23 sep 2013

Histoire du PCMLF

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France (PCMLF) n'est pas née d'une rupture idéologique majeure au sein du Parti Communiste français avec le révisionnisme ayant triomphé en URSS en 1956, mais d'individus ayant été sensibles à la démarche de critique chinoise du révisionnisme.

Le rôle des « amitiés franco-chinoises »

Pour cette raison, c'est au sein de « l'Association des Amitiés franco-chinoises », fondée comme organe proche par le Parti Communiste français en 1954 suite au triomphe de la révolution chinoise en 1949, qu'on va retrouver les éléments fondateurs du PCMLF.

On a ainsi le journaliste communiste Régis Bergeron, qui écrivit dans L'Humanité et Les Lettres françaises, et qui fut enseignant de littérature française à l'Université de Pékin et conseiller pour les publications en français des éditions de Pékin, de juillet 1959 à 1961.

On a ensuite Paul et Marcel Coste, Christian Maillet et Jacques Jurquet, membres du Comité de Marseille de l'Association des Amitiés franco-chinoises.

La publication de leur Bulletin du Cercle d'étude et de documentation, qui aura sept numéros, leur vaudra en avril 1964 l'exclusion par le Parti Communiste français, par ailleurs décidé à supprimer tout lien avec la Chine populaire.

La critique du Parti Communiste français qui est faite ici est tardive ; en fait, ce sont les forces n'ayant pas accepté la « déstalinisation » qui parviennent à s'unir, alors qu'auparavant elles étaient éparpillées.

Elles ne représentent d'ailleurs strictement rien culturellement dans le Parti Communiste français, qui avec Thorez avait déjà une ligne ambiguë, pré-révisionniste, mais en apparence « dure. »

La véritable dynamique, en arrière-plan, est la question algérienne. Ainsi, Jacques Jurquet, qui va se profiler comme le dirigeant du mouvement, a directement soutenu le FLN.

Début d'unification des marxistes-léninistes issus du PCF

La critique chinoise permet la cristallisation de ce qui était ressenti ; l'initiative partie de Marseille permet quant à elle la cristallisation organique.

Après l'exclusion est en effet fondée, en septembre 1964, la Fédération des cercles marxistes-léninistes de France, à partir des sympathisants de l'équipe marseillaise, avec des groupes à Marseille, Aix-en-Provence, Bordeaux, Grenoble, Perpignan et Saint-Savournin.

Si on est ici que dans le Sud de la France, à la fin de l'année 1964 un groupe parisien, la cellule Drapeau Rouge, issue de l'Union des Étudiants Communistes, s'ajoutera à la liste.

Les responsables de cette nouvelle Fédération voyagent alors en Chine populaire en août 1964 et le même mois est lancé le bulletin Pour la défense du marxisme-léninisme, qui cède la place au mensuel L'Humanité nouvelle en février 1965, qui devient lui-même hebdomadaire à partir d'octobre 1966.

C'est dans cet organe, en décembre 1965, qu'est publié l'appel Pour la fidélité à l'idéal communiste, reflétant le fait que la critique du révisionnisme consiste non pas tant en une critique idéologique, qu'en le rejet de la direction du Parti Communiste français pour son soutien à François Mitterrand et pour son absence de combativité face à l'impérialisme américain et au gaullisme.

C'est, en fin de compte, le refus de la remise en cause du « vieux » PCF et la simple considération que le nouveau PCF a simplement abandonné sa propre identité. Ainsi, lors du 23 mars 1966, les marxistes-léninistes de la Fédération tentent de prolonger une manifestation pour le Nord-Vietnam, affrontant alors le service d'ordre du PCF.

Nouvelle organisation

Dans le prolongement de la cristallisation de la critique, est fondée une nouvelle organisation, faisant faire un saut à la Fédération, grâce à l'appui idéologique de la Chine populaire et de l'Albanie, qui la reconnaissent et la soutiennent financièrement.

Elle laisse la place, lors de son second congrès à Paris, rue de Lancry, les 25-26 juin 1966, au Mouvement communiste français marxiste-léniniste.

Quelques mois plus tôt, il avait été appelé en septembre à refuser tant de Gaulle que Mitterrand aux élections présidentielles, et à mettre un bulletin avec l'inscription « Je vote communiste. »

En fait, de par la prise de position face à la direction du PCF, les marxistes-léninistes qui en sont issus acceptent alors la critique chinoise du révisionnisme et considèrent que le PCF a adopté la ligne du révisionnisme moderne qui a triomphé avec Khrouchtchev en URSS.

