Sur la polémique de « Madame la Présidente »
Submitted by Anonyme (non vérifié)C'est un document de l'académie française qui vient à point. Intitulé « La féminisation des noms de métiers, fonctions, grades ou titres - Mise au point de l'Académie française », il suit une polémique au parlement, un député de l'UMP ayant eu une amende pour avoir utilisé l'expression « Madame le président ».
Insistant sur l'utilisation de cette expression, la présidente de la séance parlementaire, Sandrine Mazetier, lui a rétorqué un « Vous politisez la question » et infligé une sanction financière (un quart de son indemnité parlementaire pendant un mois, soit 1378 euros). Le député en question, Julien Aubert du Vaucluse, avait déjà fait le coup en janvier 2014.
Cette polémique est, dans le cadre de la situation actuelle, d'une grande importance. Nous, communistes, ne sommes pas des nihilistes nationaux comme le sont les anarchistes, les trotskystes, l'ultra-gauche en général.
Nous considérons que la nation est un phénomène historique nécessaire, qui joue un rôle de civilisation éminemment progressiste pour toute une période. Nous ne sommes donc pas pour « supprimer » la France, mais pour lui faire connaître un palier supérieur, avec un processus toujours plus complexe où toutes les nations fusionnent.
Cette polémique sur la langue française est donc extrêmement importante, et il faut voir ce qui relève d'un insupportable post-modernisme décadent, et ce qui relève d'un conservatisme traditionnellement réactionnaire. Bref, il s'agit de sauver la culture, et d'assumer les éléments progressistes, populaires, de la culture de notre pays.
L'académie française a, dans sa réponse, souligné déjà un point important : la langue française est un produit historique, on ne joue pas avec elle de manière arbitraire. Bien entendu, il y a des gens pour faire cela, mais c'est totalement fictif, c'est l'invention d'une langue « par en haut », avec tout ce qu'il y a de non populaire dans ce principe. C'est le cas du « breton » par exemple.
L'académie française précise donc, de manière cohérente selon elle :
« Conformément à sa mission, défendant l’esprit de la langue et les règles qui président à l’enrichissement du vocabulaire, elle rejette un esprit de système qui tend à imposer, parfois contre le vœu des intéressées, des formes telles que professeure, recteure, sapeuse-pompière, auteure, ingénieure, procureure, etc., pour ne rien dire de chercheure, qui sont contraires aux règles ordinaires de dérivation et constituent de véritables barbarismes.
Le français ne dispose pas d’un suffixe unique permettant de féminiser automatiquement les substantifs. S’agissant des métiers, très peu de noms s’avèrent en réalité, du point de vue morphologique, rebelles à la féminisation quand elle paraît utile (…). Comme bien d’autres langues, le français peut par ailleurs, quand le sexe de la personne n’est pas plus à prendre en considération que ses autres particularités individuelles, faire appel au masculin à valeur générique, ou « non marquée » (…).
Nul ne peut régenter la langue, ni prescrire des règles qui violeraient la grammaire ou la syntaxe : elle n’est pas en effet un outil qui se modèle au gré des désirs et des projets politiques. Les compétences du pouvoir politique sont limitées par le statut juridique de la langue, expression de la souveraineté nationale et de la liberté individuelle, et par l’autorité de l’usage qui restreint la portée de toute terminologie officielle et obligatoire. Et de l’usage, seule l’Académie française a été instituée « la gardienne » (…).
Elle « estime que les textes règlementaires doivent respecter strictement la règle de neutralité des fonctions. L’usage générique du masculin est une règle simple à laquelle il ne doit pas être dérogé » dans les décrets, les instructions, les arrêtés et les avis de concours. Les fonctions n’appartiennent pas en effet à l’intéressé : elles définissent une charge dont il s’acquitte, un rôle qu’il assume, une mission qu’il accomplit. Ainsi ce n’est pas en effet Madame X qui signe une circulaire, mais le ministre, qui se trouve être pour un temps une personne de sexe féminin ; mais la circulaire restera en vigueur alors que Madame X ne sera plus titulaire de ce portefeuille ministériel.
La dénomination de la fonction s’entend donc comme un neutre et, logiquement, ne se conforme pas au sexe de l’individu qui l’incarne à un moment donné. Il en va de même pour les grades de la fonction publique, distincts de leur détenteur et définis dans un statut, et ceux qui sont des désignations honorifiques exprimant une distinction de rang ou une dignité (…).
Cependant, la Commission générale de terminologie et de néologie considère – et l’Académie française a fait siennes ces conclusions – que cette indifférence juridique et politique au sexe des individus « peut s’incliner, toutefois, devant le désir légitime des individus de mettre en accord, pour les communications qui leur sont personnellement destinées, leur appellation avec leur identité propre. » »
Ce que dit l'académie française, c'est que le masculin qui l'emporte sur le féminin reflète en fait un masculin qui n'en est pas un, qui est un « masculin » neutre, et qu'on utilise le féminin que lorsqu'il faut préciser.
Par conséquent, dans les textes officiels, on doit conserver le masculin, qui sert de « neutre ». Dans les communications personnelles, une personne a par contre le droit de « revendiquer » le féminin le cas échéant ; quant aux métiers, il est possible de les féminiser mais avec prudence.
