A propos du mouvement des policiers et du rôle de la police
Submitted by minusL'agitation des policiers s'est amplifiée ces derniers jours, avec des rassemblements nocturnes à Paris, Toulouse, Bordeaux, Nancy, Toulon, Nice, Marseille, Lyon, Montpellier, Brest, Bobigny, Evry, Toulouse, Carcassonne, Bordeaux, Denain…
Le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve a bien tenté hier de publier une lettre ouverte aux policiers pour calmer le jeu, cela n'a rien changé.
Car les policiers et les policières se retrouvent prisonniers d'une situation où la police en tant qu'institution leur demande de se sacrifier afin de maintenir de l'ordre dans une société en pleine implosion.
Les policiers et les policières devraient non plus rétablir l'ordre, mais l'établir, ce qui est impossible par définition même. Prisonniers des illusions sur la nature des institutions, les policiers et les policières pratiquent alors la fuite en avant et si une partie significative tombe de manière naturelle dans les bras de l'extrême-droite, il n'y a rien de mécanique à cela.
En effet, l'extrême-droite ne peut proposer qu'une seule chose : militariser la police, en faire une formation militaire. Marine Le Pen le dit clairement dans sa vidéo vue 555 000 fois sur Facebook, en 24 heures.
Cela n'a rien à voir avec l'identité historique de la police, cela correspond seulement aux intérêts du fascisme et ce n'est d'ailleurs pas ce que demandent les policiers et policières.
Sauf bien entendu, Rodolphe Schwartz, « porte-parole improvisé » du mouvement à Paris ... à ceci près qu'il n'est pas policier ! Cet activiste d'extrême-droite a en fait été dans le passé adjoint de sécurité pendant trois ans dans un commissariat parisien, et après avoir raté plusieurs fois le concours d'entrée dans la police travaille aujourd'hui dans un magasin Carrefour…
Quand on sait que les rassemblements policiers, en uniformes et en armes, sont interdits, ses propos sont cocasses :
« Moi je suis prêt à me sacrifier pour tout le monde parce qu'on ne nous écoute pas. »
L'extrême-droite n'est prête à rien à part sacrifier les personnes membres des « forces de l'ordre » afin de faire en sorte que cet ordre soit plus agressif, plus militaire, plus sanglant.
Cela n'a rien à voir avec le noyau dur des revendications policières : l'arrêt de la politique du chiffre, des moyens matériels supérieurs, la fin des primes d'objectif pour les responsables, l'arrêt des escortes VIP et des gardes d'hôpital, et enfin bien entendu le fait de ne plus avoir à risquer leur vie de manière de plus en plus régulière.
Des revendications sociales relativement logiques dans le cadre du monde du travail, que l'idéologie d'extrême-droite tentent de compenser par la militarisation à outrance, la réforme de la légitime défense, la sanctuarisation des activités policières violentes, etc.
Seul le socialisme peut pourtant instaurer une police dont les membres disposent d'une dignité totale : dans le capitalisme, la police est un organisme extérieur au peuple ; quant à la violence sociale, elle est le produit de l'implosion sociale du capitalisme.
Cette question de la violence est d'ailleurs très importante. La société française devient toujours plus violente et individualiste, les mafias se développent et le désespoir prend des proportions nihilistes.
Il faudrait écraser les mafias et planifier l'économie, mais cela le capitalisme ne le veut pas, il envoie donc la police faire tampon. Et la focalisation sur elle marche à plein régime dans la petite-bourgeoisie radicalisée qui voit en la protestation contre elle un moyen d'appeler indirectement à l'aide l’État, en faisant pression.
Ici, tous les fantasmes sont exprimés. Dans l'appel à un rassemblement à Paris de la mi-octobre « contre la répression, les violences policières », il est ainsi parlé « d'une police aux ordres et d'une justice expéditive, au service d'un État qui ne gouverne que par la peur ».
Des propos délirants, dignes du « CRS = SS » de la petite-bourgeoisie étudiante de mai 1968, alors que justement la stratégie policière depuis 1968 vise à la désescalade générale.
Depuis mai 1968, où il n'y a pas eu de morts, aux manifestations contre la Loi Travail, où la police a servi littéralement de punching-ball aux anarchistes, il y a une continuité très subtile menée par la direction policière, tout à fait dans l'esprit républicain – franc-maçonnerie.
Cela ne signifie bien sûr pas qu'il n'y a pas de la casse, avec un prix humain certain, comme Malik Oussekine ou Rémi Fraysse, mort il y a deux ans. Toutefois, la police ne torture pas, ne tabasse pas, ne tire pas : les violences se passent à la marge des normes.
Quant à la situation dans les cités, seule la petite-bourgeoisie radicalisée peut tenter de prétendre que c'est là une généralité, alors que cela se passe totalement aux marges de la société française et, qui plus est, avec une présence importante des mafias.
Voici un exemple de la réduction des masses populaires aux « cités » dans la prose du Nouveau Parti Anticapitaliste :
« Pour masquer sa responsabilité l’État et ses serviteurs politiciens stigmatisent les classes populaires et instrumentalisent un fait divers dramatique pour mener leur campagne sécuritaire, s’appuyant sur une mobilisation initiée par les syndicats de la police les plus à droite, dont Alliance et SGP-FO, et les gradés, avec la collaboration active des médias. Ledit malaise policier est mis en scène. »
Parler de mise en scène est littéralement aberrant, alors que tout le monde sait bien que les policiers sont dans une situation contradictoire à la base puisqu'ils sont censés servir la population, alors que la police est en réalité une institution de maintien de l'ordre bourgeois.
Lorsque la situation sociale devient explosive, les policiers et les policières se retrouvent dans une posture intenable.
Est-ce là remettre en cause l'analyse marxiste de l’État ? Pas du tout, puisque justement la police est une institution et non pas une classe sociale, une institution bourgeoise de par sa forme, mais utilisant une population non bourgeoise, le plus souvent, en son sein.
Une population non bourgeoise mais qui ne consiste pas en des mercenaires, comme peuvent l'être des assassins, des prostituées, des mafieux, etc. Ce sont des gens ayant une vie quotidienne insérée dans la vie des masses, mais dans une position schizophrène.
Et s'ils assument un décalage anti-démocratique avec la population, voudront-ils réellement assumer un statut militaire au sein d'une institution frappant ouvertement le peuple ? On peut penser que non au moins pour une large partie.
La crise au sein de la police fait partie de la crise générale de notre société : les luttes de classes la traversent dans sa totalité. D'où la nécessité du matérialisme dialectique, du Parti d'avant-garde, capable de frayer la voie à la démocratie populaire.