11 aoû 2013

Naxalbari et PCI ML

Submitted by Anonyme (non vérifié)

3)Aux origines: les enfants du « tonnerre printanier »

a)Des révoltes paysannes à l'insurrection du Naxalbari

Les naxalites proviennent de militants déçus par la ligne de leur organisation, le Parti Communste d'Inde, déception les amenant à développer des analyses nouvelles, prétexte à des activités fondamentalement différentes.

Pour comprendre leur analyse, il faut connaître la situation de l'Inde et son caractère féodal. Le colonialisme anglais a en effet utilisé le principe des zamindars, qui se sont vus confier des titres de propriété en échange de la collecte des impôts qu'ils pratiquaient déjà lors de la domination moghole. Également usuriers, les zamindars pratiquaient en quelque sorte un esclavage organisé.

En 1890, les paysans payaient aux zamindars à peu près 30 fois ce que ceux-ci payaient en impôts au colonialisme anglais, sans compter les services gratuits, ni même les autres intermédiaires: rien qu'au Bengale en plus des 102,000 zamindars, on retrouvait 2.730.000 intermédiaires récoltant les impôts, chacun chargeant la barque davantage et vivant sur le dos des paysans.

En plus de l'oppression et de l'exploitation, des exactions et des vols, la misère la plus complète était donc elle-même caractérisée par la précarité.

La férocité du colonialisme anglais a causé la mort de 2 à 4 millions de personnes lors de la grande famine de 1943, les Anglais voulant éviter à la fois que la population puisse se révolter après leur défaite en Birmanie et que les Japonais puissent profiter de nourriture en cas d'invasion.

Alerté à ce sujet, Churchill répondit que s'il y avait famine, « alors pourquoi Gandhi n'est-il pas encore mort? » Mais déjà au 19ème siècle, entre 30 et 40 millions de personnes avaient été victimes de la famine.

Plus tôt encore, en 1770, soit 5 ans après la colonisation du Bengale par la East India Company, 10 millions de personnes succombaient à la famine.

Le mouvement de la Tebhaga (les 3⁄4) en 1946 rentre dans ce cadre: les paysans revendiquaient de pouvoir conserver les 3⁄4 de leur production (au lieu de la moitié seulement); ils étaient soutenus par une grande majorité des artisans (potiers, pécheurs, forgerons) et se sont emparés de terres au Bengale, avant d'être « ramenés à la raison » par la pression du système des castes et une loi qui ne fut pas appliquée.

Un mouvement parallèle mais de plus grande importance et s'étalant de 1946 à 1951 fut le mouvement dans la région du Telengana, qui s'apparente à une véritable insurrection.

Non content de dominer les paysans (travail gratuit, esclavage sexuel de femmes...), le souverain (appelé le Nizam) et les chefs féodaux comptaient imposer la langue ourdou comme langue officielle, alors qu'elle n'était parlée que par 12% de la population (la population parlant le Telougou pour 50%, le Marathi pour 25% et le Kannada pour 11%). Mais, à la différence d'au Bengale, les communistes étaient actifs et ont donné au mouvement de protestation un caractère insurrectionnel.

Organisant des dalams, c'est-à-dire des unités combattantes, 4,000 villages formèrent leur propre administration, protégée par une force armée de 10,000 personnes.

La répression de l'Etat indien, intervenant pour mettre de côté le Nizam et intégrer l'Etat mais surtout pour arrêter le mouvement, fut terrible. 300,000 personnes furent torturées, 50,000 mises en camp, 5,000 emprisonnées pour de longues années alors que 4,000 furent assassinées. Le Parti Communiste d'Inde, qui avait porté le mouvement, l'arrêta officiellement le 21 octobre 1951.

Si le mouvement du Telengana n'avait pas été organisé à tous les niveaux, tel n'est pas le cas de la nouvelle révolte qui allait frapper tous les esprits en Inde: celle du Naxalbari en 1967, dans le nord du Bengale occidental.

