Julien Dray exprime sa peur de la lutte armée
Submitted by Anonyme (non vérifié)Aujourd'hui, la France est au bord de craquer, et c'est ce qui va se passer, en l'absence de ligne rouge, c'est une logique de violence, oscillant entre révolte et nihilisme. Le terrorisme islamiste n'est qu'un avatar de cette réalité : il y en aura d'autres.
Il y a ainsi eu la mouvance anarcho-autonome et ses sabotages du « monde moderne », notamment ses nombreux incendies et destructions de distributeurs bancaires de billets. Mais il y aura inévitablement un terrorisme d'extrême-droite qui va apparaître, porté par un radicalisme racialiste n'ayant pas les mêmes bases idéologiques que le néo-gaullisme de Marine Le Pen.
A côté de cela, il va y avoir un réformisme armé qui va se profiler, de manière élémentaire, comme forme de « syndicalisme révolutionnaire » radicalisé. Disons le tout de suite : c'est un obstacle à la révolution socialiste, car un réformisme, fut-il armé, reste un réformisme.
Il faut renverser la bourgeoisie et il faut détruire l’État, cela signifie qu'il y aura bien violence, mais sans cet objectif stratégique, la violence n'est qu'une fuite. C'est pour cette raison que Jean-Luc Mélenchon n'a cessé ces derniers jours, dans le cadre de l'affaire d'Air France et des violences contre ses dirigeants, de soutenir celle-ci.
« Recommencez ! » a ainsi par exemple conseillé Jean-Luc Mélenchon sur BFMTV/RMC. Il peut dire cela, car il sait que la classe ouvrière n'a aucune perspective communiste, même pas dans sa protestation violente comme à Air France.
Donc, il peut se prétendre « radical » en affirmant soutenir voire encourager cette violence, puisqu'il sait que cela ne peut que déboucher sur rien.
Le socialiste Julien Dray, ancien trotskyste tout comme Jean-Luc Mélenchon, n'en est pas si certain que cela, ou tout au moins il le prétend. Il a ainsi critiqué celui-ci, se demandant comment un homme politique sérieux peut avoir une telle posture.
Sur Canal +, il a exposé le problème de fond :
« Quand on commence à arracher la chemise, après on va casser la gueule. Après qu'on a cassé la gueule, on enlève ou on exécute. Ce qu'il raconte, ça s'est déjà passé dans l'histoire.
Pour toutes les générations qui sont là et qui applaudissent, parce que c'est un débat qu'on a eu : en 1970-71, l'extrême-gauche s'est posée la question de la violence. Et l'Italie, par exemple, a basculé dans le terrorisme. »
Julien Dray mélange ici plusieurs choses, ce qui n'est guère surprenant d'un carriériste pouvant acheter une montre 38 000 euros, un stylo 2000 euros, au moyen d'une carte American Express Centurion spécial VIP fabriqué en titane.
Tout d'abord, il fait allusion à une discussion interne de la Ligue Communiste au sujet de la violence, discussion qui sera racontée dans le documentaire « Mourir à trente ans ». La Ligue Communiste a été dissoute en 1973 par le gouvernement pour l'attaque (menée avec le PCMLF) « casquée-barrée » du meeting des fascistes d'Ordre Nouveau et par la suite la Ligue Communiste Révolutionnaire qui a pris le relais a abandonné cette ligne dénoncée comme « gauchiste ».
Cependant, jamais la Ligue Communiste n'a voulu suivre la ligne « cassage de gueule – enlèvement – exécution ». La Ligue Communiste est une organisation trotskyste, et le propre du trotskysme c'est de parasiter, jamais d'avoir une ligne autonome, indépendante. La question d'une ligne insurrectionnelle ne peut pas se poser dans le trotskysme.
Elle se pose uniquement chez les communistes assumant Mao Zedong. C'est donc la Gauche Prolétarienne qui l'a développé, dans sa seconde phase dite de l'ex-Gauche Prolétarienne, avec la Nouvelle Résistance Populaire, au début des années 1970.
L'auto-dissolution du mouvement a alors été prononcée précisément au moment de passer au stade des exécutions. Par le suite, ce courant « thorézien de gauche » a été par contre assumé tel quel par les Brigades Rouges en Italie.
Aujourd'hui, il n'existe pas de courant idéologique « thorézien de gauche », à part sous la forme du syndicalisme révolutionnaire (et d'ailleurs, ce qui est toujours opportunément « oublié », la Confédération Nationale du Travail en France a largement profité dans les années 1990 des restes militants syndicalistes de la Gauche Prolétarienne).
Il y aura donc en France ici ou là quelques courants faussement « mao » - avec des étudiants se déguisant littéralement en maoïstes comme on en a d'ailleurs déjà ici ou là - et en fait syndicalistes révolutionnaires, cherchant à mener le coup de poing en s'imaginant être révolutionnaires, tout en fantasmant sur des choses qu'ils ne connaissent ni ne comprennent ni de près ni de loin, etc.
