PCF(mlm) – Déclaration 96 – Front populaire et démocratie populaire
Submitted by Anonyme (non vérifié)La question de savoir comment les changements révolutionnaires vont exister dans notre pays peut être résolue si l'on prend en compte à la fois les particularités propres à la France, et les tendances universelles propres à toute une phase historique.
Les lois historiques concernant la crise du mode de production capitaliste et le renforcement des monopoles, jusqu'à l'avènement du régime fasciste
Le mode de production capitaliste connaît une phase ascendante dans la mesure où un cycle d'accumulation se lance, une phase descendante dans la mesure où la chute tendancielle du taux de profit, expliquée par Karl Marx dans Le capital, produit nécessairement un tassement et effondrement de la capacité à accumuler le capital.
Pour cette raison, les déséquilibres au sein du capital lui-même amène le renforcement toujours plus grand du capital financier et des monopoles, qui l'emportent tendanciellement dans le contrôle de l'économie et de l'appareil d’État.
La conséquence en est d'un côté l'accroissement des formes sociales et étatiques anti-démocratiques, de l'autre l'expression d'une logique de guerre ; ce processus aboutit à un saut qualitatif sous la forme d'un nouveau régime, le fascisme.
L'Internationale Communiste a, avec justesse, défini le fascisme de la manière suivante :
« Le fascisme au pouvoir est la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier. »
L'Internationale Communiste a également, avec justesse, défini l'antifascisme comme le front populaire unissant la classe ouvrière, les masses populaires ainsi que les couches sociales opposées aux monopoles.
Georgi Dimitrov, dans L'Offensive du fascisme et les tâches de l'Internationale communiste dans la lutte pour l'unité de la classe ouvrière contre le fascisme, constate ainsi au sujet du Front populaire antifasciste :
« Dans l'œuvre de mobilisation des masses travailleuses pour la lutte contre le fascisme, une tâche particulièrement importante consiste à créer un vaste Front populaire antifasciste sur la base du front unique prolétarien.
Le succès de toute la lutte du prolétariat est étroitement rattaché à l'établissement d'une alliance de combat avec la paysannerie laborieuse et la masse fondamentale de la petite bourgeoisie urbaine, qui forment la majorité de la population même dans les pays d'industrie développée. »
Le Front populaire antifasciste n'est ainsi pas offensif, mais défensif, dans la mesure où il s'oppose au fascisme et se contente de s'opposer au fascisme ; il n'a pas comme objectif le socialisme.
Cependant, la nature défensive de ce Front populaire, de par l'agressivité toujours plus grande du fascisme et des monopoles, possède une dimension offensive : celle d'une bataille pour la démocratie populaire contre la tyrannie des monopoles.
En ce sens, dans le cadre du Front populaire antifasciste, les communistes représentent la fraction en faveur de la démocratie populaire, c'est-à-dire de la défense la plus intransigeante du progrès et de la culture, contre l'exploitation et la guerre.
L'antifascisme a ainsi deux aspects :
- il est l'unité la plus large, sur une base démocratique, dans une logique de front ;
- il est le lieu d'une affirmation de la nécessité, pour l'esprit démocratique, de rompre avec les monopoles et ce qu'ils présupposent : le mode de production capitaliste lui-même.
La dialectique Front populaire – démocratie populaire
Lorsque, dans des conditions historiques concrètes, le Front populaire triomphe du capital financier et des monopoles, il se produit une confrontation inéluctable avec ceux-ci, produisant un conflit entre la réaction sous la forme du fascisme d'un côté, un régime anti-monopoliste sous la forme de la démocratie populaire de l'autre.
La démocratie populaire n'est pas le socialisme ; c'est un régime anti-réactionnaire, s'opposant à toutes les tentatives et tendances d'aller dans le sens du capital financier et des monopoles.
En France, le Front populaire qui s'est affirmé en 1936 n'a pas été en mesure d'aboutir à la démocratie populaire. Le Parti Communiste a considéré que le Front populaire suffisait ; il n'a pas compris qu'à la ligne défensive devait se conjuguer l'affirmation de la démocratie populaire.
Cette incompréhension tient au trop faible niveau idéologique et culturel du Parti Communiste dans notre pays, aboutissant à la décadence et à l'intégration, sous l'égide de Maurice Thorez, du Parti Communiste dans les institutions, malgré la vaste initiative de Résistance durant l'Occupation allemande et le régime pétainiste.
