26 juin 2015

«Pour une vraie égalité des chances» : l'appel de l'Académie française

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L’Académie française a joué un très grand rôle dans l'histoire de notre pays : fondée sur l'initiative du cardinal de Richelieu, en 1634-1635, sa mission était d'encadrer les normes de la langue française.

Ce fut un moment clef de la nation française née en tant que telle avec François Ier ; le droit et l'administration pouvaient désormais s'appuyer sur une base cohérente, avec une langue aux termes bien déterminés, sur une base grammaticale unifiée.

Voilà un apport positif de la monarchie absolue historiquement, apport repris par la bourgeoisie. En apparence ainsi, on devrait se satisfaire de l'appel de l'Académie française, intitulée « Pour une vraie égalité des chances ».

Ce serait toutefois ne pas voir le second aspect. L'Académie française est une initiative positive historiquement, mais elle fut prise par en haut ; elle ne se fondait pas sur une approche scientifique et démocratique. Les quarante « immortels » que sont les académiciens pratiquent la cooptation et ont toujours été au service culturel et idéologique des classes dominantes.

Leur prise de parole contre la réforme du collège témoigne en fait de la contradiction interne à la bourgeoisie entre les ultra-conservateurs et les post-modernes.

Les ultra-conservateurs veulent des valeurs… ultra-conservatrices, tandis que les post-modernes ne veulent plus de valeurs du tout. La réforme du collège allant dans le sens de l'ultra-libéralisme, en vertu du principe selon lequel « tout est relatif », l'Académie française intervient pour « sauver » l'égalité des chances, c'est-à-dire surtout se sauver elle-même.

Sa défense du latin et du grec, des « humanités », ne doit par contre pas nous faire oublier qu'il s'agit là de la célébration de la Renaissance italienne et certainement pas de l'humanisme, la bourgeoisie française pratiquant la confusion entre les deux de par le compromis historique entre les déistes et les catholiques pour fonder la République laïque.

La réforme des collèges apparaît comme une rupture de ce compromis, comme par ailleurs le « mariage pour tous ». C'est cela qui explique la « manif pour tous » et l'intense conflit entre les ultra-conservateurs et les ultras-libéraux (dont les libertaires et trotskystes ou encore faussement « maoïstes » ne sont qu'une tendance « radicale »).

Lorsque l'Académie française parle du « patrimoine littéraire » à défendre contre la réforme du collège (qui supprime toute liste d'auteurs, ainsi que les mouvements littéraires), elle défend une lecture ultra-conservatrice de ce « patrimoine », et pas le patrimoine démocratique.

C'est pourquoi, suivant ce que dit le PCF (MLM), il faut défendre l'héritage. Il faut rejeter le post-modernisme, qui n'est qu'un nihilisme propre au capitalisme développé, tout comme l'ultra-conservatisme est un leurre toujours plus fascisant.

Il faut défendre le patrimoine littéraire authentique, c'est-à-dire le patrimoine démocratique, dont les plus éminentes figures sont Jean Racine, Molière et Honoré de Balzac, nos grand portraitistes notamment sur le plan psychologique, ce qui est la grande caractéristique de notre art national, apport à l'art mondial, universel, qui formera demain la grande synthèse propre à la République Socialiste mondiale.


Pour une vraie égalité des chances

DÉCLARATION de l’ACADÉMIE FRANÇAISE
adoptée à l’unanimité de ses membres
dans sa séance du jeudi 11 juin 2015

L’Académie française, qui a fait part au Président de la République de ses réserves sur les projets de réforme du collège et des programmes d’enseignement présentés par le gouvernement, considère que l’ensemble de ces projets n’est pas satisfaisant.

1. La réforme d’ensemble concerne à la fois la réforme des programmes d’enseignement de la fin du primaire et du collège, qui sont encore en consultation, et la réforme du collège qui a fait l’objet d’un décret et d’un arrêté sans que les programmes enseignés soient définis. Il y a là un défaut de structure qui interdit la compréhension et dissimule la logique même des réformes proposées.

2. L’Académie déplore que l’ensemble de la réforme repose sur deux principes implicites : l’affaiblissement des disciplines fondamentales et le bouleversement du calendrier d’acquisition « des connaissances et des compétences », c’est-à-dire leur remplacement au profit de thématiques interdisciplinaires.

Les projets posent en fait le principe d’un effacement des disciplines traditionnelles au profit de « thématiques interdisciplinaires », dont l’objet est le plus souvent ponctuel, dicté par l’actualité ou directement appelé par l’environnement immédiat des élèves.

