La conception erronée du «fascisme moderne»
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le résultat des élections municipales de 2014 témoigne qu'il y a bien une montée du fascisme, avec des divisions au sein de la bourgeoisie. La conception du PCMLM est juste et c'en est fini avec la thèse parfois appelée « fascisme moderne ».
Il existe en effet une thèse qui a été formulée à la toute fin des années 1960, puis de nouveau ces dernières années, au sujet du fascisme. Elle consiste à dire que le fascisme n'est pas un mouvement qui prend d'assaut l’État, mais qui viendrait de l’État lui-même.
Cette thèse a largement été remise en avant ces derniers mois, principalement par les anarchistes. En effet, ils n'avaient pas du tout prévu que le Front National se relance. Il a fallu justifier de remettre en avant la question du fascisme, sans pour autant modifier la démarche de fond.
Aussi, les anarchistes et leurs alliés ont-ils formulé la conception du fascisme comme une sorte d'agrégats de toutes les oppressions possibles et imaginables. Cela n'a rien d'original, puisqu'on trouve déjà cela dans les années 1960.
« Nouveau fascisme, nouvelle démocratie »
Cette thèse a en effet été élaborée par l'intellectuel bourgeois André Glucksmann, dans un texte intitulé « Nouveau fascisme, nouvelle démocratie ». André Glucksmann était alors proche du courant spontanéiste du maoïsme français qui a suivi mai 1968 ; très vite il a prolongé ce spontanéisme en devenant un partisan de l'ultra-libéralisme et des Etats-Unis comme modèle et comme référence.
La thèse d'André Glucksmann remet fondamentalement en cause la thèse communiste élaborée dans les années 1930 par l'Internationale Communiste, comme quoi le fascisme était porté par une partie de la bourgeoisie, une fraction des capitalistes.
Il reprend le principe de démocratie populaire, appelé « nouvelle démocratie » en Chine populaire, pour lui donner un sens petit-bourgeois de révolte, faussant ainsi totalement la conception maoïste de « nouvelle démocratie ».
Pour André Glucksmann en effet, le fascisme consiste en une manière ultra-autoritaire de gouverner ; il confond ainsi le fascisme et le régime gaulliste. Rappelons cependant sa thèse fondamentale :
« Le fascisme est dans l’Etat, c’est même là qu’il se trouve le mieux et M. Marcellin [alors ministre de l'intérieur] ne prendra pas d’assaut son propre bureau.
Le fascisme d’aujourd’hui ne signifie plus la prise du Ministère de l’Intérieur par des groupes d’extrême droite mais la prise de la France par le Ministère de l’Intérieur. »
Voici également comment il précise sa pensée :
« Le nouveau fascisme s'appuie, comme jamais auparavant, sur la mobilisation guerrière de l'appareil d'Etat, il recrute moins les exclus du système impérialiste que les couches autoritaires et parasites produites par le système (...). La particularité du nouveau fascisme c'est qu'il ne peut plus organiser directement une fraction des masses (...). Désormais, c'est la fascisation elle-même qui est l'oeuvre de l'appareil d'Etat. Police, justice, monopole de l'information, bureaucraties autoritaires qui assuraient jadis les assises de la "révolution fasciste" doivent se battre maintenant aux avant-postes. »
Une thèse idéaliste portée une partie de la bourgeoisie
André Glucksmann représentait en fait ici la fraction ultra-libérale de la bourgeoisie industrielle, fondamentalement anti-gaulliste. La Gauche Prolétarienne s'est rapidement transformée en bras armé de la tendance « anti-autoritaire » de mai 1968, puis suite à son interdiction en activisme du libéralisme opposé à la démarche autoritaire et conservatrice de Charles De Gaulle.
Le quotidien Libération est l'aboutissement de ce processus de décadence.
Pour en revenir à la question du fascisme, on a donc ici une vision petite-bourgeoise du fascisme.
C'est une démarche propre aux intellectuels bourgeois, comme le montre encore tout récemment le meeting contre le fascisme récemment à Sciences Po. Il s'agit de nier le rapport entre le fascisme et la crise générale du capitalisme.
La petite-bourgeoisie radicale peut, à la limite, associer le fascisme au capitalisme. Mais cela reste abstrait, elle ne peut pas, par principe, assumer le fait que le capitalisme est en crise générale, car elle compte continuer à le parasiter justement...
Or, le danger de la diffusion de cette conception erronée du fascisme est bien entendu que le fond théorique est fondamentalement anti-matérialiste dialectique, comme le constatait déjà notre article de 2009 Fascisme et appareil d’Etat (le psychodrame français du « nouveau fascisme », du totalitarisme larvé).
Une critique totalement erronée à l'encontre du PCMLM
Concluons en citant un document de Drapeau Rouge, publication du « Parti Communiste maoïste de France ».
