Mr Robot, Fight Club, et les conspirationnistes anti-conspirationnistes
Submitted by Anonyme (non vérifié)C'est un phénomène connu du matérialisme dialectique que le petit-bourgeois pris de rage devant le capitalisme le prolétarisant, mais incapable de passer dans le camp du socialisme de par sa propre base sociale liée au capitalisme.
Obligé de trouver une vision du monde conforme à ses intérêts, le petit-bourgeois invente alors des conspirations organisées par une oligarchie empêchant le capitalisme d'être ce qu'il est censé être : naturellement équilibré, sans monopoles, etc.
Ces théories conspirationnistes sont plus ou moins crédibles, basculant toutefois souvent dans la folie en raison de la base sociale de la petite-bourgeoisie, qui n'est pas une classe en tant que telle, mais le produit temporaire de la progression du mode de production capitaliste.
Nombreuses sont les variantes de ces conceptions du « on nous cache tout, on nous dit rien » : empoisonnement à partir des traînées blanches des avions (les « chemtrails »), secte s'appropriant le pouvoir (les « illuminatis »), créature extraterrestre apparaissant au sein des faisceaux lumineux du mémorial du 911, « Nouvel Ordre Mondial », complot judéo-maçonnique, complot judéo-bolchevique, etc.
Comme le petit-bourgeois ne reconnaît pas l'opposition droite/gauche, on trouve des conspirationnismes avec toutes les variantes. Les gauchistes considèrent que la révolution n'a pas lieu à cause des communistes, ou bien à cause de la marchandise qui aurait une nature magique qui « endort » les ouvriers, tandis que les partisans de l'idéologie « anti-flics » du type « ACAB » considèrent que le cœur du problème social, ce sont les policiers comploteraient pour tuer...
A cela s'ajoutent les nationalistes à prétention révolutionnaire qui veulent détruire l'« oligarchie » qui contrôlerait la société en appelant à l'unité au sein de la Nation, française, européenne, ethnique et raciste, ou bien « eurasienne », etc.
Mais, et c'est un fait très intéressant, il existe également une variante anti-conspirationniste du conspirationnisme. Des petit-bourgeois se lancent dans la surveillance des conspirationnistes, car ils seraient en train de conspirer !
C'est là tout à fait du « conspirationnisme ». La revue REFLEXes avait coutume, lors de son existence des années 1980 à 2010, d'avoir une telle lecture conspirationniste des activités de l'extrême-droite.
L'anti-conspirationniste croit que le conspirationniste conspire : il y a une conspiration des conspirationnistes !
Le petit-bourgeois ne peut pas sortir d'une lecture paranoïaque de la réalité. Le matérialisme dialectique pense que le capitalisme ne pense pas, ne peut pas penser : tout obéit à des lois historiques.
Le petit-bourgeois considère qu'il y a des individus qui pensent, car il est lié au capitalisme. Face au monopoles, il ne peut que considérer que l'échec du capitalisme relève d'une conspiration, d'un complot.
C'est précisément le sens de la dénonciation des « grands projets » par les zadistes et toute une partie des anarchistes. Il faudrait s'organiser de manière complotiste – c'est la conception développée par L'insurrection qui vient – face au complot de ceux qui ont le pouvoir…
Et il est frappant de voir comment le cinéma profite de cette approche petite-bourgeoise pour construire le scénario de ses films. Cela lui permet de se prétendre « révolutionnaire ».
L'un des exemples les plus connus de ces dernières semaines en France est la série américaine Mr. Robot. Petit-bourgeois paranoïaque pris de rage devant le capitalisme, le personnage d'Elliot Alderson lutte contre la conspiration du monopole E Corp en cherchant lui-même à monter une conspiration avec des hackers.
France 2, qui a commencé il y a deux jours à diffuser la série, avait même fait en sorte que le générique du 13 Heures soit « piraté », afin d'en faire la promotion.
Et dans Mr. Robot, le but est donc de faire en sorte que le monopole E corp, qui régit dans la finance et les télécoms, abandonne toutes ses créances.
On reconnaît là la vision du monde du petit-bourgeois, pour qui l'ennemi ce sont les banques, qui empêcheraient le capitalisme d'être « juste ».
On reconnaît là exactement le scénario du film Fight Club, où le protagoniste lui-aussi psychologiquement perturbé, comme dans Mr. Robot, et a le même objectif. Dans Fight Club comme Mr. Robot, tout est vu d'ailleurs par le prisme de la personnalité du héros principal, avec ses crises existentielles, avec les drogues et le sexe comme orientations essentielles dans la vie quotidienne, avec les crises paranoïaques, les coups de folie, etc.
Cependant, en réalité, le nombre de films ayant cette démarche est innombrable. Depuis THX 1138 jusqu'à V pour Vendetta, depuis le roman Le meilleur des mondes de H.G. Wells jusqu'à 1984 de Georges Orwell ou encore Soumission de Michel Houellebecq, la petite-bourgeoisie ne cesse de mettre en œuvre des scénarios où l'individu s'oppose à la société qui conspire à l'étouffer, lui et sa créativité.
Les progrès de l'anarchisme accompagnent ici ceux du fascisme. Ce dernier ne consiste pas, en effet, à la négation de l'individu par l’État, mais à l'exaltation de celui-ci par l'intermédiaire de l’État.
Le fascisme propose une société d'individualistes, où la nation propose des moyens à chacun de s'affirmer, de montrer ce qu'il vaut. Le fascisme se veut, sur ce plan, en opposition au « capitalisme financier » et son « oligarchie ».
Chacun sa chance, tout le monde égal sur le papier, afin que chacun puisse être dignement en concurrence, tout en se renforçant ensemble en soutenant la Nation : voilà le principe idéologique du fascisme, qui masque bien entendu la base capitaliste et les intérêts de la bourgeoisie.
Les zadistes ne disent pas autre chose, avec leur projet communautaire composé d'individualistes. L'ensemble des « post-modernes » ne dit pas autre chose, avec leur volonté de « déconstruire » ce qui s'oppose à la liberté absolue de l'individu.
L'individualisme roi est au cœur même du mode de production capitaliste et les pseudos rébellions montrent leur vrai visage quand on reconnaît les hantises du petit-bourgeois qui, par définition, s'oppose au collectivisme, à la planification, à l'écologie comme reconnaissance de la Biosphère, au réalisme dans les arts et les lettres.
C'est-à-dire à notre projet communiste, qui n'est d'ailleurs pas tant un projet que le mouvement inarrêtable et dialectique de la matière éternelle vers davantage de complexité, d'unification.