11 aoû 2013

Notes sur la culture indienne: sati, ratha yatra, religions et droits, Bollywood & langues indiennes

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Sati

La « sati » est un rite indien qui consiste en la crémation des veuves sur le bûcher de leur époux. Ce rite est devenu le symbole en Europe du dégoût pour les moeurs « obscurantistes » de l'Inde, mais a également été le prétexte à toute une interprétation romantique du sacrifice par amour (notamment par Goethe).

Dans tous les cas, l'idée même de la « sati » a choqué une opinion se fondant sur la tradition bourgeoise du libre-arbitre. Dans Zadig de Voltaire, le héro convainc la jeune indienne de ne pas se jeter dans le bûcher et conseille aux chefs locaux qu'une loi soit instaurée, « par laquelle il ne serait permis à une veuve de se brûler qu'après avoir entretenu un jeune homme en tête à tête pendant une heure entière. »

Les conquérants musulmans et le colonialisme indien ont tenté, sans succès, de combattre cette tradition s'appuyant sur la domination patriarcale. On peut ainsi noter la tradition rajput du « Jauhar », au Rajasthan et au Madhya Pradesh, où en cas de défaite militaire du clan les femmes et leurs enfants se jetaient dans un bûcher pour éviter toute capture.

Il est difficile de chiffrer le nombre de satis; si la tradition remonte à quelques centaines d'années avant J-C, il y a peu de données. On sait néanmoins qu'au début du 19ème siècle, les autorités anglaises au Bengale en comptaient 600 par an en moyenne.

Le Tour du monde en quatre-vingts jours

L'orientalisme a marqué le 19ème siècle français, anglais et allemand, et a le plus souvent été marqué d'une fascination mystique pour un passé oriental glorieux mélangé à un mépris pour les « barbares » orientaux de l'époque actuelle. Ici un exemple pathétique de cette culture imprégnée de chauvinisme colonialiste ayant le culte du concept d'« Empire - civilisation », avec même le cliché antisémite du « Juif errant » jusqu'en Inde et pratiquant logiquement (conformément à la vision l'antisémite) l'usure.

Passepartout partit aussitôt et courut les rues de la ville. Allahabad, c'est la cité de Dieu, l'une des plus vénérées de l'Inde, en raison de ce qu'elle est bâtie au confluent de deux fleuves sacrés, le Gange et la Jumna, dont les eaux attirent les pèlerins de toute la péninsule. On sait d'ailleurs que, suivant les légendes du Ramayana, le Gange prend sa source dans le ciel, d'où, grâce à Brahma, il descend sur la terre.

Tout en faisant ses emplettes, Passepartout eut bientôt vu la ville, autrefois défendue par un fort magnifique qui est devenu une prison d'État. Plus de commerce, plus d'industrie dans cette cité, jadis industrielle et commerçante. Passepartout, qui cherchait vainement un magasin de nouveautés, comme s'il eût été dans Regent-street à quelques pas de Farmer et Co., ne trouva que chez un revendeur, vieux juif difficultueux, les objets dont il avait besoin, une robe en étoffe écossaise, un vaste manteau, et une magnifique pelisse en peau de loutre qu'il n'hésita pas à payer soixante-quinze livres (1 875 F). Puis, tout triomphant, il retourna à la gare. (…)

À midi et demi, le train s'arrêtait à la station de Bénarès. Les légendes brahmaniques affirment que cette ville occupe l'emplacement de l'ancienne Casi, qui était autrefois suspendue dans l'espace, entre le zénith et le nadir, comme la tombe de Mahomet. Mais, à cette époque plus réaliste, Bénarès, Athènes de l'Inde au dire des orientalistes, reposait tout prosaïquement sur le sol, et Passepartout put un instant entrevoir ses maisons de briques, ses huttes en clayonnage, qui lui donnaient un aspect absolument désolé, sans aucune couleur locale.

Naturellement, le héros du tour du monde en quatre-vingt jours sauve de la « sati » une jeune femme riche et éduquée à l'anglaise, en profitant naturellement de la « superstition » et de la « naïveté enfantine » des locaux.

Ce brave Indou donna alors quelques détails sur la victime. C'était une Indienne d'une beauté célèbre, de race parsie, fille de riches négociants de Bombay. Elle avait reçu dans cette ville une éducation absolument anglaise, et à ses manières, à son instruction, on l'eût crue Européenne. Elle se nommait Aouda.