La confrontation des disciplines, couramment pratiquée depuis des décennies, s’avère assurément féconde. Mais les « enseignements pratiques interdisciplinaires » (E.P.I.) ne se développeront nécessairement qu’au détriment des disciplines qu’ils prétendent fédérer, seules à même de transmettre les savoirs fondamentaux qui manquent à tant de collégiens.

Comment les élèves pourraient-ils construire par eux-mêmes un savoir à partir des approches « transversales et plurielles », caractéristiques de ce type d’enseignement, s’ils ne disposent pas de la formation élémentaire, reposant sur des bases solides dans les disciplines fondamentales, qui fait aujourd’hui défaut à un trop grand nombre d’entre eux au sortir de l’enseignement primaire ?

À trop privilégier la « transversalité », on risque de favoriser une dispersion des savoirs, une fragmentation des contenus préjudiciable aux élèves en difficulté, et de retarder la consolidation des acquis de base, qui ne peut être obtenue que par la transmission de savoirs objectifs et mesurables.

Pour les mêmes raisons, l’Académie s’inquiète du remplacement des programmes établis par année et par discipline par des « cycles » de trois ans mêlant toutes les matières et les associant autour de projets pratiques et de « thématiques transverses ». Le bouleversement complet du calendrier, pourtant nécessaire, d’apprentissage des connaissances au profit de « parcours » propres à chaque élève, dans le cadre d’« itinéraires pédagogiques » élaborés au sein de chaque établissement, ne permettra pas de lutter efficacement contre l’échec scolaire, ne favorisera pas « la réussite pour tous », que la réforme s’assigne pour objectif, et a toute chance de perpétuer voire de développer les inégalités.

3. L’Académie insiste sur sa vive préoccupation concernant la place faite à la langue française dans les projets de réforme en cours. Elle considère qu’aucun redressement de notre système éducatif ne pourra être opéré si l’accent n’est pas mis sur l’apprentissage du français, dont la maîtrise et la compréhension sont la condition d’accès aux autres disciplines. Les difficultés rencontrées par un trop grand nombre d’élèves dès l’entrée au collège proviennent des lacunes constatées dans l’acquisition du socle des connaissances dispensées dans l’enseignement primaire : elles tiennent en particulier à une maîtrise insuffisante de la lecture et de l’expression écrite et orale.

L’Académie française rappelle que le patrimoine littéraire constitue un élément essentiel de l’enseignement de la langue française et qu’il doit, à ce titre, donner lieu à un programme précis pour chacun des cycles scolaires. Elle regrette vivement la disparition quasi complète, dans le document – par ailleurs incompréhensible dans sa formulation – concernant la classe de 6e, de toute référence à des textes, des œuvres ou des courants littéraires, tandis que pour les autres classes du collège, seuls quelques genres sont mentionnés.

Réduire la place des humanités, matrice de notre civilisation, mettre le latin et le grec sur un pied d’égalité avec les langues régionales, dont l’enseignement relève d’une tout autre problématique et renvoie à d’autres finalités, est aussi un mauvais coup porté à la langue française. Apprendre le latin et le grec n’est pas consacrer à des langues « mortes » un temps qui serait mieux employé en étudiant une ou plusieurs langues « vivantes », c’est avant tout découvrir notre propre langue, dont la maîtrise ouvre l’accès à toutes les disciplines et à la culture en général.

L’Académie française, au terme de la réflexion qu’elle a menée sur les enjeux et les modalités de cette réforme, et après avoir examiné les dispositions contenues dans les textes adoptés par le Conseil supérieur des programmes, appelle d’abord à préserver les disciplines traditionnelles sans lesquelles les lacunes dans l’apprentissage des savoirs fondamentaux, trop souvent constatées au sortir de l’école primaire, ne pourront être comblées au collège.

Elle appelle ensuite à rendre à la maîtrise de la langue française la première place, et à favoriser cet apprentissage par un véritable enseignement des langues anciennes aussi largement que possible.

L’Académie a la certitude que le redressement du système scolaire, si impatiemment attendu par la Nation tout entière, devra, d’une part, s’inscrire dans la continuité de notre culture, faite d’enrichissements successifs et respectueuse de ses origines, et d’autre part, résister à la tentation de la facilité, qui n’a jamais eu d’autre résultat que l’aggravation des inégalités. L’exigence constitue le principe fondateur de l’école de la République ; elle doit le rester ou le redevenir.

Pour toutes ces raisons, l’Académie française estime nécessaire de reconsidérer les principes et les dispositions des réformes proposées.

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