Cependant, cela ne va pas plus loin ; les marxistes-léninistes sont « pro-chinois », comme d'ailleurs en fin de compte pro-albanais, car ces pays sont dirigés par des organisations ayant réfuté la direction du PCF.

En août 1966, une délégation va ainsi de nouveau en Chine populaire, et en novembre il y a un représentant officiel au Ve Congrès du Parti du Travail en Albanie.

C'est cependant simplement une reconnaissance de principe dans le refus de la ligne du PCF, pas une affirmation idéologique au sens strict. Il n'y a pas d'affirmation du matérialisme dialectique ou de critique développée de Thorez, du social-chauvinisme, etc.

Il n'y a pas de contenu méthodique dans la critique du PCF, pas plus qu'il n'y a un quelconque suivi des positions chinoises ou albanaises au sens strict. Il s'agit de soutenir les régimes chinois et albanais parallèlement à la revendication du « retour » du PCF à avant le tournant ouvertement institutionnel du milieu des années 1950.

Premières affirmations

Le prestige de la Chine populaire et la propagande menée font que le mouvement commence à grandir. En octobre des activistes de l'Union des Étudiants Communistes appellent à rejoindre le Mouvement communiste français marxiste-léniniste, en novembre c'est le bulletin L'Opposition artistique qui saut le pas, alors qu'il y également l'arrivée d'un très haut responsable du PCF, Gilbert Mury.

Ancien résistant, secrétaire général du Centre d'étude et de recherche marxiste (CERM), professeur de l'école centrale du PCF, membre des comités de rédaction de Economie et politique et des Cahiers du communisme, Gilbert Mury a participé au meeting d'octobre 1966 pour fêter le 17e anniversaire de la révolution chinoise, alors qu'en arrière-plan se développe la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

Il est alors exclu et devient la principale figure intellectuelle des marxistes-léninistes, en étant cependant un électron libre. Le 5 janvier 1967 il accorda ainsi une interview au Figaro littéraire sur les Gardes rouges et la Révolution culturelle, qui sera condamnée, car effectuée sans l'accord du Bureau politique de sa propre organisation.

Par la suite, Gilbert Mury soutiendra la cause palestinienne, puis une scission du PCMLF, tout en entamant des discussions avec des catholiques ; il va surtout devenir un des principaux porte-paroles de l'Albanie, dont il salue le processus de « révolutionnarisation » qu'il assimile à la révolution culturelle chinoise.

Mury, au défi de toute cohérence, maintiendra par la suite le soutien tant à l'Albanie qu'à la Chine populaire. Cependant, ce qui compte ici est Gilbert Mury comme figure dirigeante du PCF et la reconnaissance à la fois chinoise et albanaise.

Aussi le comité central du Mouvement communiste français marxiste-léniniste annonce-t-il, en avril 1967, la convocation du congrès constitutif du nouveau Parti.

Secondes affirmations

Le PCF n'apprécie pas du tout, bien évidemment, le fait que l'on veuille prendre sa place, car c'est au sens strict la ligne des marxistes-léninistes du Mouvement, qui considère en fait surtout la direction du PCF comme usurpatrice.

Le PCF organisa alors l'attaque ultra-violente, par des centaines de ses membres « outillés », du congrès de solidarité avec le Vietnam, le 5 mai 1967 à la salle de la Mutualité à Paris, récoltant par la suite même une protestation officielle du FNL du Vietnam.

C'est le point culminant d'une politique d'agressions systématiques par des commandos du PCF, de toutes les activités ouvertes du PCMLF (diffusion de propagande, meetings, etc.).

Ce n'est pas tout : du côté étudiant s'est formée une organisation, qui quant à elle, fait explicitement référence à l'expérience chinoise, puis à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. Pour l'Union de la Jeunesse Communiste Marxiste-Léniniste (UJCML), les marxistes-léninistes issus du PCF ne font que vouloir aller dans le passé, ils n'assument pas les nouveaux enseignements de Mao Zedong.

C'est Gilbert Mury qui se charge de répondre à l'UJCML, dans un rapport le 26 juin 1967, intitulé « Arborer le drapeau rouge pour lutter contre le drapeau rouge – Qu'est-ce que l'Union des Jeunesses communistes ? », et à la mi-juillet, le Comité Central met un terme à tout rapport avec le Bureau Politique de l'UJCML.

