La colère écologiste frappe en Creuse et dans la vallée de l'Arve
Submitted by Anonyme (non vérifié)On sait que la colère est mauvaise conseillère, mais il est également juste, comme nous le formulons régulièrement, que la dignité du réel est quelque chose d'essentiel.
C'est bien ainsi qu'il faut comprendre la colère écologiste qui a frappé, par deux fois, de manière illégale, des lieux devenus des symboles d'une tendance intolérable.
L'incendie, à Saint Martial le Vieux dans la Creuse, d'un bâtiment de 1 500 m² , avec principalement notamment de la paille et du matériel électrique et photovoltaïque, est ainsi l'expression d'une contre-tendance dont le fond relève de la lutte des classes.
On ne saurait réduire, en effet, celle-ci, aux syndicats et aux associations ; sa dimension est à l'égale d'une révolution et ici c'est la contradiction entre villes et campagnes qui est la clef de la question.
Car le bâtiment en question appartient à la « ferme des 1000 veaux », une sorte d'équivalent à la « ferme des 1000 vaches » en Picardie. De manière tristement ironique, cette « ferme des 1000 veaux » se situe au cœur du Parc Naturel Régional de Millevaches !
À moins que ce ne soit fait exprès par des capitalistes qui comptent bien assumer symboliquement ce qu'ils tentent de généraliser. Il s'agit ici en l'occurrence de nourrir de manière industrielle – avec des conditions sordides, relevant de l'incarcération, de la soumission, de la torture psychologique – des veaux, selon les termes officiels de les « engraisser ».
Hors de question de voir la lumière du jour pour ces animaux réduits à une existence de « stock », avec la complicité ouverte de l’État, les fonds publics fournissent 1,6 million d’euros, pour 1,8 million d’euros de budget total.
Et en arrière-plan, on trouve la classique collusion entre notables et grands capitalistes : Pierre Chevalier (président de l’Office National Interprofessionnel des viandes, président de la Fédération Nationale Bovine, président de la Chambre d’Agriculture de la Corrèze, au moment du montage du dossier), Bruno Bunisset (Directeur du Marché au Cadran et de l’abattoir d’Ussel), André Alanore (Directeur de la Chambre d’Agriculture de la Corrèze), Pascal Lerousseau (Président de la FDSEA 23), etc.
L'huile sur le feu a été jetée au début du mois de décembre par Ségolène Royal, qui en tant que ministre de l'Écologie a accordé l'autorisation de doubler le nombre d'animaux sans enquête préalable sur l'impact environnemental. 800 veaux au lieu de 400 ont donc été établis dans la ferme, avec pour objectif d'en accueillir 1000.
C'est la raison des slogans peints sur les lieux par les personnes ayant commis cet acte illégal : « non aux camps de concentration », « Ségolène SS ». Quant à Jean Rozé, le principal porteur du projet par la SVA Jean Rozé qui est une filière d'Intermarché, il voit son nom accompagné de l'insulte, de type homophobe même si l'on se doute que là n'est néanmoins pas la question, d' « enculé ».
Colère : voilà le mot pour désigner l'essence de cette attaque illégale, dont le fond est tellement net que d'ailleurs les réactions l'ont été tout autant.
Le président du FSDEA Creuse, Pascal Lerousseau, a tout à fait raison de dire que :
« À force d’appeler à la haine contre les agriculteurs, il ne faut pas s’étonner de voir le résultat. »
Effectivement, il ne faut pas s'étonner : la colère monte, la haine grandit, tout cela produit des contre-tendances opposées de manière frontale avec des tendances considérées comme destructrices.
Il faut un esprit petit-bourgeois pour ne pas le voir, comme par exemple avec EELV et l'association locale Lumière sur les Pratiques d'Elevage et d'Abattage, qui se sont empressés de se dissocier de manière formelle, reprenant l'argument des éleveurs comme quoi des animaux auraient été en danger.
Quant aux éleveurs eux-mêmes, ils étaient 500 dès le lendemain à exprimer leur « solidarité ». Eux aussi en colère, mais pas de type écologiste, cela va de soi.
Un autre exemple de colère écologiste a frappé dans la vallée de l'Arve, en Haute-Savoie. Un incendie a été provoqué dans l'usine d'incinération de Passy, sans faire vraiment de dégâts.
Le choix de la cible a été provoqué par la colère : nous avons déjà parlé de ce qui se passe là-bas avec une vague de pollution terrible où depuis 26 jours on dépasse le seuil des 50 µg/m3 de particules fines.
Quand les enfants ne peuvent plus, en Savoie, aller dehors pendant la récréation sauf pendant quelques minutes mais sans courir ni jouer au ballon, la colère n'est-elle pas inévitable ?
Le choix de la cible est alors aisé à comprendre : l'usine d'incinération de Passy représente le rejet de 45 000 tonnes de CO2 par an (dont 26 000 tonnes d'origine biomasse), soit l'équivalent de 22 500 véhicules diesel de taille moyenne parcourant chacun 15 000 km.
La logique qui s'applique ici est très simple et relève d'une logique cause-conséquence profitant d'une expérience faite. Ce n'est pas scientifique, mais cela relève tout de même de la dignité du réel.
Cela participe de tout ce courant de lutte des classe se fondant sur la contradiction entre villes et campagnes.
Cela témoigne de la crise très profonde du mode de production capitaliste, qui touche aux limites mêmes de sa propre existence. Les déséquilibres sont tels, les destructions si nombreuses, la pression pour le profit si forte, que des sauts qualitatifs s'expriment dans la crise elle-même.
Non seulement les masses doivent-elles faire face à l'appauvrissement, mais en plus dans leur existence même elles constatent que le mode de production est incapable ne serait-ce que de maintenir un semblant de stabilité.
Le fait qu'en Savoie on soit obligé d'avoir peur pour sa santé en raison de la qualité de l'heure exprime ici quelque chose d'évident, d'où la colère inévitable.
Et cette colère va grandir, elle exprime la naissance de torrents toujours plus nombreux, se creusant par de simples gouttes à l'initial qui relèvent de l'abnégation révolutionnaire face à une société inacceptable, de la confrontation individuelle, plus ou moins subjectiviste, avec la destruction, l'exploitation, l'oppression.
La destruction de la planète, par ce qu'elle implique au quotidien, par ce qu'elle exige d'universalité dans la conception du combat, exprime un besoin essentiel de la classe ouvrière, celui de dépasser la contradiction entre villes et campagnes provoquée par la bourgeoisie.