12 sep 2015

La décision allemande d'accueillir 800 000 réfugiés et migrants

Submitted by Anonyme (non vérifié)

L'opinion publique française a été extrêmement frappée de la décision de l'Allemagne d'accueillir pas moins de 800 000 réfugiés et migrants cette année. Rien qu'en août, 413 000 réfugiés et migrants sont arrivés en Allemagne, 800 000 étant déjà arrivés depuis 2011 ; 400 000 sont encore attendus d'ici la fin de l'année, 500 000 l'année prochaine.

Rien que ce week-end plus de 42 000 personnes sont attendues, alors que les capacités ferroviaires autrichienne et hongroise sont déjà dépassées, amenant à la suspension temporaire des lignes entre les deux pays, avec la fermeture de la gare internationale de Budapest et d'une autoroute autrichienne.

Ce sont des chiffres énormes, et on se demande pourquoi l'Allemagne a pu décider cela. C'est d'autant plus marquant que cela correspond à la position de la gauche française, alors que la décision allemande a été prise par la chancelière Merkel, auparavant justement honnie à gauche en France en raison de sa ligne en faveur de l'austérité dans l'Union Européenne.

Cette contradiction apparente a pourtant une base tout à fait logique. Les sociétés allemande et française sont régies par le mode de production capitaliste, et par conséquent les décisions sociales prises par en haut obéissent à cela.

L'immigration est un moyen comme un autre de renforcer possiblement le capitalisme. Merkel explique d'ailleurs ouvertement qu'il s'agit de rééditer ce qui s'est passé dans les années 1960 et que la plus grande répression frappera les secteurs des nouveaux immigrés qui refuseront de s'intégrer.

Ceux-ci seront d'ailleurs répartis dans toute l'Allemagne, seront encadrés au plus haut niveau, etc. Il n'y aura pas de société parallèle, a prévenu Merkel, et les nouveaux immigrés doivent le plus vite possible s'intégrer au marché du travail.

Le fait d'accueillir des réfugiés et des migrants tient ainsi simplement à des considérations économiques, et c'est d'autant plus vrai que la pyramide des âges est mauvaise en Allemagne, par un taux de natalité relativement bas.

Même en intégrant 100 000 personnes par an, l'Allemagne n'aurait en 2060 plus que 67 millions d'habitants, avec deux fois plus de personnes de plus de 80 ans, soit huit millions au total. Les gens de plus de 65 ans formeraient le tiers de la population.

A cela s'ajoute que la classe ouvrière allemande est très bien organisée, depuis longtemps. Si elle est réformiste idéologiquement, elle n'en a pas moins conquis nombre de droits. Le développement du libéralisme va de pair avec l'abandon de cet ancien modèle où le syndicat, ultra puissant et unique, participe au capitalisme en échange d'avantages sociaux.

Enfin, il faut se souvenir que l'Allemagne a été auparavant divisée, avec l'ouest sous domination de l'impérialisme américain, et l'est sous domination du social-impérialisme soviétique. La réunification a totalement modifié l'idéologie dominante, rendant également l'Allemagne autonome en tant que puissance impérialiste. Une intégration massive formerait un vrai saut qualitatif.

Il faut également avoir en tête ici que l'Allemagne a une tête de pont avec l'Autriche, qui lui est fondamentalement liée voire soumise, et dont la capitale est désormais la seconde ville germanophone. Il y a ici un impact stratégique sur l'Europe de l'est qui est essentiel.

Enfin, l'Allemagne n'a eu historiquement que très peu de colonies et n'a pas pu les maintenir après 1918. Il s'ensuit que l'intégration massive d'une population syrienne et afghane permettra de construire de nouveaux solides liens semi-coloniaux dans leur pays d'origine.

C'est donc une véritable ligne stratégique. Le projet est tellement partagé à tous les niveaux de la bourgeoisie que même l'immensément populiste Bild Zeitung le soutient ouvertement, tout comme le tout autant populiste BZ de Berlin. La télévision appelle de manière incessante à la solidarité et à la mobilisation nationale.

Et la mobilisation actuelle existe en masse, dans un esprit qui se veut humaniste mais qui est en réalité surtout profondément chrétien, les structures religieuses charitables étant d'ailleurs toujours aux premières loges.