Il faut alors faire vite, tant par rapport au PCF qu'à l'UJCML. En août 1967, ce sont alors 50 personnes qui partent en Chine populaire sous l'égide de l'Association des amitiés franco-chinoises (AAFC), puis une délégation officielle des plus hauts responsables du Mouvement avec Jacques Jurquet, Raymond Casas, Régis Bergeron et Alain Casta. Un peu plus tôt, Jacques Jurquet, Raymond Casas, Gilbert Mury et Claude Combe s'étaient rendus en Albanie.

La fondation du PCMLF

La position des marxistes-léninistes du mouvement est simple : il faut refonder le PCF et éjecter l'ancien. La bataille n'est pas comprise en termes idéologiques, comme une lutte de deux lignes ou contre la culture largement social-démocrate en fin de compte du PCF.

Tout apparaît seulement comme une question de légitimité, qui aurait été perdue par la direction du PCF, qu'il faut par conséquent éjecter. L'UJCML apparaît comme un simple trouble-fête étudiant, et il y ainsi une méconnaissance formidable de la force du PCF, de son appareil et de son organisation, et une attention portée seulement sur la direction.

Les 30 et 31 décembre 1967, à Puyricard dans les Bouches-du-Rhône qui sont le lieu fort du Mouvement, a alors lieu le Congrès constitutif du Parti Communiste Marxiste-Léniniste de France, avec 104 délégués du Mouvement communiste français marxiste-léniniste, pour plusieurs centaines de membres de représentés.

Le PCF envoie quelques hommes armés, et à peu de choses près l'affrontement armé tournait au drame. Cela ne fit que renforcer le prestige de la nouvelle organisation.

Arrive alors mai 1968, qui va bouleverser le jeune PCMLF.

Désorienté à travers mai 1968

Le PCMLF est un PCF bis : il a une vision légaliste de son travail et de son organisation, son activité consiste surtout à diffuser sa presse, à se faire connaître comme « Parti de la classe ouvrière ».

Lorsque mai 1968 arrive, il n'a pas de moteur idéologique à faire valoir et il passe relativement inaperçu, tout en développant sa propagande. Mais le choc arrive avec l'interdiction générale des organisations d'extrême-gauche le 12 juin 1968.

Pour le PCMLF qui entendait faire sa propagande pour ainsi dire tranquillement et « manger » le PCF, c'est une catastrophe. Rien n'a, de plus, été prévu pour cette situation. La police connaît les noms et adresses de la trentaine de membres du comité central. Le PCMLF est alors à un tournant.

Après l'interdiction, en effet, la plupart des organisations d'extrême-gauche sont restées légales devant la répression en fait seulement apparente : il leur a fallu simplement changer de nom. La simple petite modification – changement d'un mot dans l'énoncé – a été accepté par l'Etat, qui n'a procédé à aucune poursuite.

Reste à savoir si le PCMLF faisait de même, ou non.

Le PCMLF « illégal » et le putsch de Jurquet

Le problème du PCMLF est qu'il avait été fondé, non pas sur une base idéologique, mais comme pendant « authentique » du PCF.

Cela signifie qu'un changement de nom ramènerait le PCMLF au rang d'organisation gauchiste comme les autres, ce qui n'était pas concevable, puisque la perspective était non pas la construction ou l'affirmation idéologique, mais la « capture » du PCF.

La conséquence fut alors un bricolage élaboré par Jurquet. Déjà, Jurquet fit sauter toute légalité dans le PCMLF en brisant le comité central, niant sa réalité au profit d'une « direction centrale clandestine (DCC) fondamentalement illégale, car décidée par en haut sans accord du Parti, et ce au nom de la situation « exceptionnelle. »

Cette DCC était composée de trois personnes : un secrétaire national, un secrétaire à l'agitation et la propagande et un secrétaire à l'organisation ; c'était un putsch permettant à Jurquet d'asseoir sa position et de maintenir la fiction d'un PCMLF « maintenu » comme véritable PCF.

De fait, l'organisation en « triangle » - cellules de trois membres reliés par un seul membre à un autre triangle - du PCMLF illégal était une fiction, car le PCMLF ne menait strictement rien d'illégal.

