50 salons de l'agriculture, 50 ans de pseudo-traditions françaises à abattre
Submitted by Anonyme (non vérifié)Cette année, le salon international de l’agriculture fête sa 50ème édition. Il est pour ainsi dire une institution en France avec une fréquentation de plusieurs centaines de milliers de personnes (officiellement 650 000 visiteurs en 2012) et surtout un battage médiatique particulièrement imposant.
Le salon de l'agriculture apparait comme le symbole d'une France urbaine coupée de la nature. Cette vision est le produit d'une orchestration de la bourgeoisie française qui vise à empêcher que les masses populaires se saisissent de la contradiction ville-campagne, c'est-à-dire revendiquent le socialisme.
Le salon de l'agriculture n'est pas une expression populaire des campagnes françaises. Sa raison d'être n'est pas de critiquer les enfers urbains pour se tourner de manière positive vers la biosphère, mais d'inventer des « terroirs » et des « traditions » pour servir l'agro-industrie capitaliste.
Chaque année depuis 1964, de fin févier à début mars, la bourgeoisie lance son offensive médiatique pour imposer sa vision du monde et sa prétention à dominer la nature. Le battage autour du salon de l'agriculture est un instrument essentiel pour soumettre culturellement les masses. La mise en scène rituelle du président de la République - "bon vivant" au milieu de la foule ventant les "terroirs" français - est un moment particulièrement important de cet exercice anti-populaire.
Chaque année, le salon de l'agriculture est l’occasion de moqueries bienveillantes de la part de la bourgeoisie française contre les masses isolées de la nature. Typiquement, la presse bourgeoise adore mettre en scène des enfants du prolétariat découvrant les vaches et les cochons, expliquant qu'ils découvriraient la nature grâce au salon.
Cette mise en scène est absolument absurde et délirante. Non seulement parce que cet immense salon de plusieurs centaines de stands, avec ses allées bondées dans le hall de la porte de Versailles le long du boulevard périphérique parisien, n'a absolument rien de naturel. Mais aussi et surtout parce que si les enfants n'ont jamais vu de vaches et de cochons tels que les présentent la bourgeoisie lors du salon, c'est pour la simple et bonne raison que cela ne correspond pas à la réalité.
La mise en avant des "terroirs" et des "traditions" est une parfaite construction idéologique et culturelle pour masquer la réalité de l'agro-industrie capitaliste aujourd'hui en France.
Le salon de l’agriculture a été lancé en 1964, c'est-à-dire justement à l'époque de la deuxième grande vague de prolétarisation et donc d'urbanisation des masses populaires en France. À la faveur du développement de la productivité agricole et des besoins grandissant des centres urbains, une grande partie des masses populaires françaises encore rurales ont quitté les campagnes pour la périphérie des villes.
Le salon de l'agriculture ne célèbre pas la dimension populaire qui a existé dans les campagnes, une dimension paysanne liée au travail de la terre, liée à la reproduction de la vie réelle dans les conditions des campagnes avant la généralisation du capitalisme.
Les "terroirs" et les pseudo-traditions inventées par la bourgeoisie ont été mises en avant pour servir de vitrine à l'agro-industrie capitaliste à l'époque où justement se sont généralisées les fermes usines et l'agriculture intensive dans les campagnes.
C'est le moyen pour la bourgeoisie d'imposer sa vision du monde, sa tentative de soumission de la nature et sa culture de la concurrence permanente.
A l'origine du salon de l'agriculture, il y a le « concours général agricole » qui existe depuis 1860. Le salon s'est construit autour de ce concours qui en est aujourd'hui un moment important. Organisé directement sous le contrôle de l'État français, ce concours vise à sélectionner les meilleurs « produits », notamment des animaux transformés en marchandises, dans une perspective totalement élitiste et dénaturée.