Si auparavant ce groupe se réclamait du PCMLF et rejetait la Gauche Prolétarienne (valorisée inversement par le PCMLM), il a fait il y a quelques années un virage à 180° pour valoriser justement tant la Gauche Prolétarienne dans ce qu'elle a de « spontanéiste » que la thèse, fondamentalement erronée, du « nouveau fascisme » (on n'est alors guère étonné de retrouver ce groupe comme participant au meeting sur le fascisme à Sciences Po).
Voici un extrait d'un document de décembre 2009, critiquant l'analyse du PCMLM au sujet du fascisme, et expliquant ainsi que le fascisme viendrait de l'Etat lui-même, et pas du tout de l'extrême-droite.
« D’autres pensent que Sarkozy n’est pas l’incarnation du fascisme moderne, ce que nous n’avons jamais dit. Ils présentent Sarkozy comme représentant de la bourgeoisie industrielle en lutte contre la bourgeoisie financière. Alors que n’importe quel apprenti marxiste, sait que depuis la fin du 19ème siècle, la fusion du capital industriel et du capital bancaire a produit le capital financier, qui domine toute la vie économique à l’époque de l’impérialisme.
La bourgeoisie la plus réactionnaire représentant le capital financier a besoin du fascisme lorsque son système est menacé par l’existence d’un parti lié aux masses en révolte ou prêtes à se révolter. Sans ce Parti révolutionnaire lié aux masses, la bourgeoisie n’a pas besoin d’avoir recours au fascisme de type ancien.
Nos amis paniquent en constatant la résurgence de groupes fascistes, la multiplication relative des actes racistes et antisémites par des groupes extrémistes d’extrême droite.
Ils estiment que la bourgeoisie a besoin du fascisme car Sarkozy représente à leurs yeux la bourgeoisie industrielle et ne défend pas le capital financier. Il suffit de voir les mesures économiques que prend l’Etat bourgeois dirigé par Sarkozy pour se convaincre du contraire. La multiplication relative des actes racistes et antisémites a deux sources qui se rejoignent.
L’agression impérialiste contre les peuples et l’exploitation des contradictions au sein du peuple par la bourgeoisie sont les sources de la montée du racisme et de l’antisémitisme. Il ne faut pas sous-estimer les groupes d’extrême-droite, rester vigilants, répondre aux attaques, mais ils sont marginaux et ne constituent pas dans l’immédiat le danger principal, pas plus que le Front national.
Aujourd’hui c’est l’organisation du capital financier agissant sous la forme du fascisme moderne et de l’Etat policier qui est le plus dangereux car avançant avec le masque de la démocratie, il creuse le lit du fascisme qui reste une menace pour l’avenir. »
Cela apparaît totalement ridicule aujourd'hui, bien entendu.
Entre temps, l'analyse du PCMLM s'est montré prémonitoire, comme l'ont montré les mobilisations de la « manif pour tous » notamment et les régulières attaques des fascistes. Si panique il y a eu, alors tant mieux, car si suffisamment de panique il y avait eu alors, on ne serait pas dans cette situation... Au lieu de se moquer du PCMLM, il fallait bien plutôt en adopter les analyses !
De la même manière, l'analyse du PCMLM selon laquelle Nicolas Sarkozy dérangeait la bourgeoisie impérialiste s'est montrée parfaitement valable. Les « affaires » visant à le dégommer ne signifient pas autre chose.
A l'intérieur de l'appareil d'Etat, il y a les guerres intestines, et à l'extérieur, il y a le Front National et les autres structures qui sont là pour former l'offensive du fascisme.
Rien n'a changé par rapport aux années 1930 : les thèses antifascistes traditionnelles du mouvement communiste historique sont parfaitement valables.
Comme le dit le PCMLM dans sa déclaration en l'honneur aux fusillés du 21 février 1944:
« La révolution socialiste sera, on peut le penser de manière très sérieuse, un facteur de la république populaire, elle-même constituant auparavant un facteur d'un régime démocratique antifasciste qui devra s'établir sur les ruines d'un régime fasciste qui se sera installé au préalable.»
Comme le dit le PCMLM dans sa déclaration au sujet des 80 ans du 6 février 1934:
« Face au trotskysme et à l'anarchisme qui historiquement rejettent l'antifascisme comme front, face aux anarchistes opportunistes qui prétendent assumer l'antifascisme uniquement pour le mettre à la remorque de la social-démocratie, le PCMLM affirme le caractère inévitable de la bataille antifasciste et de l'unification des progressistes sur ce terrain, seule voie pour une confrontation authentique avec le fascisme. »
Et il est ici significatif que le groupe Drapeau Rouge, adepte de la thèse du fascisme dit moderne, ait « oublié » ces deux dates, février 1934, février 1944. La thèse du fascisme dit moderne n'amène qu'à nier la réalité, à empêcher d'assumer le matérialisme historique, à masquer le fait que le capitalisme n'a pas changé de nature et qu'il connaît donc les mêmes cycles, de manière inévitable.
La thèse du PCMLM est juste : nous sommes à l'aube des années 1930 !