, l'ami du peuple chinois », Mao Zedong nous dit en 1939 :

 

« Fêter Staline, ce n'est pas une formalité. Fêter Staline, c'est prendre parti pour lui, pour son oeuvre, pour la victoire du socialisme, pour la voie qu'il indique à l'humanité, c'est se déclarer pour lui comme pour un ami très cher.

Car l'immense majorité des hommes vit aujourd'hui dans les souffrances, et elle ne peut s'en affranchir qu'en suivant la voie indiquée par Staline et avec son aide. »

Par la suite, les communistes ont toujours considéré l'URSS de Staline comme un pays socialiste. Les communistes de Chine ont été les défenseurs acharnés de l'URSS de Staline ; comme on le lit dans un document chinois de 1975, « Le social-impérialisme soviétique fait partie de l'impérialisme mondial » :

« Lorsque l'URSS était dirigée par Lénine et Staline, c'était un pays socialiste prestigieux. Mais après la mort de Staline, la clique des renégats Khrouchtchev - Brejnev a déclenché un coup d’État contre-révolutionnaire et elle a usurpé le pouvoir suprême du Parti de l'Union soviétique.

Elle a restauré en grand le capitalisme et transformé l'URSS en un État social-impérialiste. »

L'OCML-VP : la position initiale sur l'URSS de Staline

Initialement, née à la fin des années 1970, l'OCML-VP a défendu un point de vue classique, même si en étant déjà très en retard dans la différenciation entre l'approche de Mao Zedong et de Enver Hoxha.

Dans sa brochure sur la dictature du prolétariat, en 1979, l'OCML-VP parle de la « restauration du capitalisme en U.R.S.S. après le putsch de Khrouchtchev ». Il est considéré qu'il faut apprendre des expériences historiques, et donc de :

« L'expérience encore de la lutte du P.C.(b) de 1'U.R.S.S., sous la direction de Staline, avec ses succès et ses erreurs, pour persévérer dans la voie léniniste, poursuivre l'édification socialiste et vaincre l'agression fasciste. »

En conclusion, même si la ligne est défensive, l'OCML-VP défend l'URSS de Staline comme patrimoine communiste ; on lit également dans la brochure, comme sorte de conclusion :

« Voilà qui exige que nous menions un combat plus intransigeant que jamais pour défendre, contre les révisionnistes, la nécessité de la dictature du prolétariat. Non seulement en parole, mais aussi contre tous ceux qui, tout en acceptant la dictature du prolétariat du bout des lèvres, s’emploient à vider ce terme de tout contenu et à le rendre acceptable par la bourgeoisie. Et également à défendre la dictature du prolétariat contre ces sirènes qui nous incitent à croire que c’est une chose qui n’a jamais existé, et que toute l’expérience historique, et les riches exemples offerts par l’URSS de Lénine et Staline, la Chine de Mao, l’Albanie d’E. Hoxha et beaucoup d’autres doivent être considérés comme de décourageants « échecs ».

L'OCML-VP : modification de la position de l'URSS de Staline

En 1982, l'OCML-VP a « approfondi » son étude de la dictature du prolétariat, et Staline est alors entièrement critiqué. Dans un document synthétisant sa position, l'OCML-VP explique ainsi que :

« On voit que Staline a utilisé la méthode du renforcement de l'appareil d'État pour lutter contre les défauts inhérents à l'existence même de cet appareil. Il a préconisé le renforcement de la bureaucratie pour lutter contre la bureaucratie. Ce faisant, il utilisait un " remède " qui aggravait le mal. »

Staline est ainsi rejeté comme ayant pratiqué la « négation de la dialectique » ainsi que l'idéalisme ; il est parlé des « balbutiements et erreurs de Staline d'il y a 50 ans (face, il est vrai, à des problèmes alors nouveaux). »

Mao Zedong est présenté comme celui qui nie Staline, en le dépassant fondamentalement. C'est l'interprétation typiquement française et absolument libérale d'un Mao qui aurait renversé Staline et ainsi, en quelque sorte, « libéré » le marxisme. Pour l'OCML-VP, en 1982, on a ainsi Mao « contre » Staline :

« Le grand mérite de Mao a justement été de ne jamais être " suiviste " (faisant triompher sa ligne de la grève populaire dès les années 30). Certes, il lui a fallu du temps pour tirer la leçon théorique et pratique des erreurs de Staline (et notamment il a fallu Kroutchev). »

L'OCML-VP : position finale sur l'URSS de Staline

Une fois que Mao fut opposé à Staline, l'OCML-VP prolongea le mouvement, en liquidant absolument le fait que l'URSS ait été socialiste à l'époque de Staline. Dans l'article intitulé « La révolution bolchevique - 2ème partie », on lit ainsi :

« La Révolution d’Octobre victorieuse ayant remplacé la propriété privée par l’appropriation collective d’État, la nouvelle bourgeoisie ne pouvait prendre le dessus de la même manière et reconstituer une classe de propriétaires privés. Le processus de contre-révolution s’est donc développé furtivement, "administrativement", camouflé à l’intérieur de l’État et au sein même du parti bolchevik, en son nom et au nom du socialisme. La nouvelle bourgeoisie qui la mène marche ainsi au pouvoir sans conflit ouvert avec le prolétariat, en s’appuyant :

1° Sur la base économique des rapports de production dominants du capitalisme d’État, établis depuis 1918 puis renforcés par la NEP.

