Les 25 ans des Simpson
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le 19 avril 2012, Les Simpson fêtaient leurs 25 ans d'existence. Depuis son commencement, cette série animée a connu un grand succès populaire. Avec ses 23 saisons, Les Simpson constituent aujourd'hui la série comptant le plus de saisons dans tout l'univers télévisuel américain. Pourquoi ce succès ? La réponse réside dans la dimension réaliste de ce dessin animé, parlant ainsi à la classe ouvrière américaine, principale consommatrice de séries. Cependant, cette série au ton progressiste n'a de progressiste que le ton justement et les sujets abordés donnent finalement lieu à une critique de l'engagement.
Les Simpson naissent brusquement dans l'esprit de Matt Groening alors qu'il doit présenter son projet à un des producteurs du Tracey Ullman Show. A l'époque, il pensait simplement adapter le comic-strip (quelques cases de bande-dessinée publiées dans un journal) sur lequel il travaillait. Cependant, il réalise que ce passage du papier à la télévision ne peut se faire qu'en cédant les droits de son comic-strip. Ce faisant, il perdrait la propriété de son projet, ce qui pourrait conduire à devoir l'abandonner complètement en cas de mauvais audimat. Par conséquent, il choisit de présenter un tout nouveau synopsis mettant en scène le quotidien d'une famille de la classe ouvrière.
Il s'inspire de sa famille et nomme les personnages d'après les noms de ses parents et de sa fratrie.
La série incarne donc une famille appartenant à la classe ouvrière WASP. Contrairement à ce qu'on nous enseigne en France, le terme WASP (White Anglo-Saxon Protestant) ne désigne pas forcément des bourgeois américains racistes. Aux Etats-Unis, choisir la famille Simpson comme protagoniste de la série constitue une innovation dans la mesure où les WASP ont rarement le premier rôle et, surtout, car elle montre que les blancs aussi peuvent appartenir à la classe ouvrière.
Le tout premier épisode est diffusé le 19 avril 1987 dans le Tracey Ullman Show, programme de variété américain. Les épisodes ne duraient alors que quelques minutes et consistaient en une série de mini-sketchs. Les dessins étaient grossiers, Matt Groening pensant que la production les ferait refaire (ce qui n'a pas été le cas).
Puis, en 1989, la série est récupérée par la Fox. Les épisodes sont allongés pour atteindre la durée qu'on connaît aujourd'hui, une vingtaine de minutes.
A partir de ce moment, la série développe un ensemble de concepts innovants témoignant de la créativité des auteurs. Le générique comporte plusieurs scènes qui sont modifiées à chaque épisode, les deux plus connues étant la punition recopiée par Bart et le gag final du canapé. La série joue également sur les mises en abîme : Itchy et Scratchy est un dessin animé qui fait partie de l'émission de Krusty qui fait partie des Simpson. La réalisation de ces mini dessin animés est tellement poussée qu'ils comptent eux-mêmes une bonne cinquantaine d'épisodes, Itchy et Scratchy donnant lieu à un engouement indépendant des aventures de la famille Simpson. D'ailleurs, la présence de personnages secondaires ayant une vraie consistance participe aussi à la richesse de la série.
Les personnages des Simpson
Chaque personnage incarne à lui seul une problématique de la société américaine actuelle.
Homer représente l'ouvrier pour qui le travail n'apporte absolument aucune satisfaction (si ce n'est le fait de retrouver ses collègues de travail) et qui finit inlassablement toutes ses journées au bar du coin. Représenté sans concession, il est doté d'une bêtise caricaturale. Il fait aussi preuve d'une certaine créativité, entreprenant des projets complètement loufoques qui sont parfois couronnés de succès.
Marge représente la femme au foyer dévouée qui consacre ses journées aux tâches ménagères et à l'éducation des enfants. Contrairement à Homer qui fait généralement preuve d'une grande irresponsabilité, Marge constitue la voix de la raison et de la morale de la famille. C'est d'ailleurs grâce à elle que la famille assiste aux messes du dimanche matin. Cependant, tandis qu'Homer est présenté comme un personnage comique et divertissant, Marge incarne la plupart du temps l'épouse ennuyeuse dont les sujets de conversation sont limités par son quotidien monotone.
Bart, quant à lui, personnifie l'anarchiste qui se rebelle de manière stérile. Individualiste, il fait tout ce qui lui passe par la tête et ne mesure que rarement les conséquences de ses actes pour les autres. Toutefois, Bart reste un personnage complexe puisque, régulièrement, il réalise qu'il a fait souffrir son entourage et tente de rattraper ses erreurs.