On y met en concurrence des animaux classés en 6 espèces (« bovines », « ovines », « caprines », « porcines », « équines » et « canines ») qui sont totalement transformées et sélectionnées pour correspondre aux standards productifs capitalistes. Les « produits », principalement de l'alcool ou des produits issus de l'exploitation des animaux, sont eux classés en 21 catégories : apéritifs, bières, charcuteries, cidres et poirés, découpes de volailles, eaux de vie, huiles de noix, huîtres, jus de fruits, miels et hydromels, piment d'Espelette, pommeau, produits issus de palmipèdes gras, produits laitiers exports, produits laitiers nationaux, produits oléicoles, rhums et punchs, truites fumées, vanille, vins de liqueur et volailles abattue.
Cet esprit des foires et des concours agricoles est un phénomène pour le coup historiquement très urbain et typiquement bourgeois. Les foires et les concours sont un besoin commercial et culturel pour la bourgeoisie des « bourgs », puis des villes, qui ont eu besoin de comparer et d'éliminer pour fabriquer une élite, satisfaire et justifier son existence. Les vaches en large surpoids présentées avec les pis le plus remplis possible – ce qui constitue une véritable torture – sont un des pires symboles de cette bataille bourgeoise contre la nature.
L'arrière-plan moderne de cela, c'est l'agro-industrie capitaliste qui ravage la biosphère, des océans à l’atmosphère en passant par les forêts. Les agriculteurs ne sont aujourd'hui qu'une petite partie de la production de nourriture, ils ne sont qu'un des maillons de la chaîne agro-industrielle capitaliste.
Les « terroirs » et les « appellations contrôlées » servent à masquer les grandes fermes usines dirigées par des agriculteurs capitalistes individuels, des abattoirs de plus en plus importants, des exploitations céréalières immenses et des exploitations maraichères exploitant des dizaines d'ouvriers et d'ouvrières agricoles, voir plusieurs centaines pendants les saisons.
C'est cela la réalité de l'agriculture en France. C'est une véritable industrie capitaliste avec en amont toute une industrie du matériel agricole et des produits chimiques. Avec bien sûr en aval les monopoles de l'agroalimentaire, qui bénéficient directement de la plus grande partie de la production agricole en France.
C'est cette réalité-là qui a fait du Crédit Agricole la première banque de France, qualifié de 2ème banque mondiale par son chiffre d'affaires et 10ème par ses bénéfices par le magazine d'économie américain Fortune.
Le salon international de l'agriculture est aujourd'hui l'une des pires expressions culturelles de la bourgeoisie française. C'est une entreprise gigantesque de soumission idéologique des masses populaires comme l'illustre parfaitement cette vidéo de l'Institut National des Archives compilant 50 ans de propagande contre la nature à l'occasion de l’anniversaire du salon.
La question de l'agriculture est quelque chose d'important pour les masses populaires, car elle pose concrètement la question de la reproduction de la vie réelle à une époque où la bourgeoisie impose ses choix contre-nature. C'est une nécessité pour l'avenir que de comprendre et résoudre les problèmes qu'engendre l'agro-industrie capitaliste. Mais les masses ne trouveront pas de réponse dans le repli individuel et la célébration d'un pseudo-passé mythifié.
Ni les campagnes d'avant, ni les villes d'aujourd'hui ne sont propices au libre développement et à l'épanouissement de l'humanité civilisée, en quête d'harmonie avec la biosphère. L'issue pour les masses nécessite une compréhension matérialiste dialectique de notre monde, du mouvement de la vie et donc de la biosphère.
Pour cela, la révolution devra abattre l'esprit du salon de l'agriculture et ses pseudo-traditions.
C'est une tâche indispensable et principale de la révolution socialiste en France que de saisir et détruire l’esprit du terroir, le culte passéiste et mystifié de la France rurale.
La dictature du prolétariat pulvérisera l'esprit du salon de l'agriculture pour arborer la célébration de la biosphère, pour dépasser la terrible contradiction villes-campagne et marcher au communisme !