La région de Naxalbari était marquée par une forte présence des aborigènes, qui avec les basses castes formaient 57,7% de la population. 37,5% des travailleurs étaient des cultivateurs, 4,6% étaient dans l'agriculture et 40% dans les plantations, les mines et les activités forestières, Naxalbari étant dans le district de Darjeeling, connu pour son thé. Le tiers de la population travaille dans les plantations, l'Union des Travailleurs des Jardins à Thé du District de Darjeeling née en 1955 va jouer un rôle essentiel, avec l'offensive de 10,000 paysans et planteurs pour repousser les propriétaires terriens et la police.

Le mouvement était solidement structuré. Tirant les conséquences des expériences passées, une fraction du PCI puis du PCI (marxiste) avait en effet dès le milieu des années 1950 planifié l'organisation d'une véritable guerre populaire, sur le modèle chinois.

Cette organisation allait de pair avec une critique approfondie du « révisionnisme » de la direction PCI et de son incapacité à comprendre les vastes mouvements du Tebhaga et du Telengana.

L'une des principales figures de la critique des positions du PCI avait d'ailleurs lui-même fait partie du mouvement au Tebhaga dans les années 1946-1948: il s'agit de Charu Mazumdar (Mojumdar en langue bengalie, Mazumdar dans les autres langues d'Inde), né en mai – juin 1919 à Varanasi, anciennement appelé Bénarès en français.

Dès 1948 le PCI blâmait Mazumdar pour ses activités poussant la base à une activité militante importante à Domohani, dans le district de Jalpaiguri; la police mena une répression importante, tuant une dizaine de personnes.

Et dès 1953-1954, on retrouve Mazumdar avec des figures comme Kanu Sanyal, Keshab Sarkar, Pachanan Sarkar, Khokon Mazumdar dans les régions de Buraganj, Hatighisha, Tarabari, Phansidewa, Ropangidhi... pour un processus aboutissant à l'organisation de la « guerre populaire. »

En lançant la lutte armée, cette fraction court-circuitait toute la politique de la direction du PCI (marxiste) qui venait de gagner les élections et gouvernait le Bengale occidental par l'intermédiaire d'un « front uni ».

C'était un véritable appel à rompre avec le PCI (marxiste) et à pratiquer la guerre de guérilla. Ainsi sont nés ceux qu'on a appelé les naxalites.

Dès août 1967 se forme la Comité de Coordination des Révolutionnaires, qui devint le Comité Panindien de Coordination des Révolutionnaires puis le Comité Panindien de Coordination des Révolutionnaires Communistes en mai 1968. Ce dernier se transforma en le Parti Communiste d'Inde (Marxiste-Léniniste) le 22 avril 1969, anniversaire de la naissance de Lénine.

La révolte de Naxalbari ne put pas se maintenir face à la répression, mais en posant la question du pouvoir elle remettait toute une culture en cause, celle dominant l'Inde jusque-là. Les naxalites arrivaient avec une nouvelle culture, expliquant que « Mao Zedong est notre président! », que « Ek hi rasta – ek hi rasta, Naxalbari ek hi rasta! » (La voie du Naxalbari est la seule voie).

De fait, la Chine populaire apporta un soutien idéologique complet au mouvement. Le Quotidien du Peuple, organe du Parti Communiste de Chine, du 7 août 1967, annonçait en titre:

« Que le drapeau rouge du Naxalbari flotte plus haut encore! » Un mois auparavant, le 5 juillet 1967, avait déjà été publié l'article qui devint le symbole de la véritable fusion idéologique des communistes de Chine et d'Inde: « Un tonnerre printanier en Inde », où l'on pouvait lire: « Un violent tonnerre printanier ébranle la terre indienne. Les paysans révolutionnaires de la région de Darjeeling se dressent dans la révolte. Ainsi est née en Inde une région rurale rouge de la lutte armée révolutionnaire sous la direction des révolutionnaires du Parti Communiste d'Inde! (...).

L'Inde, indépendante pour la forme, reste toujours une société semi-coloniale et semi-féodale (...). Telles de hautes montagnes, l'impérialisme, le révisionnisme soviétique, le féodalisme et le capitalisme bureaucratique et compradore pèsent lourdement sur le peuple indien, notamment sur les grandes masses ouvrières et paysannes qui peinent et qui souffrent (...).

