L'affaire Death in June et l'antifascisme « Sciences Po »
Submitted by Anonyme (non vérifié)Ces derniers jours deux choses témoignent des errements d'un certain antifascisme en France. Il y a ainsi l'affaire Death in June, qui témoigne d'un antifascisme à côté de la plaque, ou plutôt à côté du Parti Socialiste.
Et justement, on a un « meeting antifasciste » qui s'est tenu le 24 octobre 2013 à... Sciences Po, témoignant du choix ouvertement institutionnel (en version « radical ») de l'antifascisme anarchiste.
Avec, en arrière-plan, les agressions de deux militantes du syndicat étudiant UNEF de Nanterre et de la Sorbonne, une ayant été blessée de deux coups de cutter, à la gorge et à la joue, l'autre ayant été menacée de viol à la sortie d'un cours de danse, son agresseur mentionnant également son adresse.
Death in June ou le renouvellement de l'esthétique romantique fasciste
Déjà, l'affaire Death in June est un scandale et montre que l'antifascisme anarchiste est une vaste blague. Death in June est un groupe né au tout début des années 1980 et pratiquant une musique folk tournée vers la scène gothique, pour une ambiance sonore « dark ».
Cela ne doit rien au hasard : c'est une expression de l'esprit nazi tourmenté de « l'échec » : le nom du groupe fait référence à la nuit longs couteaux, lorsque la direction des SA a été tuée en Allemagne nazie par les SS, en 1934.
On trouve toute une flopée d'autres références national-socialistes, comme la tête de mort SS, ou encore l'holocauste (qu'une chanson décrit même comme un « mensonge amer » On est là dans un esprit sordide, obscure, typique de l'esthétique fasciste que Death in June a su « renouveler » pendant pratiquement deux décennies.
Les références sont d'ailleurs « post-modernes » : Mishima, Genet, Duras, le fétichisme, le sado-masochisme, bien entendu Nietzsche, et la figure principale (voire unique) du groupe, Douglas P., joue sur une esthétique homosexuelle de type décadent.
Death in June, un groupe devenu une expérience esthético-provocatrice
Le scandale ne tient pourtant pas à ce que Death in June ait voulu jouer en France. Non, le scandale tient justement à l'interdiction, parce que depuis le début du 21e siècle, Death in June a totalement changé.
De groupe underground jouant dans des salles parfois liées à l'extrême-droite, porté par les franges intellectuelles du fascisme, exerçant une fascination sur toute la partie non directement electro de la scène gothique (tendant elle clairement à gauche, avec aux Etats-Unis la culture « rivet head »), Death in June est devenu une attraction commerciale.
Dans les années 1980 et 1990, cela avait un sens d'interdire Death in June, or personne ne l'a fait... Et là, maintenant que Douglas P. est devenu une attraction esthético-provocatrice ayant largué toute référence intellectuelle à l'extrême-droite, les concerts sont interdits !
Le plus parlant est que l'antifascisme anarchiste a été suivi par le préfet du Rhône qui a interdit le concert à Lyon, alors qu'à Cognac c'est le maire socialiste qui a demandé l'interdiction.
C'est totalement ridicule, alors que Death in June a déjà joué en France, et dans ces contextes vraiment tendu... L’antifascisme anarchiste a ici simplement aidé la social-démocratie à se prétendre antifasciste...
Ce qui est aussi pathétique est que par exemple à Lyon, le milieu antifasciste anarchiste a même fait un article en disant « Death June est bienvenu à Lyon », expliquant s'être trompé sur son compte !
Ce qui prouve leur totale méconnaissance de l'histoire tant du fascisme que de Death in June, ou encore de la scène electro-indus-gothique. Pendant toutes les années 1980-1990, Death in June a été le « sas » pour le passage au fascisme.
Et alors que ce sas n'existe plus car il a rempli sa fonction historique, on l'interdit ? C'est ridicule.
La fonction historique de Death in June : une évidence
La fonction de Death in June a été de former un romantisme fasciste. Il suffit d'accorder un tout petit peu d'attention à l'esthétique du fascisme aujourd'hui pour voir le rapport direct avec Death in June.
Mais il est vrai que pour l'antifascisme anarchiste, les fascistes sont de simples crânes rasés alcoolisés, des gangsters « se proposant » au service de l'ordre dominant.
Or, en réalité, le fascisme est un romantisme du capitalisme décadent, et il suffit d'écouter Death in June, de voir son eshétique, pour voir que cela correspond totalement au nihilisme et à l'idéalisme fascistes.