Son personnage permet également d'aborder la question de l'éducation. D'un côté, Marge est généralement présentée comme bien trop indulgente avec son garçon : lui pardonnant toutes ses bêtises sous prétexte que, dans le fond, c'est un gentil garçon. D'un autre côté, l'éducation d'Homer consiste principalement à étrangler Bart et ses professeurs montrent un mépris particulier pour ce cancre qu'ils pensent irrécupérable.
Lisa est la figure de gauche du dessin animé. De tous les combats, elle est intransigeante avec ses valeurs et se rebelle dès lors qu'elles sont piétinées. Cependant, si sa rébellion semble moins stérile que celle de Bart, au final, ces exigences n'aboutissent que très rarement ou, au mieux, elles conduisent à un compromis. Par conséquent, Lisa, sous cette apparente figure de l'engagement, enseigne qu'il est vain de se rebeller puisque les luttes n'aboutissent quasiment jamais.
Maggie, enfin, symbolise ce qui pourrait arriver mais qui reste en gestation. Eternel bébé à l'air innocent, c'est elle qui utilise la violence lorsque la situation l'exige. Ainsi, elle tire sur le mafieux Gros Tony qui menaçait de tuer Homer (Poppa's Got a Brand New Badge, saison 13).
A l'opposé de la famille Simpson, on retrouve l'ensemble des notables d'une ville : le médecin Julius Hibbert, le maire Jo Quimby constamment réélu, le journaliste Kent Brockman et Charles Montgomery Burns, le patron féodal. Tous ces personnages incarnent la bourgeoisie et sont guidés dans leurs actes par un individualisme exacerbé. Ils symbolisent tout ce que la gauche progressiste critique aux Etats-Unis et tout ce qui lui permet de dire que les Etats-Unis ne sont pas réellement une démocratie.
Charles Montgomery Burns, en particulier, apparaît dans plusieurs épisodes comme le véritable dirigeant de la ville dictant ce qui doit être ou non en fonction de ses seuls intérêts presonnels.
Culture
La série témoigne du désir des scénaristes d'élever le niveau culturel grâce aux nombreuses références qu'ils ont inclus dans la série. Les titres des épisodes (en version originale) sont souvent des jeux de mots faisant référence à d'autres œuvres. En vrac parmi ceux de la première saison, on trouve Homer's Odyssey, Moaning Lisa (jeu de mot avec Mona Lisa), The Call of the Simpsons (issu de The Call of the Wild, L'appel de la fôret en français, de Jack London), The Telltale Head (faisant référence à The Tell-Tale Heart, une nouvelle d'Edgar Allan Poe). Ces références souffrent d'ailleurs de très mauvaises traductions françaises : l'épisode Dead Putting Society (saison 2) que l'on pourrait traduire par Le Cercle des Golfeurs Disparus pour reprendre la référence est traduit de manière lapidaire par Mini golf, maxi beauf.
Dans l'épisode The Crepes of Wrath (issu de The Grapes of Wrath, Les Raisins de la Colère en français, de John Steinbeck, un écrivain américain socialiste), Bart rencontre deux vignerons, César et Ugolin, dont les noms font référence aux livres de Marcel Pagnol. Dans le même épisode toujours, Bart passe devant une série de paysages dessinés de façon à ressembler à des tableaux connus tels que Nymphéas de Claude Monet ou Champ de blé aux corbeaux de Vincent Van Gogh
Les scénaristes affichent donc clairement leur volonté de multiplier les références culturelles. Cependant, la réalité du dessin animé produit pour la télévision aboutit à des contradictions. Ainsi, même s'ils représentent une critique du contenu télévisuel pour les enfants, Itchy et Scratchy sont des personnages pauvres en contenu dont l'existence n'est maintenue que parce que le côté trash plaît. Au final, les auteurs tombent exactement dans la facilité qu'ils critiquent.
Et ces limites, on les retrouve dans les nombreux thèmes abordés. Car Les Simpson traitent de questions comme la condition ouvrière, la lutte des classes, le respect des animaux, l'écologie ou encore le féminisme.
Lutte des classes
Le sujet de la condition ouvrière est abordé très souvent grâce au travail d'Homer. Dans l'épisode Un atome de bon sens (Homer's Odyssey en V.O., saison 1). Homer est licencié à cause d'un manquement aux consignes de sécurité. Désespéré, il tente alors de se suicider mais, grâce à l'intervention de sa famille, échoue dans sa tentative. Il reprend espoir et entreprend de se consacrer à l'amélioration de la sécurité de ses concitoyens.
S'attelant d'abord à la sécurité routière, il continue en montant une action pour faire fermer la centrale nucléaire. L'enthousiasme des habitants de Springfield est tel que le mouvement devient dangereux pour M. Burns. Ce dernier est contraint de négocier avec Homer qui, séduit par l'augmentation de salaire proposé, accepte de stopper le mouvement. A la fin de l'épisode, Homer reprend le travail et devient responsable de la sécurité.