2° Sur les appareils de l’État, où sen-racine une classe de propriétaires collectifs des moyens de production (…).

La politique mise en œuvre pour détruire en priorité "l’ennemi principal" (la petite production, le capital privé) a développé un "autre" ennemi tout aussi dangereux (le capital d’État) : l’ennemi est le capitalisme sous toutes ses formes et dans tous les domaines, économiques, politiques et idéologiques. »

Cet article étant signé individuellement, le « comité directeur » de l'OCML-VP fit une précision quant à sa propre position :

« Pour VP, le triomphe contre révolutionnaire d’une nouvelle bourgeoisie d’État n’est pas consommé en 1923, mais dans les années 30. Notre plate-forme affirme bien que les tendances à la constitution d’une nouvelle bourgeoisie existaient dans les années 20, mais aussi qu’erres ne s’étaient pas alors consolidées à la tête du parti et de l’État en une ligne irréversiblement bourgeoise. »

Et, en effet, la plateforme politique de l'OCML-VP explique que l'URSS de Staline n'est pas socialiste, dans les termes suivants :

« Il est évident que [durant les années 1920] les soviets ont été dépouillés petit à petit de tout pouvoir réel. Dans les années 30, le processus était achevé. L’étouffement du débat politique contradictoire, dans les masses comme au sein du parti, était total. Tout contradicteur était vu comme un ennemi, agent de l’impérialisme infiltré dans les rangs du parti et de la société, et donc éliminé.

Une telle attitude a conforté le rôle des dirigeants en place. Elle a abouti à les ériger, tout d’abord, en "experts" et bureaucrates s’attribuant des privilèges, et ensuite à les transformer en une nouvelle classe bourgeoise. Celle-ci, née à l’intérieur de l’appareil soviétique, se soustrayait complètement au contrôle des ouvriers.

Ce qui ne représentait pour l’essentiel, au cours des années 20, que des conceptions théoriques erronées, devint, après l’élimination de tout débat d’orientation, et avec la systématisation des conceptions évoquées plus haut, une ligne qui encouragea, puis consolida, une bourgeoisie d’État.

C’est donc dans les années 30 qu’a eu lieu la restauration capitaliste, sous l’autorité du parti, devenu le quartier général des nouveaux bourgeois. »

L'OCML-VP : le rapport « positif » au trotskysme

Comme on le voit, l'OCML-VP dit la même chose que le trotskysme : l'URSS aurait été très vite contrôlé par une bureaucratie reconstituant une bourgeoisie. Pourtant l'OCML-VP ne se revendique pas du trotskysme, considérant que Staline et Trotsky ne sont que les deux revers de la même pièce, qu'au final leur démarche revenait au même, seul le « maoïsme » formulant quelque chose de radicalement nouveau.

L'OCML-VP dit ainsi :

« La révolution culturelle est riche d’expériences, mais elle n’empêchera pas la Chine de tomber à la fin des années 70 dans le capitalisme. Le débat existe encore dans VP sur la responsabilité de Mao et du courant maoïste dans cet échec. Mais quelles que soient leurs responsabilités, c’est sur les enseignements tirés de la Révolution Culturelle par les théoriciens du courant maoïste, que se fonde notre conception du socialisme, opposée à la voie suivie par Staline et celle proposée par Trotsky. »
(Le sens de notre référence au maoïsme, Partisan n°161, novembre 2001)

L'OCML-VP ne s'oppose donc pas au trotskysme politiquement, mais seulement idéologiquement, considérant que le trotskysme n'est pas allé assez loin dans sa compréhension de la bureaucratisation de l'URSS.

Pour l'OCML-VP, le trotskysme est encore trop lié au stalinisme, et d'ailleurs il considère l'URSS de Staline comme un « Etat ouvrier dégénéré » alors que, selon l'OCML-VP, il faudrait le considérer comme bourgeois.

Dans l'article « Trotskisme », on lit ainsi :

« Les principaux apports de Trotsky au mouvement communiste sont tous foireux. La théorie de la « révolution permanente » repose sur une confusion entre révolution démocratique et révolution socialiste, et sur une sous-estimation du potentiel révolutionnaire des paysans pauvres. La caractérisation de l’URSS comme « Etat ouvrier bureaucratiquement dégénéré » n’a rien d’une solide analyse de classe et tout d’un jugement « purement administratif des choses ». Quant au « programme de transition », il remplace la dialectique syndicale-politique par un méli-mélo qui sert la soupe à tous les opportunistes.