La lutte armée est la seule voie correcte pour la révolution indienne; il n'y a pas d'autres voies en-dehors de celle-là. Les camelotes telles que « gandhisme », « la voie parlementaire » et autres sont l'opium employé par les classes dominantes indiennes pour endormir le peuple indien. C'est seulement en s'appuyant sur la révolution violente et en empruntant la voie de la lutte armée que l'Inde pourra être sauvée et que le peuple indien se libérera, totalement.

Pour parler concrètement, il faut mobiliser sans réserves les masses paysannes, établir et renforcer les forces armées révolutionnaires utiliser la série de stratégies et de tactiques souples et dynamiques de la guerre populaire élaborées par le président Mao pour faire face à la répression des impérialistes et des réactionnaires temporairement plus puissants que les forces révolutionnaires, persister dans la lutte armée prolongée et arracher pas à pas la victoire de la révolution (...).

Le soi-disant « gouvernement indépendant [vis-à-vis] du [parti du] Congrès au Bengale occidental se place ouvertement aux côtés des réactionnaires indiens dans sa répression sanglante des paysans révolutionnaires de Darjeeling.

C'est là une nouvelle preuve que ces renégats et ces révisionnistes sont des chiens courants de l'impérialisme américain et du révisionnisme soviétique, des laquais des grands propriétaires terriens et de la grande bourgeoisie de l'Inde. Ce qu'ils appellent « gouvernement indépendant du Congrès » n'est qu'un instrument de ces propriétaires fonciers et de cette grande bourgeoisie (...).

L'étincelle de Darjeeling finira par mettre le feu à toute la plaine. La grande tempête de la lutte armée révolutionnaire qui s'étend à toute l'Inde va faire rage! Bien que la voie de la lutte révolutionnaire indienne soit longue et tortueuse, la révolution indienne, à la lumière du grand marxisme-léninisme, de la brillante pensée Mao Zedong, remportera la victoire finale. »

b)Les premiers naxalites

Pour avoir pu s'organiser dans la région du Naxalbari, ceux et celles qu'on appellerait à partir de cette révolte les « naxalites » ont dû se structurer dans une longue bataille.

Dès Juin 1948 avec la révolte du Telangana et ses milliers de villages organisés en « communes », le comité provincial de l'Andhra Pradesh du Parti Communiste d'Inde avait proposé au Comité Executif Central de ce parti un document connu sous le nom de la Lettre de l'Andhra.

Y était proposé la stratégie de la révolution de nouvelle démocratie formulée par Mao Zedong; ce document a justement marqué le point de départ d'une référence à la « voie chinoise » qui serait valable pour l'Inde.

Dans les années qui suivent, les partisans de la « voie chinoise » se heurtent à la direction du PCI regroupé autour de Dange, mais également à la gauche du PCI, celle qui dirigera par la suite le PCI (marxiste).

Surtout présents au Bengale Occidental, en Andhra Pradesh, au Kerala, au Jammu et Cachemire, dans le Nord du Bihar et le Nord de l'Uttar Pradesh, les partisans de la « voie chinoise » mènent en réalité une activité parfois quasi autonome, leur valant d'être la cible d'une répression spécifique de la part de l'Etat.

Ainsi, alors que le PCI condamne « l'agression chinoise » lors du conflit frontalier sino-indien qui prend une tournure militaire sur une large échelle le 20 octobre 1962, les futurs naxalites condamnent leur propre Etat ainsi que l'URSS, ce qui provoque l'arrestation de tous leurs militants un tant soit peu connu. L'une des grandes figures de la solidarité avec les révolutionnaires emprisonnés sera le poète télougou Srirangam Srinivasarao (1910-1983), dit Sri Sri, une très grande figure de la scène artistique de l'Andhra Pradesh. Ce poète fondera en 1970 la VIRASAM (Viplava Rachayithala Sangam – Association des Écrivains Révolutionnaires) avec d'autres auteurs, figures de la culture télougou: R.V. Shastri, Khtuba Rao K.V. Ramana Reddy, Cherabanda Raju, Varavara Rao, C. Vijaylakshmi...

Sushital Roy Choudhury expliquera en novembre 1970 au sujet de cette période qu'« A partir de l'agression de la Chine par l'Inde en 1962, lorsque le Parti a dévié de l'internationalisme prolétarien à cause des manoeuvres de la direction, plus d'un membre de la base de notre Parti a commencé à prendre conscience du danger qu'est le révisionnisme.