Orpheline, elle fut mariée malgré elle à ce vieux rajah du Bundelkund. Trois mois après, elle devint veuve. Sachant le sort qui l'attendait, elle s'échappa, fut reprise aussitôt, et les parents du rajah, qui avaient intérêt à sa mort, la vouèrent à ce supplice auquel il ne semblait pas qu'elle pût échapper.

Ce récit ne pouvait qu'enraciner Mr. Fogg et ses compagnons dans leur généreuse résolution. Il fut décidé que le guide dirigerait l'éléphant vers la pagode de Pillaji, dont il se rapprocherait autant que possible.

Une demi-heure après, halte fut faite sous un taillis, à cinq cents pas de la pagode, que l'on ne pouvait apercevoir ; mais les hurlements des fanatiques se laissaient entendre distinctement. (…) Un cri de terreur s'éleva. Toute cette foule se précipita à terre, épouvantée.

Le vieux rajah n'était donc pas mort, qu'on le vît se redresser tout à coup, comme un fantôme, soulever la jeune femme dans ses bras, descendre du bûcher au milieu des tourbillons de vapeurs qui lui donnaient une apparence spectrale ? Les fakirs, les gardes, les prêtres, pris d'une terreur subite, étaient là, face à terre, n'osant lever les yeux et regarder un tel prodige !

La victime inanimée passa entre les bras vigoureux qui la portaient, et sans qu'elle parût leur peser. Mr. Fogg et Sir Francis Cromarty étaient demeurés debout. Le Parsi avait courbé la tête, et Passepartout, sans doute, n'était pas moins stupéfié !...

Ce ressuscité arriva ainsi près de l'endroit où se tenaient Mr. Fogg et Sir Francis Cromarty, et là, d'une voix brève : « Filons !... » dit-il. C'était Passepartout lui-même qui s'était glissé vers le bûcher au milieu de la fumée épaisse ! C'était Passepartout qui, profitant de l'obscurité profonde encore, avait arraché la jeune femme à la mort !

C'était Passepartout qui, jouant son rôle avec un audacieux bonheur, passait au milieu de l'épouvante générale ! Un instant après, tous quatre disparaissaient dans le bois, et l'éléphant les emportait d'un trot rapide. Mais des cris, des clameurs et même une balle, perçant le chapeau de Phileas Fogg, leur apprirent que la ruse était découverte.

En effet, sur le bûcher enflammé se détachait alors le corps du vieux rajah. Les prêtres, revenus de leur frayeur, avaient compris qu'un enlèvement venait de s'accomplir. Aussitôt ils s'étaient précipités dans la forêt. Les gardes les avaient suivis. Une décharge avait eu lieu, mais les ravisseurs fuyaient rapidement, et, en quelques instants, ils se trouvaient hors de la portée des balles et des flèches.

Ratha-Yatra

Le « festival du char » est une fête religieuse traditionnelle, où les fidèles du dieu indien Krishna tirent un grand char, pouvant atteindre une douzaine de mètres de hauteur et avoir une quinzaine de routes. En France, il existe deux processions similaires chaque année à Paris, l'une pour Krishna, l'autre pour le dieu à tête d'éléphant Ganesha, avec un char naturellement plus petit.

La « forme » vénérée de Krishna que l'on retrouve comme idole sur le char s'appelle « Jagannath » (le maître de l'univers) et la très forte impression du cortège de plusieurs dizaines de milliers de personnes a donné en anglais le mot « juggernaut » (force irrésistible ou poids lourd). Le char a été décrit dès la seconde moitié du 14ème siècle par l'anglo-normand Jehan de Mandeville dans le récit des (plus ou moins pseudo) voyages, et les missionnaires chrétiens ont diffusé en Europe la conception erronée comme quoi les hindous « fanatiques » se jetteraient sous les roues du char.

Religions

La grande majorité de la population indienne – 80% soit 878 millions de personnes – est de fait liée à l'hindouisme, religion se subdivisant elle-même en différents courants vénérant principalement tel ou tel dieu (Shiva, Krishna, Ganesha, etc.). Mais il existe de très nombreuses minorités religieuses.

Le bouddhisme, né en Inde au 6ème siècle avant JC, n'y existait jusque récemment plus en tant que tel: une forme récente et nouvelle a été prônée par un dirigeant intouchable Bhimrao Ramji Ambedkar (1892-1956); ce courant du bouddhisme dispose désormais d'une communauté rassemblant désormais 7,5 millions de personnes.