C'était une simple fiction idéologique, afin de préserver le titre de PCMLF et sa fonction soi-disant historique de remplacer le PCF. Car, de toutes manières, le PCMLF réapparut de manière « légale », mais de manière prétendument masquée.

L'Humanité rouge

Le PCMLF mit du temps à pouvoir réaliser son plan, alors qu'après mai 1968, l'extrême-gauche était hyperactive. Déjà apparut dans le sud-est de la France le titre La Provence rouge, publiant 32 numéros de septembre 1968 à avril 1969.

D'autres journaux plus épisodiques apparurent parallèlement régionalement : Le Front uni dans le Rhône-Alpes, La Touraine rouge, Combat ouvrier (pour le Nord-Pas-de-Calais), Le Maine rouge, La Jeune garde (Versailles).

Puis, enfin, le 20 février 1969 fut publié le premier numéro de L'Humanité rouge, faisant du même coup disparaître les publications régionales.

Le journal ne faisait pas mention du PCMLF, mais il en défendait les positions ; théoriquement il était publié par des comités de défense du journal, cependant bien entendu en pratique il était porté par le PCMLF.

Le PCMLF était ainsi illégal, mais maintenait une position abstraitement illégale; l'Etat d'ailleurs ne fit que quelques poursuites, pour la forme.

En pratique, son organisation était clandestine, comme Cahier rouge, son organe théorique, ainsi que L'Humanité nouvelle, maintenue comme organe et qui publiera clandestinement 67 numéros jusqu'en 1977, mais le PCMLF ne menait aucune action illégale, sa clandestinité était « imposée » par en haut et n'avait aucun fonction politique ou pratique. De fait, par la façade légale portée par le PCMLF censé être illégal, il est plus juste de parler de démarche semi-légale. 

Activités de L'Humanité rouge

La diffusion de cette nouvelle presse allait de pair avec une propagande tout à fait classique à l'extrême-gauche, passant notamment par les meetings à la salle de la Mutualité, à Paris.

Il y eut ainsi en septembre 1969 un meeting en l'honneur du dirigeant vietnamien Ho Chi Minh (par ailleurs semi-révisionniste) venant de mourir, en novembre un meeting à l'occasion du 25e anniversaire de la révolution albanaise, ou encore, toujours en novembre et à Paris, 2 500 personnes manifestant de manière éclair en soutien à la victoire du FNL au Vietnam, 1500 personnes manifestant en soutien aux militants paysans réprimés dans l'ouest de la France.

Cependant, la contradiction était intenable, et amena l'implosion de la direction du PCMLF.

La lettre au président de la République

Dès le 14 mai 1969, c'est Jurquet lui-même, en tant que secrétaire général du PCMLF, en tant que dirigeant historique de l'organisation, qui envoya une lettre au président de la République, alors Alain Poher en raison de l'intérim à la suite de la démission de de Gaulle, pour demander la légalisation du PCMLF.

On peut y lire, dans une prose édifiante de légalisme et d'opportunisme :

« À ce sujet je suis en mesure de mettre le gouvernement au défi de révéler que mon Parti ou quelque militant issu de ses rangs ont pu justifier l'intervention de la justice tant en ce qui concerne la sécurité intérieure que la sécurité extérieure de la France.

L'organe central du PCMLF n'a subi aucune saisie. Les nombreuses interpellations et perquisitions opérées à l'encontre des locaux et des militants du PCMLF le lendemain de son interdiction n'ont pas permis une seule inculpation de nature à être maintenue par décision du pouvoir judiciaire. »

Cette demande est très parlant de l'esprit du PCMLF, tout à fait dans le prolongement de l'idéologie légaliste et institutionnelle du PCF, et elle est d'autant plus parlant que de nombreuses autres organisations d'extrême-gauche, au même moment, menaient des actions de manière ininterrompue.

Fractions critiques à l'intérieur et à l'extérieur

A l'intérieur du PCMLF, l'opposition à la DCC grandisait aussi. Le Travailleur apparut comme fraction opposée à la position illégale, amenant en février 1970 un contre-putsch anti-Jurquet au nom du « Bureau Politique (majoritaire). »

La fraction Le Travailleur, se considérant comme le PCMLF authentique, comprenait des militants historiques : l'ancien résistant et membre du PCF Raymond Casas (qui fut notamment agressé par des membres du PCF, à coups de tranchet), mais également Gilbert Mury.