L'épisode se veut une critique du responsable syndicaliste qui vend les exigences d'une lutte pour une offre individuelle intéressante.
Si la critique contenue dans cet épisode traduit une réalité, correspond au quotidien de beaucoup de prolétaires quant au syndicats, le sujet revient cependant régulièrement avec pour fin des luttes qui se terminent en queue de poisson. Les différents personnages se retrouvent souvent dans des mouvements d'opposition. Ils montrent à cette occasion des capacités de rassemblement du fait de leur sincérité mais la plupart du temps, un arrangement signe l'arrêt des revendications des personnages.
On retrouve donc le caractère apparemment progressiste puisque la série aborde les luttes sociales vues par la classe ouvrière mais l'impossibilité de mener les luttes à bien montre là encore le cynisme de la série : la lutte est une illusion qui ne mène à rien.
Condition animale et écologie
Comme dans toutes les séries mettant en scène la classe ouvrière, des épisodes montrent régulièrement l'empathie qu'elle éprouve pour les animaux. La question est abordée dès le premier épisode diffusé puisque le chien des Simpson, Petit Papa Noël, est adopté par Homer suite à des mauvais traitements. Il est à noter toutefois que cet événement se produit car Homer assiste à une course de lévriers.
Et cette anecdote est tout à fait symbolique de la façon dont est traitée la question animale. On fait mine d'aborder cette question mais, au final, la cause animale quand elle est généralisée est moquée, traitée comme un extrêmisme risible.
Le sujet est abordé de manière plus poussée lorsque Lisa décide de devenir végétarienne (Lisa the Vegetarian, saison 7).
Lisa va au zoo avec sa famille et se prend d'affection pour un agneau mais le soir, pour le dîner, Marge leur a cuisiné des côtelettes d'agneau. Lisa décide alors de devenir végétarienne et de refuser la vivisection. S'en suit une série de scènes que toute personne décidant de devenir végétarienne et, à plus forte raison vegan, a vécu dans sa vie.
Les copines de Lisa, par exemple, lui demande sarcastiquement si elle va se marier avec une carotte. Après une période de doute, Lisa décide finalement de rester sur ses positions.
C'est ainsi que Lisa devient végétarienne et ce, sans faille jusqu'aux épisodes actuels. Toutefois, la leçon de cet épisode est que le végétarisme est accepté comme morale individualiste mais que les personnes végétariennes ne doivent pas en faire un enjeu politique (Lisa terminant en disant qu'elle n'essaierait plus de convaincre son père).
On retrouve exactement la même problématique avec Bart dans Apocalypse Cow (saison 19). Il est confronté à l'abattage d'un veau pour lequel il s'est pris d'affection. Il entreprend tout ce qu'il peut pour sauver son ami et, grâce à l'aide de sa famille, il envoie le veau en Inde. Mais, dans cet épisode, les militants pour la cause animale sont tournés au ridicule, demandant pardon à l'esprit du grillage qu'ils s'apprêtent à couper pour sauver le veau.
De plus, cet épisode reste centré sur les émotions de Bart à l'égard de ce veau en particulier qui reste le seul angle d'attaque du sujet. Bart dit d'ailleurs dans cet épisode que ce n'est pas parce qu'il s'est pris d'affection pour ce veau qu'il va arrêter de manger de la viande.
Le thème de l'écologie est, lui aussi, particulièrement prégnant dans la série puisque Homer travaille à la centrale nucléaire qui se trouve dans la ville de Springfield. Dans l'épisode Two Cars in Every Garage and Three Eyes on Every Fish (saison 2), la centrale nucléaire de M. Burns contamine les écosystèmes environnants. A cause de cette contamination, Bart et Lisa pêchent un poisson à trois yeux.
La thématique nucléaire est récurrente : le poisson à trois yeux deviendra la mascotte de Springfield, l''équipe de footaball américain de Springfield s'appelle les Isotopes, Bart lit une BD dont les héros sont Radioactive Man et Atomic Boy et, régulièrement, la centrale manque de sauter.
Là encore, si les propos se veulent progressistes, la centrale fait toujours partie du paysage et ne donne plus lieu à aucune contestation. Elle devient finalement un élément incontournable de la ville. D'ailleurs, l'épisode où Lisa et Bart pêchent un poisson à trois yeux ne parle même pas d'une quelconque lutte contre la centrale...
C'est juste l'occasion de mettre en scène M. Burns dans une tentative de se faire élire pour pouvoir continuer à polluer tranquillement. Quelle ironie pour un épisode dont le sujet principal est censé être l'écologie !