Né en même temps que le bouddhisme et rejetant pareillement la division en castes, le jaïnisme s'est lui maintenu avec entre 8 millions de fidèles (principalement dans l'Etat du Maharastra). Il se caractérise par un respect absolu de toute forme de vie et prône donc un végétarisme strict, le refus de toutes matières d'origine animale comme le cuir, etc.

L'Islam est la religion d'une communauté de 138 millions de personnes et c'est bien entendu la minorité la plus grande. Il y a également 24 millions de chrétiens et 18 millions de sikhs, religion fondée au 15ème siècle (sikh signifiant disciple, le terme étant la réponse à la conception spirituelle de son fondateur le Guru Nanak comme quoi « il n'y a ni hindou et ni musulman »).

Il ne faut pas oublier les 70,000 parsis, c'est-à-dire zoroastriens venus de l'Iran (Farrokh Bulsara, c'est-à-dire Freddie Mercury du groupe Queen, est lui-même issu d'une famille parsie indienne, tout comme la famille industrielle indienne Tata).

Religions & droit

Comme dans tout Etat du « tiers-monde », il existe un grand décalage entre la définition officielle et la pratique. Ainsi, de la même manière que l'Etat indien est une « république démocratique laïque socialiste souveraine » dont on ne voit pas très bien où est le socialisme, il se prétend « la plus grande démocratie du monde », alors qu'en pratique le code civil change selon la religion à laquelle on est forcé d'appartenir.

La constitution envisageait la création d'un code civil unique, mais le projet n'a jamais été réalisé. Seul le code de procédure criminelle est commun à toutes les communautés. Cela signifie en pratique que la vie quotidienne de chaque individu est nécessairement reliée aux lois religieuses, comme par exemple la Sharia pour les musulmans, différents textes religieux classiques pour les hindous, etc.

La loi indienne reconnaît donc des codes différents pour les différentes communautés: si un couple dont les membres sont considérés légalement comme hindouistes veut voir son mariage légalement reconnu, il doit, dans le nord de l'Inde, suivre la tradition de faire sept pas autour d'un feu sacré, alors que dans le sud la procédure diffère (par exemple avec la guirlande autour du cou devant des témoins membres de la famille).

Tout ce qui touche à la vie personnelle (héritage, mariage, divorce, adoption etc.) relève ainsi de la loi religieuse et la constitution indienne reconnaît les juridictions hindoue, musulmane (shiite ainsi que sunnité), musulmane, chrétienne, zoroastrienne et juive. Les sikhs, les Jaïns et les bouddhistes sont rattachés (avec quelques aménagements) à la loi hindoue.

Bollywood & langues indiennes

Le terme de « Bollywood » est désormais couramment employé en France pour désigner la production de films indiens débarquant en France. Il provient de « Bombay » (aujourd'hui renommé Mumbai) et de Hollywood. Les films sont en hindi, langue du nord, mais il serait plus juste de parler de langue hindustani, c'est-à-dire de la langue commune parlée par les hindous et les musulmans du nord de l'Inde, sans scission vértiable entre la variante davantage orientée vers le sanskrit, le hindi, et celle orientée vers le persan et l'arabe.

Les films de type « Bollywood » sont de la variante « masala », du nom de ce mélange d'épices: on y trouve de l'action, de la romance, des drames, le tout avec des intermèdes musicaux, où les acteurs chantent en play-back. La dimension hollywoodienne est présente dans le ton mélodramatique et les situations populistes caricaturales (membres de la famille perdus de vue depuis longtemps, amants au coeur d'or, amours contrariées, kidnapping, etc.). On parle parfois de cinéma « Kollywood » pour les productions de Chennai (autrefois appelé Madras) en langue tamoule.

En fait, entre 800 et 1000 films sortent chaque année en Inde: une situation qui puise également sa source dans le nombre de langues. Il existe 3,000 langues en Inde, même si le hindi (la langue du nord) et l'anglais sont les deux seules langues de l'administration centrale.

Les langues officielles en Inde sont les langues bengalî, goudjerâtî, hindî, kannada, câchemîrî, konkani, malayâlam, marâthî, metei, népalais, oriyâ, penjâbî, sanskrit, sindhî, tamoul, télougou, ourdou.

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