L'Etat français en profita pour mener des perquisitions dans une trentaine de villes ; la désorganisation était très grande.

A l'extérieur du PCMLF, il y avait également une autre fraction, faisant une critique idéologique régulière. Il s'agit de membres du MCF (ml) ayant refusé la fondation du PCMLF, qui s'unirent également avec des activistes de l'UJCML dans « Ligne rouge », critiquant le PCMLF comme base de leur identité. « Ligne rouge » devint « Prolétaire - Ligne Rouge » et disparut en 1975.

« Ligne Rouge » reprochait au PCMLF sa ligne de « Front uni antimonopoliste » et de « démocratie populaire fondée sur la dictature du prolétariat », considérée comme révisionniste.

Jurquet se vit obliger de réagir.

Nouveau putsch au sein du PCMLF

Afin de contrer le putsch mené par le « Bureau Politique (majoritaire) » contre son propre putsch au nom de la « DCC », Jurquet élargit celle-ci et organisa en son sein, en juin 1970, un Comité exécutif central.

Cette sorte de nouvelle direction était un nouveau putsch en soi ; Jurquet composa ce comité de jeunes issus de l'UJCML qui avaient rejoint le PCMLF après mai 1968 et l'effondrement de leur organisation.

Jurquet entendait s'appuyer sur les « jeunes » contre les « historiques. » L'affaire se retourna contre lui, car les jeunes assumèrent la démarche jusqu'au bout, et entendirent se débarrasser des « historiques » et de la ligne opportuniste menée jusque-là, celle du « Front uni anti-monopoliste » et de la « démocratie populaire. »

Les « jeunes » organisèrent des commissions jeunesse et nationale ouvrière, ainsi qu'un service d'ordre véritable ; en novembre 1970 ils organisèrent à Paris une « conférence nationale de rectification », se présentant comme la véritable direction du PCMLF.

Ils publièrent un « organe central du PCMLF » clandestin appelé de nouveau « L'Humanité nouvelle » afin de souligner la continuité, et surtout en 1971 un nouveau périodique devenant rapidement un hebdomadaire, Front Rouge, appelant la base à abandonner L'Humanité rouge et à ne pas lui payer les dettes.

La fuite en avant

Avec Front Rouge, le PCMLF a perdu des pans entiers de son organisation, notamment en région parisienne, à Grenoble, à Limoges, dans le Nord, en Bretagne, en Normandie, en Mayenne, etc. A cela s'ajoute la scission plus tôt du « Travailleur », se revendiquant également comme PCMLF.

Qui plus est, en mai 1971, mourra dans un accident de voiture François Marty, le numéro 2 du PCMLF, ancien responsable d'un bataillon de Francs-Tireurs Partisans lors de la Résistance.

Le PCMLF de Jurquet n'a alors plus qu'une centaine de membres, et tenta alors de maintenir son cap, profitant de la reconnaissance chinoise, envoyant en Chine populaire une délégation officielle, en 1970, pour les 50 ans du Parti Communiste.

Il commença une offensive idéologique contre le « gauchisme moderne », c'est-à-dire les activités révolutionnaires issues de mai 1968, et notamment la Gauche Prolétarienne, ; à partir d'avril 1973 publie le trimestriel Prolétariat, « Revue théorique et politique marxiste, léniniste et de la pensée-Maotsétoung ».

Mais surtout, pour justifier sa propre situation totalement bloquée, il lance le thème de la « fascisation. »

L'Humanité rouge appela ainsi, dès le numéro 1, à la constitution d'un « Front uni contre les monopoles de l'impérialisme, qui pourra se reconvertir, si les événements l'imposent, en Front antifasciste. »

Tentant alors de s'imposer sur la scène de l'extrême-gauche, le PCMLF pratique alors la fuite en avant, en organisant avec les trotskystes de la Ligue Communiste l'attaque du meeting parisien des fascistes d'Ordre nouveau, le 21 juin 1973.

La Ligue Communiste est dissoute par l'Etat, et s'approprie tout le prestige de l'opération, jusqu'à aujourd'hui ; même le PCF envoie un représentant dans un meeting pour protester contre la dissolution, qui ne dure pas puisqu'est fondée dans la foulée la Ligue Communiste Révolutionnaire.

Le PCMLF a essayé de faire de la politique, et a échoué.