Cela peut basculer jusqu'au réformisme armé, mais cela ne saurait être que velléitaire et vite liquidé. C'est beaucoup de bruit pour pas grand-chose : beaucoup de bruit parce que dans ce genre de démarche il y a l'idée de frapper les esprits, d'être tapageur, mais en pratique cela ne correspond à rien dans les classes sociales, à part au radicalisme d'une fraction de la petite-bourgeoisie en crise.
Pourquoi Julien Dray parle-t-il de cela alors ? Pourquoi expose-t-il cette peur de la violence menée du côté du prolétariat ?
En fait, il expose les faits du point de vue radical-socialiste : si on ne soutient pas la participation au régime, alors logiquement on est pour le renverser, par la violence. Or, « en face » il y a la violence aussi. Donc cela ne peut que terminer qu'en guerre civile.
C'est également notre point de vue, sauf que le point de vue communiste qui est le nôtre considère que c'est nécessaire. Comme l'a formulé Mao Zedong :
« La révolution, c'est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre. »
« La tâche centrale et la forme suprême de la révolution, c'est la conquête du pouvoir par la lutte armée, c'est résoudre le problème par la guerre. Ce principe révolutionnaire du marxisme-léninisme est valable partout, en Chine comme dans les autres pays. »
Julien Dray parle donc de « terrorisme », mais en fait, il ne faut même pas comprendre par là « lutte armée pour le communisme », telle que formulée historiquement par les BR-PCC, la RAF ou encore le PCE(r) ; non, il s'agit de comprendre simplement le principe même de révolution socialiste.
Ce qu'il dit c'est : attention, il ne faut jamais que la perspective d'une révolution socialiste puisse émerger, même indirectement.
Julien Dray se demande dans ce cadre simplement ce que Jean-Luc Mélenchon va faire dans une telle galère, où il joue avec le feu, dans la mesure où il sait bien que Jean-Luc Mélenchon ne compte nullement rééditer 1917.
Il sait bien que Jean-Luc Mélenchon entend seulement récupérer de l'intérieur les protestataires, mais comme il est en concurrence avec lui, il le menace, soulignant qu'il risque de participer à l'ouverture de la boîte de pandore de la contestation ouvrière.
Seulement, et c'est là la différence : Julien Dray est devenu un réel trotskyste, c'est-à-dire un réformiste bavard assumé, alors que Jean-Luc Mélenchon est encore dans la posture populiste, dans le trotskysme se voulant « révolutionnaire ».
Or, c'est classiquement le rôle du trotskysme que d'arriver avec un radicalisme verbal pour empêcher l'émergence d'une réelle conflictualité prolétarienne.
Il y a quelques jours, on a ainsi vu un délégué CGT ayant refusé de serrer la main à François Hollande, chaudronnier - charpentier à STX à Saint-Nazaire. Un épisode de lutte de classe, pouvait-on peut-être penser… si la naïveté était de mise.
Car c'est une mise en scène, savamment calculée, de la part de ce militant de Lutte Ouvrière, organisation structurant ses prises de paroles au millimètre près. D'ailleurs, on le voit très bien tenir, devant les caméras et les nombreux photographes, des propos clairement préparés (et qu'il a prétendu être non prémédités !), appelant au « dialogue social », exigeant des mesures et non des mots.
C'est la forme, et la forme seulement de la lutte des classes, sans aucun contenu réel. Mais c'est une forme organisée, rationalisée, théorisée : voilà la nature du trotskysme et de sa théorie du « Programme de Transition ».
Lorsque Julien Dray exprime sa peur de la lutte armée, il rappelle donc le trotskysme à l'ordre, lui rappelant sa forme parasitaire, l'enjoignant à rester dans les rangs de l'idéologie dominante.
Et il le fera. C'est pour cela que dans les prochaines années, Lutte Ouvrière va s'effondrer : son réformisme radical pouvait faire illusion jusqu'à présent, mais maintenant il ne le peut plus. Il faut, comme l'a dit le délégué CGT de STX à François Hollande, des actes et pas des mots, et Lutte Ouvrière n'a strictement rien à proposer comme stratégie.
Seul le matérialisme dialectique, le marxisme-léninisme-maoïsme, exprime correctement les besoins révolutionnaires des masses, propose une ligne stratégique cohérente et conforme aux attentes historiques. Rien qu'avec l'affirmation de l'existence de la contradiction travail intellectuel – travail manuel et de la contradiction villes-campagnes, le PCF(mlm) dispose d'un fond nettement plus étendu et concret que Lutte Ouvrière et son économisme syndicaliste.
C'est indéniablement une nouvelle séquence historique qui, en tout cas, s'ouvre, et si le chemin est sinueux, l'avenir est radieux.