Dans le cadre de la République espagnole et du Front populaire, le Parti Communiste d'Espagne a réussi des avancées bien plus grandes vers la démocratie populaire, notamment avec la mobilisation des syndicats UGT et CNT, mais la défaite devant les armées de Francisco Franco soutenues par l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste a empêché la réalisation concrète d'un nouveau régime.
Le Parti Communiste de Grèce a, pareillement, développé de manière significative la perspective de la démocratie populaire, à la suite de la lutte antifasciste du peuple grec face à l'occupation allemande, bulgare et italienne. Toutefois, l'intervention anglaise et américaine, appuyée par la trahison de la Yougoslavie de Tito puis du révisionnisme soviétique, a bloqué l'avènement du nouveau régime.
Par contre, dans les pays de l'Est européen après 1945, les Fronts populaires ont abouti au régime de la démocratie populaire, sur la base de la vaste activité antifasciste et en profitant des succès de l'Armée rouge, cette dernière empêchant la réaction de reprendre le dessus et de liquider les avancées démocratiques.
Cela amène la nécessité de souligner deux points.
Tout d'abord, s'il est juste de considérer que la démocratie populaire préfigure le socialisme, cela ne veut nullement dire que les couches sociales alliées dans le Front populaire antifasciste deviendraient à un moment des ennemis : il s'agit ici de convaincre que le progrès, la culture, la civilisation, passe par la socialisation.
Une telle étape s'étalera inévitablement sur toute une période, où la classe ouvrière prouvera qu'elle est capable de diriger la société.
Or, pour que cela soit possible, il faut cependant que la classe ouvrière ait été en mesure de renverser la bourgeoisie et son appareil d’État : les modalités historiques d'un tel renversement restent à déterminer, dépendant du parcours propre à chaque pays dans la lutte des classes.
Toutefois, il est possible d'affirmer que la démocratie populaire est le produit naturel du Front populaire antifasciste lorsque la classe ouvrière témoigne aux yeux des larges masses qu'elle est, elle seule, capable de conduire le Front populaire à la victoire de ses propres objectifs, alors que la bourgeoisie est disqualifiée, se tournant ouvertement vers la réaction par un esprit de classe à la fois anti-démocratique et tourné vers l'exploitation.
Cela a été le cas tendanciellement en Espagne, tout comme en Grèce, selon des modalités propres à la situation de ces pays dans les années 1930 et 1940 ; cela sera également le cas dans notre pays.
Les obstacles au Front populaire dans notre pays aujourd'hui
La différence majeure entre la situation actuelle et les exemples historiques de Front populaire tient à ce qu'il n'existe pas de mouvement de masse ancré tant dans la social-démocratie que dans le communisme.
Ce n'est pas le seul souci, le seul frein : il se pose aussi la question de la lisibilité du renforcement de la réaction.
Le développement de la réaction et du fascisme ne suit pas un cours linéaire, étant donné qu'il est le produit de la crise du mode de production capitaliste et de ses soubresauts. Ces derniers peuvent être idéologiques, comme l'opposition au Front National entre une ligne sociale-républicaine démagogique et une ligne néo-conservatrice catholique.
Mais il est également bien connu d'ailleurs que l'impérialisme russe, dans le cadre de sa politique étrangère agressive et son interventionnisme militaire comme en Ukraine, appuie de nombreuses organisations d'extrême-droite en Europe, afin d'agrandir ses soutiens et de gagner des alliés. Une série de crises, d'événements graves notamment militaires, peut masquer le processus de fascisation, de marche à la guerre, en précipitant les choses, les imposant par les faits.
A cela s'ajoute encore la double nature du réformisme qui, selon les séquences, entre en conflit ouvert avec la réaction, par sa volonté de connexion avec les masses, ou bien soutient au contraire le processus de fascisation par fidélité aux institutions. Cette nature ambivalente du réformisme a posé beaucoup de soucis dans les années 1930, le réformisme pouvant se présenter sous une forme social-fasciste ou au contraire prête à s'opposer à la réaction.
Cela n'aide pas les masses à y voir clair et cela d'autant plus qu'il y a une faiblesse terrible du communisme dans notre pays, dans sa forme synthétisée et organisée que nous représentons. L'écho de notre dynamique politique, idéologique, culturelle, est encore bien trop restreint, marginal.