La seconde fuite en avant et le basculement patriotique

Le PCMLF se retrouve dans une situation instable, il n'a plus de ligne réelle. En 1973, il soutient ainsi la naissance du Parti des travailleurs de Guadeloupe (PTG), mais perd son comité de Nancy, qui va publier (clandestinement) Sentinelle rouge et légalement, en 1974, Etoile rouge.

Le PCMLF tente alors une seconde fuite en avant. Il avait fondé en janvier 1973 le Mouvement national de soutien aux peuples d'Indochine (MNSPI), puis en avril le Centre d'information sur les luttes anti-impérialistes (CILA).

Mais il est totalement lié aux positions de Deng Xiaoping en Chine, et il soutient son interprétation de la théorie des trois mondes. Le PCMLF se met alors à soutenir l'armée française et la politique étrangère de la France, tout comme les pays du troisième monde, considérés comme des Etats nationaux (et non comme semi-coloniaux semi-féodaux, notion maoïste élémentaire mais n'apparaissant jamais en France).

Le PCMLF explique ainsi que « Les accords entre l'Iran et la France en témoignent : l'Iran s'oppose aux deux supergrands », ou encore que « l'anti-militarisme est au service du révisionnisme ».

La ligne se prolonge jusqu'à publier à partir d'avril 1975 « Combat pour l'indépendance », alors que le MNSPI se transforme en « Mouvement pour l'indépendance et la liberté ».

Le point culminant est l'organisation d'un meeting à Paris avec des gaullistes, des royalistes et le fasciste Patrice Gélinet (qui en fut l'organisateur), sur le thème « France – tiers-monde : solidarité ». Le PCMLF organise même le service d'ordre à l'extérieur ; plus tard, un meeting devait même être organisé avec des membres de la majorité présidentielle.

Jurquet avait, bien entendu, fait avaliser cette ligne lors d'un second congrès fantôme du PCMLF, en mars 1975 ; il fallait alors soi-disant soutenir la France et l'Union européenne contre les superpuissances.

Un succès apparent seulement

Le PCMLF, au moyen de sa ligne patriotique et du soutien chinois – de la fraction dengiste – a réussi à devenir un petit pôle de référence. Il y a ainsi 10 000 personnes lors du meeting du 25e anniversaire de la révolution chinoise.

Durant l'année 1973, les sections du PCMLF – Le Travailleur réintègrent une à une le PCMLF.

En février 1974, l'ex-tendance « Gauche révolutionnaire » du Parti Socialiste Unifié tient son premier congrès et la majorité décide de rejoindre le PCMLF ; un partie de la minorité fera de même par la suite.

En avril 1975, Prolétaire – Ligne Rouge se dissout et la minorité rejoint le PCMLF ; des groupes locaux rejoignent également le PCMLF : à Bayonne, à Lille, à Lyon avec le Regroupement communiste révolutionnaire marxiste-léniniste, de Servir le Peuple de la vallée de la Fensch, des Jeunesses progressistes de Bretagne.

En mai sort La Jeune Garde Rouge, organe des Jeunesses communistes marxistes-léninistes de France (JCMLF) qui ont leur premier congrès en juin 1975 ; en avril de l'année précédente avait commencé la publication du mensuel puis bimensuel La Faucille, « journal paysan des communistes marxistes-léninistes de France ».

Le PCMLF multiplie sa presse : Riposte, de la section du pays basque, La Torche, du site pétrochimique de Lavéra, Le Rail Rouge, bulletin de liaison des cheminots de Marseille-Avignon, Vivre et Lutter à Vitrolles, bulletin local de la région marseillaise, Classe contre classe, bulletin du comité d'Aveyron, Le Dossier, Sécurité sociale, cellule Eugène Pottier de Limoges, PCML-Limoges, L'Etincelle, bulletin CEN-Saclay, L'onde nouvelle, cellule André Marty de Thomson-Bagneux, Communisme EDF, service centraux Messine-Murat; La Dépêche rouge, PTT Paris, Répondre, Comité de Paris, Camarade, Bulletin de Nancy, Servir le peuple, vallée de la Fensch (Est), ainsi que Unité et Solidarité, Chronique viticole, Les élus et le peuple, Le travailleur gardois, différents bulletins du Languedoc-Roussillon, La lettre du PCML du Nord, PCML-Allones, etc.

Enfin, le 1er mai 1975, L'Humanité rouge devient un quotidien. Un mois plus tard, lors d'une manifestation de soutien aux employés du Parisien libéré en grève, le PCMLF force l'entrée du cortège et engage l'affrontement violent avec la CGT.

