6 oct 2017

La scission du Parti Communiste Révolutionnaire du Canada

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Il est intéressant de porter un regard sur la scission récente du Parti Communiste Révolutionnaire du Canada. En effet, cette organisation a quelque chose de typiquement désagréable.

On sait que les années 1960-1980 ont été chaudes et il est frappant de voir, par exemple, un Parti Communiste maoïste italien parler de « guerre populaire » alors que dans ces années chaudes, il rejetait catégoriquement ce qui était « chaud ».

Eh bien, le Parti Communiste Révolutionnaire du Canada, fondé en 2007, est du même type, sauf que les années 1960-1980 au Canada n'ont même pas été chaudes. C'est donc du maoïsme étudiant sans « chaleur », en continuité depuis des années 1960 sans substance historique.

Autant dire, rien d'intéressant, et d'ailleurs sa vision de la guerre populaire est entièrement résumée au principe de propagande armée, dans un emprunt aux Cellules Communistes Combattantes de Belgique.

C'est la traditionnelle vision mécaniste et « technique » ; déjà en 2005, une critique avait été faite de notre part d'un tel positionnement, une sorte de syndicalisme révolutionnaire prôné par un parti.

De toutes façons le Parti Communiste Révolutionnaire du Canada agit entièrement comme une organisation d'extrême-gauche classique, avec sa presse, ses tracts, sa participation aux manifestations, son orientation forte chez les étudiants, etc.

Liens vers la liste des articles : Le PartiC'est justement cette orientation mouvementiste, d'absorption de gens dans des « fronts » sans délimitation idéologique, qui a modifié la base du Parti Communiste Révolutionnaire du Canada.

Nous méprisant, ne comprenant par conséquent rien au post-modernisme, le Parti Communiste Révolutionnaire du Canada a modifié son style de travail et sa nature sans même le savoir.

Ce qui n'a plu à une minorité historique considérant que cela allait trop loin, mais c'était trop tard. Il est arrivé exactement la même chose à l'OCML-Voie Prolétarienne en France, où les historiques ont été exclus, afin que le passage de l'ouvriérisme/syndicalisme au post-modernisme complet soit assumé.

Tel est le prix à payer. On ne considère pas impunément que nos dossiers, que notre activité idéologique et culturelle – qui n'est qu'un aspect – ne servent à rien. Sans bétonnage idéologique et culturel, tout est du sable, tout est vain...

Il y a donc désormais deux Partis Communistes Révolutionnaires du Canada. En quelque sorte, c'est un « canal habituel », passé dans le camp du post-modernisme ouvert, et un « canal historique », rejetant la transformation, sans la saisir réellement.

Car, évidemment, cette transformation n'est pas expliquée de manière compréhensible par le « canal historique ». Comment le pourrait-il ? S'il y parvenait, il serait obligé de dire la même chose que nous.

Or, comme dit, il est trop tard. Même le « canal historique » a titré son appel « Nous sommes les continuateur-es ! », utilisant ainsi l'« écriture inclusive » typique des post-modernes !

Le Parti Communiste Révolutionnaire du Canada, dans toutes ses variantes actuelles, est prisonnier de sa tradition, mêlant marxisme-léninisme étudiant des années 1960 et volontarisme, dans un pays où la lutte de classes n'a aucune profondeur.

À considérer que la Fraction Armée Rouge ou les Brigades Rouges n'ont jamais existé, en s'imaginant qu'on peut mettre de côté la question de Staline, en s'imaginant que si on ne voit rien alors cela n'existe pas, eh bien on échoue à affronter la réalité révolutionnaire historique.

C'est très étudiant, très abstrait, c'est extérieur aux traditions révolutionnaires.

C'est comme lorsque l'Unité Communiste de Lyon, un petit groupe d'apparence récente, reprend un texte de Turquie que nous avons diffusé, « On ne peut pas être communiste sans défendre le maoïsme ». Il l'attribue au TKP M/L (en réalité d'ailleurs TKP/ML), sauf que jamais cette organisation n'aurait signé un tel texte, qu'il réfute entièrement idéologiquement, car il est sur la ligne de Gonzalo.

Il s'agit par conséquent du TKP(ML), mais comment ne pas se tromper entre des tirets, des parenthèses, à moins justement de connaître vraiment, de l'intérieur, et non pas avec un regard extérieur ?

Déjà qu'on a du mal en France, en raison d'une petite-bourgeoisie si forte, toujours prête à s'accaparer les idées nouvelles, on s'imagine ce que c'est au Canada, pays sans traditions révolutionnaires.

Rien que le nom choisi par le Parti Communiste Révolutionnaire du Canada est à la base d'ailleurs révélateur. Seuls les trotskystes ont pris comme définition les deux termes accolés de « communistes révolutionnaires ». Le Parti Communiste Révolutionnaire du Canada n'a d'ailleurs jamais pris position sur Staline, remettant le débat à... plus tard.

À après la révolution, peut-être ? Une question aussi importante, remise à plus tard : c'est absurde.

Par contre, il a grandement apprécié Prachanda, qu'il a soutenu vraiment jusqu'au bout, comme on peut le voir dans la chronologie de Communisme #3 consacré au Népal.

Très lié aux maoïstes népalais, le Parti Communiste Révolutionnaire du Canada avait même envoyé un cadre à Paris au milieu des années 2000, afin de construire un « vrai parti maoïste », soutenant Prachanda (au contraire de nous) ; cette tentative fut vaine, comme de bien entendu, malgré l'appui de maoïstes de Turquie en France.

Quelle idée, que de penser qu'on peut construire un Parti en France de l'extérieur !

C'est un bel exemple de cosmopolitisme et nous constations déjà en 2011, par ailleurs, que le Parti Communiste Révolutionnaire du Canada n'était même pas très canadien non plus...

« Prenez le prétendu Parti Communiste Révolutionnaire du Canada : leurs documents sont aussi canadiens que Voie Lactée.

Il n'y aucune étude de l'histoire du pays, aucune prise en considération des particularités nationales. Un phénomène aussi connu que le massacre des phoques n'est même pas abordé; la seule chose comptant est une sorte d'actualité sociale déconnectée de l'histoire profonde du pays. »

Cette dénonciation du massacre des phoques a été régulièrement reprochée par les équivalents « maoïstes » français du Parti Communiste Révolutionnaire du Canada. C'est très révélateur.

Non seulement de l'incompréhension de l'impact d'une activité, d'une action, sur l'idéologie et la culture d'un pays… Comment dénoncer le patriarcat et l'absence de culture écologiste au Canada, si l'on rate l'importance du sanglant massacre des phoques ?

Mais au-delà de cela, il y a la question des animaux, du véganisme, ce dont les réactionnaires ne veulent pas entendre parler. Et les post-modernes non plus.

C'est bien entendu que la défense de la Nature, de la Biosphère, aboutit inévitablement au matérialisme, ce qui est inacceptable pour la lecture individualiste du monde de ces gens.

En ce sens, la scission du Parti Communiste Révolutionnaire du Canada est révélatrice. Ceux qui prétendent vouloir grandir trop vite, mettant de côté l'idéologie, suivant tout ce qui bouge… au mieux se trompent, au pire servent d'outil pour envoyer la radicalité dans une voie de garage.