Cela a généré un sentiment parmi beaucoup d'entre nous comme quoi nous devrions commencer la lutte armée. »

A ce moment-là en effet, les principaux opposants se regroupent clairement dans l'intention de fonder de nouvelles structures; au Bengale occidental est d'ailleurs formé un comité provincial du Parti parallèle à celui existant officiellement et s'appuyant sur un document, connu sous le nom de « Prithwiraj » et attaquant le gouvernement de Nehru. Parimal Das Gupta conduira lui son propre groupe, considérant la ligne du comité comme ne rompant pas assez avec la ligne de la direction.

Tel était également le point de vue de Charu Mazumdar, pour qui le mouvement général anti-révisionniste savait contre quoi il était, mais pas réellement ce pour quoi il luttait. Néanmoins, les opposants réussirent à publier le journal Howrah Hitaishi, publiée à Howrah, puis Desh Hitaishi qui, à partir du 16 février 1963, devient l'hebdomadaire des dissidents.

L'agitation gagna également les facultés, avec la coexistence de deux factions de la BPSF (Fédération provinciale bengalie des étudiants), publiant Chhatra Abhijan (La marche des étudiants) pour l'aile droite et Chhatra Chhatri (Les étudiants) pour l'aile gauche.

Les documents attaquant la réaction pullulent, comme avec Marxvad O Shramik Shrenir Darshan (Le marxisme et la philosophie de la classe ouvrière), Chanakyer Dalil (Le document de Chanakya), Leniner Uttar Sadhak – Stalin (Staline – le sucesseur de Lénine), Staliner Shiksha O Bharater Communistder Bhumika (Les leçons de Staline et le rôle des communistes d'Inde), Marx-Leniner Patakatale (Sous la bannière de Marx et Lénine, compilation de textes de Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao Zedong), A ntarjatik Shramik Andolaner Ithihas: Ruparekha (Histoire du mouvement ouvrier international: un aperçu), etc.

L'influence de Che Guevara se fit également sentir mais de manière anecdotique, avec le « Groupe Surya Sen », du nom du pseudonyme utilisé pour le document servant de base à un « noyau bolchevik » partant du principe que le nouveau Parti qui serait issu de la rupture avec le PCI serait forcément limité politiquement.

Le nom de « Surya Sen » symbolise l'orientation même du groupe, Surya Sen(1894-1934) ayant été une figure populaire de la lutte armée contre les colons anglais au Bengale durant les années 1930.

Mais cette ligne n'avait aucune chance d'exister, puisque la gauche du PCI ne faisait confiance ni à la droite, ni au « centre. » Une autre figure rejoignant ce mouvement fut également Saroj Dutta, né en 1914 et déjà emprisonné par le gouvernement anglais lorsqu'il était étudiant.

Avec Sushital Roy Choudhury, il fait partie de la rédaction de Swadhinata, l'organe de la section bengalie du PCI. Dutta vient d'une tendance profonde au Bengale, celle de jeunes intellectuels qui autour de 1938 s'organisaient, notamment avec la seconde conférence pan-indienne de l'association progressiste des écrivains et artistes, qui se tint à Kolkata en décembre 1938.

Un important débat se lança sur la littérature bengalie, Saroj Dutta s'affirmant comme l'un des principaux théoriciens marxistes en ce domaine, mais également comme l'un des principaux activistes, notamment avec l'association des amis de l'Union Soviétique fondée en 1941, la Pragati Lekhak Sangha (association des écrivains progressistes) devenue la Fascist – Birodhi Lekhak O Shilpi Sangha (Association des écrivains et artistes antifascistes) ou encore la revue Jana Juddha (Guerre Populaire), organe du comité bengali du PCI.

Saroj Dutta fit tout pour s'éloigner de la revue Parichay, destinée aux intellectuels, pour participer le plus possible au quotidien Swadhinata. Il traduisit également l'oeuvre de Romain Rolland, Gorki, Tolstoï, Tourguéniev, le poète bulgare Nicola Vyapsarov (qui fut assassiné par les nazis), Byron....