En apparence, le PCMLF est structuré et sa ligne est solide ; en réalité, elle ne représente qu'un appendice de la ligne de Deng Xiao Ping.

La fracture

Déjà, la ligne social-patriotique de soutien à la France, car elle appartiendrait au « second monde » qui devrait s'allier au « troisième monde » contre les superpuissances, ne passe plus.

Mais il y a pire. Au lieu que cela soit une critique maoïste de la position de Deng Xiao Ping sur la théorie des trois mondes qui se développe, c'est la critique albanaise qui se développe, assimilant Mao et Deng, ce que fait d'ailleurs le PCMLF, mais en trouvant cela bien.

En août 1975, le comité du PCMLF à Strasbourg commence la rébellion, sur une ligne albanaise ; en juin 1976, il appelle ouvertement au renversement de la direction, puis forme en septembre de la même année l'Organisation pour la reconstruction du parti communiste de France (ORPCF).

Il formera en mars 1979 le Parti communiste des ouvriers de France (PCOF), directement lié et financé par l'Albanie d'Enver Hoxha.

En juillet 1977, le PCMLF est alors obligé de reculer et d'abandonner le social-patriotisme « internationaliste ». Et en août 1978, il redevient même légal, sous le nom de PCML, en abandonnant le « F », c'est-à-dire en faisant ce que toute l'extrême-gauche interdite avait fait au lendemain de l'interdiction de juin 1968 : simplement changer de nom.

Que faire ?

Devenu légal, le PCML n'a plus d'orientation. En fait, il n'en a jamais eu. Issu de militants en désaccord avec le tournant révisionniste ouvert de la direction du PCF, le PCMLF s'est tourné vers la Chine populaire qui prônait la ligne rouge.

Mais le PCMLF n'avait que faire de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et de ses apports ; au sens strict, le PCMLF a toujours été dengiste.

Preuve de cela, la position de Jacques Jurquet qu'on retrouve dans un document intitulé Printemps révolutionnaire de 1968, réédité par la suite avec d'autres textes en 1976, sous le titre de Arracher la classe ouvrière au révisionnisme.

De manière parlante, les passages faisant référence de manière positive à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) ou à la pensée de Mao Zedong ont été censurés.

Voici une liste d'exemples, avec a) représentant la version de 1968, et b) celle de 1976.

a) « La Chine bénéficie d'un régime socialiste protégé par la dictature du prolétariat et par la pensée invincible de son guide et libérateur, le président Mao Tsé-toung »

b) « La Chine bénéficie d'un régime socialiste protégé par la dictature du prolétariat »

a) « Pour ceux qui connaissent, soit par la lecture d'articles et de reportages, soit par l'expérience vécue lors de voyages en Chine, le déroulement et les péripéties de la grande révolution culturelle prolétarienne, apparaît sans hésitation un lien entre la grande tempête révolutionnaire estudiantine en France et l'exemple chinois »

b) « Pour ceux qui connaissent, soit par la lecture d'articles et de reportages, soit par l'expérience vécue lors de voyages en Chine, le déroulement et les péripéties de la grande révolution culturelle prolétarienne, apparaît une similitude certaine entre la grande tempête révolutionnaire estudiantine en France et l'exemple chinois » ;

a) « Un fait est assuré cependant: la volonté révolutionnaire des masses étudiantes françaises trouve sa source dans l'exemple chinois »

b) « Un fait est assuré cependant: la volonté révolutionnaire des masses étudiantes françaises s'est apparenté à l'exemple chinois » ;

a) « Cet homme, c'est le militant communiste de l'époque de la pensée de Mao Tsé-toung !  »

b) « Cet homme, c'est le militant communiste !  »

a) « Ainsi notre peuple, notre pays sont-ils entrés dans « l'ère de la pensée triomphante de Mao Tsé-toung. » Un homme nouveau est en train de naître, un homme véritablement communiste, parce que l'influence de la grande révolution culturelle prolétarienne chinoise a débordé les frontières géographiques de la Chine et se répand de façon bénéfique dans le monde entier.

La révolutionnarisation de l'homme substituera l'altruisme, le dévouement au bien public, à l'égoïsme, le sens de l'intérêt collectif à l'individualisme, elle préparera cette société supérieure qui n'a rien à voir avec les stimulants matériels, mais tout ce qu'il y a de meilleur dans chaque individu, le Communisme.