Cela signifie que, dans l'exemple de la polémique au parlement, le député UMP a eu tort, eu égard à la personne présidant la séance, qui était en droit d'exiger la féminisation, mais qu'en même temps le député UMP, s'il s'adressait à la présidente en tant que président de séance en général, était en droit de ne pas féminiser.
On l'aura compris, c'est totalement contradictoire, et chaque personne y comprendra ce qu'elle voudra. C'est un point très important, car cela reflète la décadence de la bourgeoisie. Si l'académie française jouait un rôle progressiste à sa fondation, aidant à unifier les masses, aujourd'hui c'est un organe décadent, incapable d'autre chose que d'incohérence.
C'est normal pour une « superstructure », dont on doit ici rappeler la définition :
« La base est le régime économique de la société à une étape donnée de son développement. La superstructure, ce sont les vues politiques, juridiques, religieuses, artistiques, philosophiques de la société et les institutions politiques, juridiques et autres qui leur correspondent. »
C'est ce que rappelle Staline dans Le marxisme et les problèmes de linguistique. Que nous y dit-il au sujet de la langue ?
Il précise que, en prenant l'exemple de la révolution d'octobre 1917, des mots nouveaux et des expressions nouvelles sont apparus, mais le fond essentiel du vocabulaire et le système grammatical sont restés les mêmes. Une langue n'est, en effet, nullement une superstructure ; Staline nous explique ainsi :
« La langue à cet égard diffère radicalement de la superstructure. La langue est engendrée non pas par telle ou telle base, vieille ou nouvelle, au sein d'une société donnée, mais par toute la marche de l'histoire de la société et de l'histoire des bases au cours des siècles.
Elle est l'oeuvre non pas d'une classe quelconque, mais de toute la société, de toutes les classes de la société, des efforts des générations et des générations. Elle est créée pour les besoins non pas d'une classe quelconque, mais de toute la société, de toutes les classes de la société.
C'est pour cette raison précisément qu'elle est créée en tant que langue du peuple tout entier, unique pour toute la société et commune à tous les membres de la société (…).
La superstructure est le produit d'une époque au cours de laquelle exista et fonctionne une base économique donnée.
C'est pourquoi la vie de la superstructure n'est pas d'une longue durée: celle-ci est liquidée et disparaît avec la liquidation et la disparition de la base donnée.
La langue, au contraire, est le produit de toute une série d'époques au cours desquelles elle se cristallise, s'enrichit, se développe et s'affine.
C'est pourquoi la vie d'une langue est infiniment plus longue que celle d'une base quelconque, que celle d'une superstructure quelconque. »
Et au sujet de la France, Staline nous explique également :
« Le marxisme ne reconnaît pas les brusques explosions dans le développement de la langue, la brusque disparition de la langue existante et la brusque constitution d'une langue nouvelle. Lafargue avait tort lorsqu'il parlait de "la brusque révolution linguistique qui s'accomplit de 1789 à 1794" en France (voir la brochure de Lafargue: La Langue française avant et après la Révolution).
A cette époque, il n'y a eu en France aucune révolution linguistique, et encore moins une brusque révolution. Bien entendu, durant cette période, le vocabulaire de la langue française s'est enrichi de mots nouveaux et d'expressions nouvelles; des mots surannés ont disparu, le sens de certains mots a changé, mais c'est tout.
Or, de tels changements ne décident aucunement des destinées d'une langue.Le principal dans une langue, c'est le système grammatical et le fonds essentiel du vocabulaire. Mais, loin de disparaître au cours de la révolution bourgeoise française, le système grammatical et le fonds essentiel du vocabulaire de la langue française se sont conservés sans subir de changements notables; et pas seulement conservés, ils continuent d'exister dans la langue française actuelle. Sans compter que, pour liquider une langue existante et constituer une nouvelle langue nationale ("brusque révolution linguistique"!), un délai de cinq à six ans est ridiculement bref, - il faut pour cela des siècles. »
Qu'est-ce que cela signifie ? Cela montre que la polémique actuelle reflète l'agression du capitalisme contre la langue française elle-même. Comme on le sait, le niveau de maîtrise de la langue française s'effondre depuis quelques décennies. Les conquêtes matérielles, au rôle progressiste d'unification des masses, de leur élévation culturelle, ne jouent plus.
La France capitaliste est en décadence complète et les règles de la vie commune sont dévalorisées, donc la langue également.
Parler « à sa manière » est un principe individualiste récurrent, typique des mentalités propres au capitalisme pourrissant. Même l'académie française cède ainsi devant les exigences « individuelles » des gens, au point de dire qu'une règle générale n'est plus vraie… en particulier.
De plus, l'académie française se trompe de manière évidente. Elle a raison de dire qu'on ne peut pas généraliser le « e » finale pour féminiser. Mais elle reconnaît que le terme de « présidente » existe, par conséquent : ici, cela fonctionne.
La question est alors : pourquoi prétendre que le masculin serait un « neutre », alors qu'on sait bien que le capitalisme, s'il a aboli le patriarcat qui dominait précédemment, s'appuie dessus dans son élan ? Si le masculin l'a emporté, ce n'est pas parce que ce serait un « neutre » mais parce que ce sont les hommes qui ont occupé les postes dominants.
L'académie française confond ici la fonction avec l'administration. En fait, les courriers ne devraient pas s'adresser à un juge, un procureur, une directrice, une éditrice, mais au tribunal, au ministère, etc. Le poste est effectivement temporaire, alors pourquoi ne pas s'adresser à l'organisme ?