Dans l'extrême-gauche post-moderne et libéral libertaire, le soutien est pareillement total. La convergence est tellement immense que la chanson punk antifasciste « schrei nach liebe » du groupe Die Ärzte est ressortie en vente en ligne au profit des réfugiés et migrants, avec le soutien ouvert... d'Amazon, de Google, d'Apple et d'Universal, avec un succès massif.

La décision allemande d'accueillir 800 000 réfugiés et migrants passe donc comme une lettre à la poste et elle est éminemment impérialiste. C'est une décision par en haut, qui permet de renforcer l'idéologie dominante en intégrant des gens partisans du régime leur permettant de « tenter leur chance ».

La concurrence économique va s'aggraver, les masses vont être divisées pour longtemps. Dans les populations les plus pauvres, c'est d'ailleurs la panique et il y a un élan national-socialiste en réaction, avec des centaines d'attaques de foyers de réfugiés et un esprit raciste qui se renforce massivement dans le prolétariat le plus marginalisé, le plus plébéien.

Rien qu'en 2015, il y a eu jusqu'ici une offensive plébéienne raciste avec 305 attaques contre des foyers dont 35 incendies, 77 agressions avec 140 blessés, ainsi que 154 rassemblements ou manifestations assemblant une foule mélangeant jeunes et vieux bourgeois nazis ainsi que des familles tatouées issues des couches les plus pauvres.

Ce schéma est idéal pour la bourgeoisie. La chute tendancielle du taux de profit serait ralenti par l'utilisation d'une main d'oeuvre docile pour toute une période, acceptant des emplois et des salaires misérables, sans avoir l'exigence de la classe ouvrière allemande jusque-là. Il en serait terminé de l'idéologie allemande où l'on accepte l'usine car le niveau de vie allant avec est relativement élevé et respecté.

Culturellement, les masses seraient divisées et mettrait toute une période à s'unifier, à travers les préjugés racistes des uns et les préjugés féodaux des autres. Le « rêve américain » primerait également dans de nombreux secteurs immigrés.

Guère étonnant que le président du MEDEF, Pierre Gattaz, vienne de publier un appel dans Le Monde afin de faire la même chose que l'Allemagne en France, mais en direction de l'Afrique, à la fois en profitant de la main d'oeuvre et en jouant un rôle semi-colonial sur ce continent.

Guère étonnant non plus que 28 « obédiences » européennes de la franc-maçonnerie se lancent pareillement dans la bataille, avec un communiqué commun appelant à s'ouvrir aux migrants pour renforcer l'idéal européen.

On a là une initiative « moderniste », qui vient uniquement d'en haut (contrairement à Charlie qui lui vient d'en bas), par la convergence d'une partie la grande bourgeoisie et des post-modernes, orchestrant une gigantesque pression culturelle (et morale) sur les masses.

Naturellement l'extrême-droite en profite dans cette situation pour tenter d'apparaître comme réellement populaire en la dénonçant. Elle dispose d'un boulevard pour se présenter comme le garant de l'identité des masses, alors qu'en réalité son objectif est de propager le nationalisme.

Post-modernisme et extrême-droite sont ici indubitablement les deux faces d'une même médaille, se nourrissant l'un l'autre à très grande vitesse. Aux bobos et aux hipsters répondent les fachos beaufs et les nazis, à la « liberté de circulation » des uns répond l'ultra-nationalisme des autres.

La seule réponse à cela peut être la défense absolue de l'orthodoxie du matérialisme dialectique dans le cadre du Parti Communiste, travaillant au coeur des masses pour développer la culture et l'idéologie de la rupture de classe, oeuvrant à l'unité anti-monopoliste dans l'esprit du Front populaire, de la Démocratie Populaire.

Il s'agit de refuser la propagande des pays impérialistes qui se présentent comme la meilleure « alternative » historique aux yeux du monde. Il s'agit de refuser le cosmopolitisme qui nie l'histoire d'un pays et par conséquent son cadre capitaliste et ses luttes de classe. Il s'agit de refuser que la bourgeoisie des pays impérialistes puisse décider d'asservir des populations et de les déplacer comme bon lui semble. Il s'agit de refuser la négation du droit des peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine à se développer, à disposer de leur culture nationale, à mener la révolution démocratique. Il s'agit de refuser le racisme et la négation du drame des réfugiés au nom d'un repli identitaire anti-populaire et anti-démocratique ne servant que de paratonnerre à la bourgeoisie.

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