Mais pour aider concrètement à la marche en avant du peuple français vers ces sommets révolutionnaires, où flottent les drapeaux rouges de la révolution politique, de la révolution économique et de la révolution culturelle, il est indispensable qu'il dispose d'un Parti communiste authentique, qui fonde son action révolutionnaire et prolétarienne sur les principes du marxisme-léninisme et la pensée de Mao Tsé-toung. »

b) [Passage entièrement enlevé par Jurquet.]

Vers la disparition

Il ne reste plus au PCML qu'à fusionner avec le PCR (ml), issu de Front Rouge.

En juillet 1979, tout un protocole est établi pour l'unification des deux organisations, qui ont auparavant fait une liste commune aux législatives de 1978, sous le sigle incompréhensible de « Union ouvrière et paysanne pour la démocratie prolétarienne » (UOPDP).

Présente dans 115 circonscriptions, la liste obtient 28 000 voix, soit entre 0,8 et 2 % localement.

Prolétariat et Front Rouge doivent fusionner, et Le quotidien du peuple devenir le quotidien commun, alors que L'Humanité rouge, soutenue par la Chine, n'avait de toute façon plus qu'un tirage à 1500 exemplaires.

Mais c'est l'échec, le nouveau quotidien ne tient que pour 69 numéros, et le PCML ne sait plus quoi faire ; il n'a aucune dynamique, à part la dimension simplement pro-chinoise... A ceci près que les dengistes désormais au pouvoir en Chine n'ont plus besoin du PCML, ni de qui que ce soit ayant eu à faire avec l'époque de Mao Zedong.

En avril 1980, L'Humanité rouge réapparaît alors comme hebdomadaire ; il est arrêté en juin 1982 et remplacé à partir d'août et septembre par le mensuel Travailleurs et par une feuille d'intervention, PCML-Flash.

Du PCML au PAC

En 1981, le PCML tente de présenter un candidat à la présidentielle, sans réussite ; il appelle alors à voter Mitterrand au second tour. Le PCML se voit même proposer de devenir une tendance du Parti Socialiste et il participe officiellement au congrès socialiste de Valence.

Le PCML tente de se maintenir, coûte que coûte, en se « réformant » : au quatrième congrès, qui se tient la même année, Jacques Jurquet cède la place à un secrétariat collectif. Mais il n'a aucune dynamique, et en 1982 une partie rejoint le PCF, alors que Jurquet est débarqué au 5e congrès en 1983, le PCMLF devenant le « Parti pour une alternative communiste » en 1985.

De manière très intéressante, voici comment Jurquet résume le PCMLF et tente de le défendre face à la ligne amenant la naissance du PAC :

« Le Parti communiste marxiste-léniniste de France est né des contradictions internes au sein du Parti communiste français sur deux points essentiels :

-- les luttes anticolonialistes, notamment pendant la guerre d'ALGERIE;
-- l'unité sans principe dans la pratique de l'unité avec le Parti socialiste.

Le PCMLF est né également des contradictions intervenues au niveau international entre le Parti communiste d'Union soviétique suivi par le Parti communiste français, et d'autres Partis communistes comme le Parti communiste chinois et le Parti du Travail d'Albanie.

Depuis maintenant des années, ces contradictions n'ont plus le caractère principal qu'elles avaient à cette époque, et ce ne sont plus 100 militants communistes issus du Parti communiste français qui constituent la base activiste et idéologique du Parti communiste marxiste-léniniste. Ce Parti s'est transformé dans son contenu global comme dans son recrutement. Ses références idéologiques et politiques se sont modifiées au fil des années. »

C'est tout à fait juste : le PCMLF n'est pas né d'une rupture idéologique, mais simplement du refus du tournant opportuniste ouvert du PCF, exprimé par la course derrière Mitterrand, et de la question anti-coloniale, où le PCF était considéré comme timoré.

C'est à partir de là qu'il s'est tourné vers Mao Zedong, et que finalement il a seulement trouvé Deng Xiaoping.

Cela n'ayant aucun sens, le PCMLF a été un appendice dengiste en France, avant de redevenir réformiste ; en 1988, le PAC a ainsi soutenu la liste du candidat « communiste » dissident Juquin, pour disparaître à la fin de a même année.

Les grandes questions: