Une étape (1965)
Submitted by Anonyme (non vérifié)[Publié dans L'Humanité nouvelle, alors organe mensuel de le Fédération des Cercles Marxistes-Léninistes, novembre 1965.]
Certes, nous sommes prévenus contre l'électoralisme et contre le crétinisme parlementaire, ces deux tares qui ont fait tant de mal au mouvement ouvrier français. Nous nous en garderons comme de la peste. Nous veillerons à ne pas y céder.
Nous n'en sommes pas prêts pour autant à tomber dans le travers contre lequel Lénine nous met en garde dans " La maladie infantile du communisme " : minimiser l'importance, dans certaines conditions, des possibilités de lutte offertes à la classe ouvrière dans le cadre de la législation bourgeoise, refuser d'exploiter les perspectives, aussi limitées soient-elles, qui lui sont ouvertes, par celle-ci, première conquête sur l'absolutisme, mépriser la combinaison, pour un temps, plus ou moins long, encore nécessaire, du combat dans l'arène parlementaire et sur le champ de bataille extraparlementaire, alors que cette combinaison peut permettre de faire un nouveau pas en avant, en un mot renoncer à utiliser toutes les ressources qui s'offrent à nous, susceptibles de faire avancer notre cause.
C'est dire que les élections présidentielles ne nous laissent pas indifférents.
La chose est claire: nous sommes des communistes et nous n'avons pas attendu le 5 décembre, ni même le 13 mai 1958, pour dénoncer en de Gaulle l'ennemi de classe, la créature des monopoles industriels et bancaires. Nous avons eu maintes fois l'occasion de donner les raisons de notre opposition irréductible, fondamentale, à son régime. Ce ne sont pas des mesures empiriques et dictées par les circonstances, hors de tout principe, qui pourraient nous amener à modifier notre attitude et notre jugement de fond sur le caractère foncier de sa nature et de sa politique.
Nous disons résolument "non" à de Gaulle.
Et parce que nous sommes des communistes, nous refusons de nous associer aux "jeux" déshonorants de basse politique auxquels se complaisent les sociaux-démocrates, par nature, et, par contagion, les révisionnistes qui ne savent plus faire rien d'autre que leur emboîter le pas. Nous nous refusons aux combinaisons de l'électoralisme vulgaire dans lesquelles les uns et les autres sont enfoncés jusqu'au cou. Nous nous refusons à jouer les Gorenflot, à baptiser carpe un lapin et homme de gauche un Mitterrand. Nous nous refusons à cette mascarade, à cette mystification, à cette escroquerie.
Et nous disons "non", non moins résolument, à ~ , François Mitterrand.
Il reste que, de renoncement en renoncement, éclate à la faveur de l'élection présidentielle la faillite de ce qui fut le Parti communiste français. L'équivoque de son comportement, illustrée par nos informations sur les manoeuvres de Zorine et les déclarations de Vinogradov et de l'agence Tass, ajoute encore à son déshonneur.
Il ne s'en tirera pas par son entreprise de diversion qui ne fait que traduire sa panique devant les progrès des marxistes-léninistes français, par sa tentative de nous discréditer en recourant aux moyens les plus malhonnêtes, que même la bourgeoisie n'avait jamais osé utiliser contre lui. Et rappelons-nous seulement que le voyage de Couve de Murville à Moscou, s'il avait eu lieu après le 5 décembre, n'aurait pas eu le même sens.
Cela dit sans nous attarder sur le sujet plus qu'il le mérite, ce qui frappe peut-être le plus l'électeur français, c'est l'absence d'un candidat communiste. Ceux qui n'ont pas oublié que les communistes s'étaient déjà effacés en 1946 devant le social-démocrate Vincent Auriol qui leur témoigna sa reconnaissance en contre signant six mois plus tard le décret chassant leurs ministres du gouvernement, n'en sont que plus inquiets de les voir aujourd'hui apporter leur soutien à Mitterrand, ce vieux cheval de retour.
Il est vrai qu'une candidature communiste, dans l'état actuel de dégénérescence du Parti, aurait soulevé de notre part les plus sérieuses réserves. Aussi nous sommes-nous prononcés dès le début pour une candidature authentiquement communiste. Les révisionniste en conclurent -renforcés dans cette idée par un article du "Canard Enchaîné" (!)- que notre Fédération s'apprêtait à présenter un candidat. C'est alors que, perdant tout sang-froid, en proie à la panique, ils déclenchèrent contre nous leur campagne de calomnie, tant était grande leur peur qu'une telle candidature galvanisât les masses populaires et mit leurs combinaisons en échec.
Tel eut été, en effet, le résultat d'une candidature authentiquement communiste.
Mais le pouvoir avait déjà pris les mesures préventives en rédigeant sa loi électorale. En exigeant des candidats éventuels le versement d'un cautionnement élevé -dépassant naturellement nos possibilités - et qu'ils fussent patronnés par un minimum de cent maires, conseillers généraux ou députés appartenant à dix départements au moins, cette loi barrait la route à tout candidat populaire représentant un mouvement entré depuis peu dans la vie politique du pays, quel que fut son rayonnement dans la classe ouvrière et la paysannerie travailleuse. Ce qui suffirait en soi à faire justice -si besoin en était - des infamies colportées par les révisionnistes sur notre compte.
La présence communiste dans la campagne électorale n'en aura pas moins été effective. Nous sommes intervenus dans cette bataille comme dans les autres, sans mettre notre drapeau dans notre poche, sans en avoir honte, sur une base de principe; nous y avons apporté l'élément de clarté qui eut fait défaut si notre jeune Fédération n'avait pas existé et ne s'était renforcée comme elle l'a fait, patiemment et sûrement, depuis dix-sept mois. Nous avons clamé la vérité au-delà des mensonges des uns et des autres, et au-delà du rideau de fumée apporté la lumière. Il sera de plus en plus difficile de mentir, de plus en plus difficile de tromper notre peuple.
Le 5 décembre n'est qu'une étape. Il ne nous fait pas perdre de vue l'essentiel: le danger mortel que fait courir au monde l'impérialisme américain; les crimes quotidiens commis par l'agresseur yankee contre nos frères du Vietnam; la menace qui pèse sur nous-mêmes et la sujétion, déjà, en laquelle nous sommes tenus dans le domaine économique.
C'est là un problème qui semble échapper à tous les candidats à la Présidence de la République, de de Gaulle au fasciste Tixier-Vignancourt en passant par Mitterrand. Notre peuple peut compter sur nous pour qu'il soit posé comme il doit l'être. Et résolu.
Régis BERGERON.