Cérémonie «Charlie» du 10 janvier 2015 : ce que révèle l'affaire Johnny Hallyday
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le 10 janvier 2015, il y a eu une cérémonie commémorative en souvenir du massacre de la rédaction de Charlie Hebdo et de l'attaque de l'Hyper Cacher. Elle s'est déroulée place de la République et une plaque a été dévoilée, où l'on peut lire :
« à la mémoire des victimes des attentats terroristes de janvier et novembre 2015, à Paris, Montrouge et Saint-Denis. Ici même, le peuple de France leur rend hommage. »
Il n'y avait rien de populaire dans cette cérémonie triée sur le volet et officiel. Pour faire « peuple » tout de même un peu, Johnny Hallyday a été invité à chanter une chanson, Un dimanche en janvier, tirée de son dernier album.
C'était, au sens strict, une infamie. Johnny Hallyday représente le conservatisme pesant et le sentimentalisme régressif, comme les connaissent notre pays depuis des décennies. Charlie Hebdo en a souvent fait une cible de sa vindicte, parfois même sur sa une ; il est connu que Charb et Cabu méprisaient ce chanteur.
Inviter Johnny Hallyday était donc une attaque fondamentale à « l'esprit Charlie ». La justification de la mairie de Paris était tout aussi infâme : selon elle, Johnny Halliday « qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, est le chanteur vivant qui incarne la France ».
Une telle démagogie est impressionnante et montre à quel point Anne Hidalgo, actuel maire de Paris, s'imagine un « destin national » et pratique déjà un populisme de haute volée.
On a appris également hier autre chose à ce sujet : si le « rockeur » prétendument « national » n'a pas reçu de cachet – heureusement – sa venue a tout de même coûté 30 000 euros, afin de le faire venir de Los Angeles, de lui payer un maquilleur et un coiffeur.
Le service de presse de la mairie de Paris a donné cette précision immédiatement à la diffusion de l'information :
« Le coût pour la mairie de Paris a été de 17 000 euros. Le chiffre correspond essentiellement à des dépenses techniques : la scène, le câblage, les techniciens. Le reste - le déplacement du chanteur notamment - a été réglé par ses soins ou par sa maison de production. »
La mairie s'imagine se défendre correctement en affirmant cela. En réalité, elle montre que son approche est entièrement bureaucratique. Seule une foule clairsemée a assisté aux quelques minutes de la chanson, le tout se présentant donc bien comme un simple coup de communication.
Tout a été une question de budget et de mise en scène. Il n'y avait aucune dimension populaire. L'« esprit Charlie » a été simplement utilisé pour légitimer le régime en place, sans aucune prise en compte de son contenu, de ses valeurs.
Et ne parlons pas de la faute d'orthographe commise sur une des plaques commémoratives au nom de Georges Wolinski, la lettre i finale ayant été remplacée par un y, ou bien la présence des choeurs de l'Armée française, alors que Charlie Hebdo relève de la tradition anti-militariste.
Cette affaire Johnny Hallyday et ce qui va avec montre que le régime tente, avec succès en partie, de récupérer l'« esprit Charlie », pour justifier des choses au nom de la peur « raisonnable ».
François Hollande, Manuel Valls et Emmanuel Macron se présentent de manière paternalistes comme les gestionnaires de la société française, combinant libéralisme économique et autoritarisme politique, au nom de la « gauche », déboussolant à gauche et servant ainsi le Front National qui pourra apparaître par la suite à la fois comme « rebelle » et comme figure du maintien de l'ordre.
C'était inévitable de par la naïveté apolitique de l'« esprit Charlie ». Mais cette naïveté n'a jamais été anti-politique (ni même d'extrême-droite comme l'ont prétendu tous les anti-Charlie de l'ultra-gauche). Aussi cet exemple doit-il être utilisé comme argument de débat pour montrer que l'« esprit Charlie », pour rester vivant, doit saisir ce qu'est la démocratie, le principe de l'assemblée, de l'union populaire.
Qu'un beauf comme Johnny Hallyday ait servi de figure de proue d'une commémoration bureaucratique est non seulement critiquable, mais une attaque contre l'« esprit Charlie », une tentative de le dénaturer. Entre le CO2 produit par le voyage et les milliers d'euros gaspillés, la teneur sentimentale mièvre et l'approche conservatrice que Johnny Hallyday représente… il y a tout ce qu'il ne fallait pas faire.