Féminisme
Lisa intervient régulièrement pour critiquer les propos sexistes. Ainsi, dans l'épisode Lisa vs. Malibu Stacy (saison 5), elle est horrifiée par les propos tenus par la première poupée Stacy qui parle. En effet, celle-ci passe son temps à répéter qu'elle doit se faire jolie pour les hommes ou qu'elle ne peut pas réfléchir parce qu'elle est une fille. Elle décide alors de rencontrer la créatrice de la poupée et finit par créer son propre modèle.
L'épisode se termine par un quasi-échec pour Lisa puisque l'entreprise de la poupée Stacy sort un nouveau modèle qui supplante immédiatement les ventes de la poupée de Lisa. Une petite fille achète tout de même un modèle et Lisa conclut l'épisode en disant que son action a quand même été utile puisque qu'une petite fille a acheté sa poupée.
Les propos sexistes sont donc critiqués, les personnages masculins machos souvent tournés au ridicule mais Lisa ne parvient jamais à faire entendre complètement ses revendications. La réussite de Lisa ne peut se faire que par une porte de sortie individuelle : sa réussite scolaire.
Le personnage de Marge, quant à lui, se pose particulièrement en opposition au féminisme. Jeune étudiante brillante, Marge a sacrifié son avenir professionnel pour vivre au côté d'Homer et s'occuper des enfants. La série fait au final l'apologie du sacrifice de Marge pour sa famille qu'elle accepte sans protester.
Alcoolisme
Le sujet de l'alcoolisme est omniprésent dans Les Simpson puisque Homer passe chaque soir au bar et boit également de nombreuses bières chez lui dans son canapé. Si les figures alcooliques sont elles aussi régulièrement tournées au ridicule, elles restent tout de même sympathiques et peu de gens les critiquent ouvertement.
Dans l'épisode Homer vs. the Eighteenth Amendment (saison 8), une loi ancienne toujours en vigueur de prohibition de l'alcool est redécouverte. L'alcool devient donc illégal et Homer entreprend de fabriquer lui-même son alcool.
L'épisode se termine par la découverte d'un amendement à cette loi et Homer conclut en disant « À l'alcool, la cause et la solution à tous nos problèmes dans la vie ! ». Cette phrase résume bien les contradictions de la série : l'alcool est un poison, une source d'ennuis sans fin mais il reste tout de même présenté comme une façon de s'évader de ses problèmes. Là encore, l'alcool est montré comme une fatalité qu'il est vain de vouloir convaincre.
Religion
La série montre bien l'influence que joue la religion aux Etats-Unis dans l'encadrement des masses. Ainsi, la vie sociale à Springfield est organisée autour de la chapelle protestante, et le pasteur est un des notables les plus importants de la ville.
Ainsi, dans l'épisode Bart Gets an F (saison 2), ce dernier fait une prière pour ne pas avoir à aller à un contrôle. Le lendemain de sa prière, il neige, exauçant ainsi ses souhaits. Lisa arrive à le convaincre que Dieu a attendu sa prière et Bart se met donc au travail. Il réussit à obtenir son examen et conclut en rappelant que s'il a réussi, c'est tout de même grâce à Dieu.
Dans d'autres épisodes, certains personnages s'éloignent de l'Eglise mais finissent généralement par être punis. Ned Flanders, d'ailleurs, est dans les Simpson une autre figure de la classe ouvrière : le chrétien réactionnaire. Cependant, il n'en demeure pas moins un personnage sympathique, sincèrement aimable, avec qui Homer finit souvent par fraterniser.
Toutefois, en même temps, l'hypocrisie de la religion est mise en lumière, montrant que beaucoup d'ecclésiastiques agissent par intérêt plus que par foi sincère. La religion n'est pas critiqué en tant que telle, chose très compliquée à faire aux Etats-Unis, mais de manière conforme à la sensibilité populaire, c'est le manque de sincérité et la contradiction entre ce qui est mis en avant par la religion et la réalité de la pratique. Sont aussi critiqué ses aspects les plus réactionnaires.
En conclusion, Les Simpson sont un monument de la culture américaine abordant tous les sujets qui touchent la classe ouvrière. Cependant, si ces sujets sont progressistes, la série ne va jamais jusqu'au bout de la critique sociale qu'elle commence.
Et il ne faut pas oublier que la chaîne qui diffuse cette série, la Fox, est la chaîne la plus réactionnaire du paysage télévisuel américain. Au final, elle constitue juste un programme destiné à divertir les masses en leur inculquant que, dans le fond, la lutte est vaine. Elle reste donc coincée dans le carcan de l'impérialisme.