Le forme et le contenu même de Death in June est fasciste. Et de son côté l'antifascisme anarchiste lyonnais ne dit de ce groupe, pour le coup authentiquement fasciste, que
« sa démarche conceptuelle vise à mettre l’être humain face à ses contradictions (…), en questionnant les facettes obscures de l’être humain en utilisant l’effet miroir. »
L'antifascisme anarchiste n'a toujours pas compris, et il ne peut pas le comprendre, que le véritable fascisme est un idéalisme, un refus de la vie « commode » et des avantages de la « modernité », au profit de la quête d'une aventure individuelle, et que le principe même de cette quête est le fascisme, même si l'on ne trouve pas l'aventure ou la gloire au bout.
Le fascisme est une démarche qui appelle l'individu à se « transcender », à nier la réalité pour se dépasser. Il est fascinant et esthétique, et telle a été la fonction de Death in June pendant des années : renouveler la démarche sur le plan esthétique, ce qu'ont fait par la suite les « identitaires », le blog « zentropa » (et il est typique ici de voir qu'on peut compter plusieurs blogs anarchistes ayant tenté de copier l'esthétique de ce blog).
Le « meeting antifasciste » à Sciences Po
L'Etat forme ses cadres avec des écoles comme l'ENA, les écoles normales supérieures, Sciences Po, Polytechnique, etc. Le fait de faire un meeting sur l'antifascisme à Sciences Po c'est directement se placer sous l'égide culturelle et idéologique de la bourgeoisie « de gauche ».
Cette initiative est l'expression d'une panique qui commence à gagner les rangs de la petite-bourgeoisie radicale, face à une extrême-droite portée non pas par la « démagogie », mais par la crise générale du capitalisme.
Cette crise est d'ailleurs si profonde que justement l'antifascisme anarchiste a balancé par-dessus bord toute remise en cause du capitalisme....
Alors qu'il y a quelques années les mêmes gens crachaient sur le principe de groupes antifascistes à la base (Action antifasciste), niaient que le Front National pourrait progresser et se gargarisaient d'un « anticapitalisme » purement virtuel.
L'antifascisme anarchiste est d'ailleurs directement le produit de l'explosion de l'anarchisme altermondialiste des années 1990 et du passage de ses restes dans les thèses « post-modernes », rejetant catégoriquement les traditions du mouvement ouvrier au nom de thèses nouvelles universitaires comme le queer, l'interprétation populaire du phénomène ultra dans le football, le rôle positif socialement de religions qui auraient une dimension « tiers-mondiste », etc.
Le fascisme va progresser et va tuer en France, inéluctablement
Le matérialisme historique enseigne que la crise générale du capitalisme oblige la fraction la plus agressive de la bourgeoisie à s'approprier l'Etat, à le militariser en s'appuyant sur les mobilisations de masse afin d'aller à la guerre impérialiste.
Comme l'a formulé le communiste bulgare Dimitrov lors de la bataille pour le Front populaire dans les années 1930, le fascisme c'est
« la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier. »
Ainsi, le fascisme va progresser et va tuer en France, inéluctablement. C'est une loi historique. L'antifascisme ne peut exister que comme bataille de contenu, de culture.
L'antifascisme anarchiste est-il à la hauteur ? Pas du tout. Il n'est pas radical, il n'a aucune grille de lecture de l'histoire, il n'est progressiste en rien, comme en témoigne son mépris fondamental de l'écologie, question pourtant brûlante de notre siècle, ou encore comme en témoigne son silence le plus complet au moment de l'affaire Merah.
L'alternative : fascisme ou antifascisme, Etat socialiste ou Etat fasciste
Pour l'antifascisme anarchiste, le fascisme ce serait le nationalisme, l'autoritarisme, le libéralisme, etc. C'est une position petite-bourgeoise para-syndicale.
En réalité, le fascisme est l'organisation militaire de la société au service de la bourgeoisie la plus agressive, au service de la guerre impérialiste.
L'antifascisme anarchiste ne comprend rien aux enjeux : il suffit d'entendre ce qui a été dit au meeting de Sciences Po (écoutable ici) pour voir à quel point il ne propose strictement rien à part les « luttes sociales » et quelques revendications économiques du type de celles du Front de Gauche ou du Nouveau Parti Anticapitaliste.
L'antifascisme anarchiste ne comprend pas que, historiquement, les luttes de classes s'approfondissent, et que ce qui compte, c'est la proposition stratégique faite aux masses.
Et le seul projet progressiste, face au fascisme, le seul projet qui tienne la route, c'est la militarisation socialiste de la société, c'est l'Etat socialiste établissant un ordre fondé sur les valeurs de culture et de civilisation, pour la science et le collectivisme.
Ce qu'il faut comme programme, c'est la compréhension de notre planète comme biosphère, c'est la négation de l'individualisme par la collectivisation des forces productives. Et l'antifascisme, c'est la démonstration que les réactionnaires s'opposent aux exigences de notre temps.