Charu Mazumdar organise alors deux séances de débats dans un « camp », afin d'unifier la ligne politique des « dissidents. »

Au premier « camp », Charu Mazumdar prend en charge la question de l'histoire de la lutte de libération indienne et de la nature du Parti Communiste, tandis que Kanu Sanyal s'occupe de l'étude de l'histoire du mouvement paysan en Inde, que Biren Basu étudie la nature du capitalisme et Souren Basu celle du socialisme.

Au second « camp », Charu Mazumdar expose le programme du Parti, Kanu Sanyal le problème agraire dans le léninisme, Souren Basu l'étude de « Que faire? » de Lénine et Biren Basu cellede « Deux tactiques de la social-démocratie », également de Lénine. Les deux « camps » n'eurent pas de suite, Mazumdar mettant l'accent sur les débats au sein des organisations du PCI lui-même, cela alors que le PCI a son premier succès dans l'Etat du Kérala, formant même un gouvernement et subissant pour cette raison les critiques sévères du Parti Communiste de Chine.

c)La fondation du PCI (ML)

Mazumdar considérait que la fraction dominante du nouveau PCI devenu « (marxiste) » ne pouvait être débordée que par le soulèvement des masses.

Voilà pourquoi il a regroupé les partisans de la « voie chinoise » au nord du Bengale, ne produisant aucun document initialement et jetant toutes ses forces dans la pratique et l'organisation de la lutte armée. Cette tendance est à ce titre proche du groupe Chinta, organisé autour de Kanai Chatterjee, Parimal Das Gupta et Amulya Sen qui fondent même un « conseil révolutionnaire. »

Ce n'est pas donc pas avant 1965 que Mazumdar commence la publication de ce qui va être connu comme les « huit documents. » La publication commence en fait au moment où le PCI (marxiste) est victime d'une grande violence de la part de l'Etat, en raison de ses activités « anti-nationales, violentes et subversives. »

Les centaines et centaines d'arrestations paralysent l'organisation et le groupe autour de Mazumdar, sur la base de la lutte armée, va alors intervenir sur le devant de la scène.

Les « huit documents » de Mazumdar et les six numéros de « Chinta » dans les années 1965-1966 forment l'essentiel du bagage idéologique de ce que vont être les naxalites, puisque la base est commune: il faut rejeter le révisionnisme, l'Inde est un pays semi-colonial, « la voie chinoise est notre voie », il faut mener la révolution de nouvelle démocratie. Selon Mazumdar, 4 points étaient essentiels pour l'unité: reconnaître Mao Zedong comme le dirigeant de la révolution mondiale et sa pensée comme le marxisme-léninisme de notre époque, considérer que la situation est révolutionnaire dans l'ensemble de l'Inde, partir du principe que la révolution passe par la formation de zones libérées et la guerre de guérilla.

Fut également formé le Shodhanbader Biruddhe Sangram Committee (Comité pour la lutte contre le révisionnisme) qui devint par la suite le Anta-Party Shodhanbad Birodhi Sangram Committee (Comité pour la lutte interne au Parti contre le révisionnisme), structure clandestine reliant les partisans de la guérilla.

On y retrouve notamment Parimal Das Gupta, Saroj Datta, Asit Sen, Sushital Roy Chowdhury. En pratique, en mai 1966 les dissidents dirigent un centre politique organisé dans le région de Darjeeling et en juin à Siliguri un meeting local lance le plan d'une « lutte armée paysanne pour la conquête du pouvoir à partir des zones libérées. »

Leur mouvement profite de l'éclat de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en Chine commençant en août 1966.

A côté du groupe de Mazumdar, le groupe Chinta continue d'exister, publiant le 3 avril 1966 Pather Nishana, qui accuse la direction du PCI (marxiste) d'inaction, de révisionnisme et de nationalisme, puis cessant la publication de Chinta au profit du journal Dakshin Desh (le pays du sud, le pays du nord étant la Chine populaire).

Le document Sangathaner Kshetrye Jaruri Kaaj donne comme tâches immédiates « de construire une organisation clandestine du Parti comme centre politique central et permanent, de former une structure illégale du Parti comme réseau de noyaux petits, clandestins et mobiles, de diriger par leur intermédiaire les organisations de masse des ouvriers et des paysans. »

Mais il existe également de multiples autres noyaux, comme le premier organe publié en anglais, Partisan, qui permet ainsi de relier les militants dans tout le pays, ou encore le Noyau Communiste Révolutionnaire de l'Inde, dirigé par Ananta « Abinash » Singh connu pour ses capacités d'organisation clandestine et militaire, et parfois surnommé le groupe « MMG » (Man-Money-Gun, homme - argent – arme).