Nous payons ici, malgré nous, le prix de la déchéance politique de la gauche française non réformiste, qui est pétrie de romantisme, largement déformée par le révisionnisme, l'anarchisme, le trotskysme, n'ayant par conséquent aucune connaissance du marxisme à part à travers de vagues concepts. A cela s'ajoute un chauvinisme parfois virulent lié à l'anti-américanisme d'une partie de la bourgeoisie, ainsi que de très graves influences antisémites.
Cette faillite générale de la gauche non réformiste va de pair avec une décomposition n'arrangeant pas les choses.
Tous ces éléments, associés au fait que, si l'on considère que le fascisme c'est la dépolitisation générale, alors le terrain en France aujourd'hui lui est résolument propice, font qu'il existe un retard très important dans la conscience des masses sur le processus de fascisation en cours.
Mais ce n'est qu'un aspect de la question.
Les dynamiques nouvelles ne manqueront pas d'apparaître
Nous insistons sur le fait qu'une telle situation ne peut être que temporaire historiquement et ne tient qu'aux détours pris historiquement dans les luttes de classe ; il faut voir sur le long terme et raisonner en termes de dispositifs calibrés de telle manière à s'ancrer dans l'histoire.
Lors de la seconde partie des années 2000, nous avions par exemple diffusé le concept de groupe autonome antifasciste, assumant la bannière de l'action antifasciste, afin de prévenir quant à la montée du fascisme et de permettre que se forment, aussi petites soient-elles, des structures locales antifascistes qui auraient alors une expérience et une certaine crédibilité lors d'une aggravation de la situation.
La raison de cette initiative est que, si dans les années 2000 le Front National apparaissait comme moribond, nous avions considéré que le « non » au référendum sur la constitution européenne de 2005 impliquait sa très forte réaffirmation politique.
Nous avions en tête que le fascisme se développerait de manière inexorable en tant que forme sociale produite par le renforcement du capital financier et des monopoles et qu'il fallait développer un principe, afin que le moment opportun historiquement, il puisse apparaître dans le dispositif général de l'antifascisme.
Nous savions pertinemment que cet effort nécessaire avait peu de chances de succès de par nos très faibles forces, mais nous avons espéré qu'au sein de l'extrême-gauche il y aurait suffisamment d'éléments conscients pour voir l'utilité et le sens d'une telle démarche.
Nous n'avions aucune illusion sur le fait d'être en mesure de maintenir sur le long cours un tel projet : nous n'avons pas raisonné en mois ni même en années, nous avons raisonné à l'échelle de décennies.
C'est la raison pour laquelle nous ne pensons pas que cet effort historique a été vain, même si aujourd'hui un « antifascisme radical » de type ultra-gauche a récupéré l'expression « action antifasciste », niant précisément ce qu'a été l'action antifasciste en Allemagne dans les années 1930, à savoir la tentative de former un équivalent du Front populaire.
En effet, l'idée de former un groupe autonome antifasciste reste une idée qui est désormais relativement connue chez beaucoup de progressistes et par conséquent elle se réaffirmera lorsqu'il s'agira d'affronter réellement le fascisme, en appuyant des projets décentralisés, ancrés dans un terrain local, capables d'unifier les initiatives.
Les idées anarchistes et d'ultra-gauche ne sont que des aléas éphémères, produits par la crise de la petite-bourgeoisie ; cela n'est rien par rapport aux tendances historiques, que sont la réaction et le fascisme d'un côté, la démocratie populaire et le communisme de l'autre.
C'est de cette manière qu'il faut évaluer les phénomènes et l'exemple du mouvement « Je suis Charlie » est pertinent. L'ultra-gauche a affirmé que ce mouvement était réactionnaire, nous avons dit qu'il représentait une forme démocratique, même si limitée. Or, on voit très bien aujourd'hui qu'aucun candidat aux élections présidentielles de 2017 n'aborde la thématique « Je suis Charlie », justement de par sa charge démocratique.
A ce titre, il serait erroné de penser que le Front populaire émergera de manière naturelle de groupes locaux ayant l'action antifasciste comme démarche. En effet, ce serait là ne pas prendre en considération la société dans son ensemble et le rôle des luttes des classes ; ce serait aboutir à une démarche réductrice, réactivant le syndicalisme-révolutionnaire sous une autre forme.
En réalité, des formes nouvelles se produiront, des dynamiques nouvelles émergeront, car la séquence actuelle oppose le fascisme à la démocratie populaire, la réaction au Front populaire.
C'est de cette manière qu'il faut comprendre aujourd'hui la société française qui, vue de cette manière, est porteuse de très nombreuses choses, à condition de posséder la grille de lecture correcte.
Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)
Février 2017