Le plus grand mérite des trotskistes, c’est de s’être opposés à la dégénérescence de la dictature du prolétariat en URSS, et le plus grand reproche qu’on peut leur faire, c’est d’être restés en grande partie sur le terrain du stalinisme : la nouvelle bourgeoisie n’est pas une classe mais une « bureaucratie », et l’Etat reste « ouvrier » parce que la nouvelle propriété capitaliste est collective. « Trotsky ne se démarqua pas, sur le fond, de la conception générale de la transition » (la transition du capitalisme au communisme) (2).

Bien que jouant un rôle en partie positif dans la classe ouvrière, les trotskistes aujourd’hui en France, LO, NPA et POI, naviguent entre la théorie révolutionnaire et la pratique réformiste. Leurs programmes de transition ne sont ni syndicalement utiles ni politiquement justes : contrôle des comptes, interdiction des licenciements par une loi, etc. Leur mot-d’ordre principal est la grève générale, mais c’est pour constater aussitôt que les travailleurs ne sont pas prêts à se mobiliser massivement... »

L'OCML-VP voit donc en les trotskystes des gens à moitié réformistes car ils n'auraient pas abandonné assez le « stalinisme » - c'est une position totalement opposée à la défense de Staline faite par Mao Zedong.

L'OCML-VP est, en pratique, elle-même une organisation trotskyste. Elle masque sa nature derrière un mot, le « maoïsme », mais en fait Mao Zedong sert ici de Trotsky.

Sa culture est celle du « gauchisme » des années 1920, qui s'opposent à l'URSS au moyen de différents théoriciens (Trotsky, Boukharine, Zinoviev, Bordiga, etc.). Sa position au sujet du Front populaire le montre aisément, puisque, tout à fait dans l'esprit gauchiste, celui-ci est considéré comme une capitulation. C'est la position traditionnelle du trotskysme, du gauchisme.

Voici ce que dit l'OCML-VP :

« La conception du fascisme du 7ème Congrès de l'I.C. aboutit, sur le plan politique, à l'opportunisme. Les "Fronts Uniques" "démocratiques" qui en découlent ignorent la tendance de lapetite bourgeoisie au fascisme. Ils se révèlent fatalement inefficaces, car de concessions en concessions à la petite bourgeoisie pour la rallier à tout prix ils ôtent toute indépendance et toute force au prolétariat. Or, seules une conscience et une activité fermement révolutionnaires du prolétariat peuvent amener la petite bourgeoisie à se retourner vers lui (comme l'a montré d'ailleurs l'expérience de la résistance dans divers pays européens).

Finalement, le fascisme étant le corollaire de la faillite historique de la forme démocratique du capitalisme, il était erroné de préconiser, à travers la stratégie des Fronts, le retour à cette forme démocratique. »
(Crise et fascisme, dossier de La cause du communisme, 1984)

C'est tout cela qui a amené l'OCML-VP à appeler à voter Mitterrand en 1981, à avoir des gens partant chez les « Verts », à soutenir la CGT, à appeler à voter pour la trotskyste Arlette Laguiller lors de ses candidatures électorales, ou encore à soutenir la participation du « STRASS » - le pseudo « syndicat du travail sexuel » qui diffuse l'idéologie de la prostitution - au cortège du 1er mai 2014 à Limoges.

Le « maoïsme » comme masque de l'ultra-gauche

Le maoïsme est une idéologie bien définie, formulée historiquement en URSS avec Lénine et Staline et en Chine populaire avec Mao Zedong. Il y a des enseignements très précis, c'est une idéologie très développée, avec des concepts propres à cette théorie.

Cela n'a rien à voir avec un spontanéisme piochant quelques approches, le plus souvent imaginées, chez Mao Zedong. L'OCML-VP est ainsi, comme d'autres structures ou individus, une sorte de projet de type menchevik, c'est-à-dire aux contours peu définis et peu avancés, surfant sur une « radicalité » dans la lutte qui est typique des thoréziens de gauche des années 1960.

Il n'y a pas d'idéologie bien délimitée, comme dans le trotskysme c'est toujours la journée « portes ouvertes » à tout ce qui peut passer comme « radicalité », comme par exemple dans les idéologies post-modernes avec « l'anti-colonialisme », « l'anti-impérialisme », le queer, etc.

On se souvient également du « soutien » pratiqué par l'OCML-VP et d'autres à la « guerre populaire au Népal », alors que les accords de paix avaient déjà été signés !

C'est en quelque sorte une tentative, ridicule, de faire comme la « Ligue Communiste Révolutionnaire » dans les années 1970, c'est-à-dire de conjuguer « radicalisme » du type thoréziens de gauche et militantisme estudiantin, spontanéisme économiste (au nom de « l'efficacité » dans les luttes) et esprit trotskyste (« tout ce qui bouge est rouge »).

Et cela n'a, bien entendu, rien à voir avec le maoïsme, avec le matérialisme dialectique.

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