La position de la direction du PCI (marxiste) n'a pas été considérée comme inacceptable seulement au Bengale occidental; dans les Etats du Jammu & Cachemire ainsi qu'en Uttar Pradesh, c'est toute la structure du PCI (marxiste) qui rejoint les naxalites.

La tendance est également forte en Andhra Pradesh et au Bihar. Il faut bien comprendre que le naxalisme est à ses débuts une tendance, et non pas un mouvement organisé: il s'agit d'un mouvement historique diffus consistant en des militants communistes se revendiquant de Mao Zedong et prônant la lutte armée fondée sur la paysannerie.

Si la révolte du Naxalbari a lieu en mai 1967, ce n'est que durant les mois suivants que sont fondés les journaux Liberation (en anglais), Deshbrati (en bengalie) et Lokyudh (en hindi). Une organisation structurée au niveau du pays entier n'est fondée que les 12 et 13 novembre, avec des militants du Tamil Nadu, du Kerala, de l'Uttar Pradesh, du Bihar, du Karnataka, de l'Orissa et du Bengale occidental, au sein de l'All India Coordination Committee of Revolutionaries (AICCR) – le comité de coordination panindien des révolutionnaires.

Six mois plus tard, le 14 mai 1968, l'AICCR devient l' All India Coordination Committee of Communist Revolutionaries (AICCCR) – le comité de coordination panindien des communistes révolutionnaires.

A sa tête, on trouve Subir Roy Chowdhury et la conférence est marquée par l'exclusion de 11 des 14 sections de l'Andhra Pradesh, qui suivent Tarimala Nagi Reddy (1917-1976) et Devullapali Venkateshwara Rao.

Ce dernier avait été l'auteur des thèses de l'Andhra au moment du Telengana; Reddy et Rao avaient une énorme expérience de la lutte de masses, et considéraient que si la lutte armée était nécessaire et qu'il fallait des zones libérées, il fallait tout de même participer aux élections (sans jamais participer au gouvernement) afin de dénoncer la nature du régime (Rao rejetant lui cette tactique), ainsi que mettre l'accent sur l'organisation des structures populaires.

La lutte armée ne doit pas commencer par une offensive et la liquidation des ennemis de classe, mais être le prolongement de la résistance populaire.

La ligne de l'AICCCR était considérée comme « aventuriste », « romantique », « petite-bourgeoise », alors que pour l'AICCCR la ligne de Reddy ne consistait qu'en du néo-révisionnisme. La fraction suivant Reddy formera en avril 1975 l'Unity Centre of Communist Revolutionaries (UCCR -Centre d'Unité des Révolutionnaires Communistes) forte notamment au Pendjab, mais subissant de très nombreuses scissions et dont l'un des avatars le plus proche de la ligne initiale est l'UCCR (marxiste-léniniste) ayant été dirigé par Rao.

Actuellement, l'UCCR considère la Chine comme toujours socialiste et participe principalement aux élections. A l'opposé, le 22 avril 1969, c'est la naissance du Parti Communiste d'Inde (Marxiste-Léniniste). La date est symbolique: c'est l'anniversaire de la naissance de Lénine.

L'AICCCR se dissout et cède la place au Parti, avec Charu Mazumdar comme secrétaire du comité central d'organisation. Il existe alors des zones de guérillas au Bengale occidental (Debra-gopiballavpur), en Uttar Pradesh (Lakhimpur Kheri) et surtout en Andhra Pradesh (Srikakulam). La naissance du PCI(ML) est marquée par un grand meeting à Calcutta le 1er mai; l'intervention du PCI (marxiste) provoque des affrontements armés.

Et le 20 octobre 1969 c'est la naissance de la seconde grande organisation naxalite: le Maoist Communist Center (Centre Communiste Maoïste), qui considère qu'il est trop tôt pour parler de fondation du Parti et qui considère que la ligne de liquidation sélective de l'ennemi de classe du PCI(ML) met trop de côté la question de l'organisation des masses.

 

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