Le triomphe des forces centrifuges
Submitted by Anonyme (non vérifié)C'est une vérité qui s'est étalée au grand jour ces dernières semaines avec les manifestations de « soutien » à Gaza : les forces centrifuges ont triomphé des organisations. Le phénomène était déjà lisible au début des années 1990 : l'apparition du semi-syndicat CNT en a été l'expression la plus nette.
La CNT a été un syndicat, mais a agi comme une organisation politique, sans les exigences de celle-ci. C'était une organisation « décentralisée », à la carte. Elle a réussi à agglomérer des milliers de personnes justement de par son mode de fonctionnement. Le prix à payer en a été bien entendu la division multiple de ces dernières années, accompagné d'un effondrement profond.
La même chose est arrivée à la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR), devenu Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). La LCR était une organisation où cela ne rigolait pas, les cadres étaient formés de manière stricte, les permanents étaient nombreux et jouaient un rôle central dans la conquête des syndicats et des associations. L'organisation suivait précisément la moindre évolution militante, sa stratégie et sa tactique étaient extrêmement précises. Le NPA, à l'opposé, n'est qu'un grand bazar associatif.
Même des organisations massives fonctionnant de manière autonome, à l'écart, comme Lutte Ouvrière ou le Parti Ouvrier Indépendant (ancien Parti des Travailleurs, lui-même ancien Parti Communiste Internationaliste-PCI) connaissent cette tendance. Pourtant, tant Lutte Ouvrière que le PCI des années 1970-1980 étaient structurés de manière paramilitaires sur le plan de l'organisation. Cela n'a pas empêché la contamination par le libéralisme.
Naturellement, les outils comme Facebook ou les blogs ont accentué cette tendance, où l'individu roi intervient, s'imaginant ou se prétendant, pour les plus mégalomanes, au-dessus de la réalité historique. Tel ou tel individu s'imagine juge de l'histoire, dans un grand élan d'idéalisme, confinant parfois au délire. Le nombre de gens prétendant arriver de nulle part et « commander » est effarant.
Il va de soi que cette mentalité, totalement petite-bourgeoise, est aux antipodes de la discipline communiste. Les communistes savent que l'étude est longue, qu'il y a beaucoup à apprendre, que rejoindre un Parti Communiste authentique nécessite une cooptation et des mois de période de transition avant de se voir reconnu un statut de membre à part entière.
Il s'agit d'une question de reconnaissance de la réalité historique et humaine. Évidemment, des gens biberonnés à la société de consommation ne veulent pas entendre parler de cela. Leur ego est trop puissant pour cela, alors ils tergiversent, inventent des prétextes, tout cela pour faire les choses à leur manière.
En agissant ainsi, ces gens se condamnent à rester marginaux, à l'écart de toute évolution militante, culturelle, intellectuelle. Leur seule dimension est le ressentiment, leur seule action de ressasser, leur seule attitude la tentative de putsch permanent. A leurs yeux, tout est une cible pour leur « intelligence ».
Pour les moins mégalomanes, les plus nombreux, il y a le papillonnage. Un papillonnage que les amalgames fascisants des manifestations de « soutien » à Gaza ont bien souvent calmé. Le phénomène n'a rien de nouveau en France ; en Allemagne, la totalité de l'extrême-gauche n'a quant à elle même pas manifesté justement en raison de cela, à part quelques groupes « anti-impérialistes » d'un très grand simplisme, voire franchement antisémites.
Ces derniers jours, on a également vu des documents concernant le sionisme diffusés sur facebook, alors que les sources étaient fascistes. Un document de la droite israélienne a par exemple été diffusé en vue d'agitation depuis un site violemment antisémite et qui est un des plus importants sites de la mouvance de Dieudonné et Alain Soral. Même s'il est fait machine arrière, comment ne pas voir la culture de la consommation individuelle, de l'absence de responsabilité idéologique ?
D'ailleurs, notons l'irresponsabilité des « postures » : les organisations prennent des positions, alors qu'en réalité la base ne pense pas du tout cela, se considérant par ailleurs comme autonome et libre de ses propres choix. Les organisations ont ici une pratique consistant en une fiction visant à maintenir leur existence, au moins en apparence.
Dans un communiqué de la CGA, la Coordination des Groupes anarchistes, on peut par exemple lire une grande critique de l'esprit pogromiste d'Alain Soral et Dieudonné. C'est une affirmation compliquée, nécessitant une grande réflexion théorique et culturelle.
Or, la CGA n'a jamais avancé en ce sens, elle n'a jamais abordé la question, et sa pratique témoigne que ce n'est pas du tout sa préoccupation, bien plus tournée vers les « indigènes de la république ».
Par conséquent, lire la chose suivante relève de l'absurde :
« Les fascistes religieux, les nationalistes français, notamment le courant regroupé autour de Soral et de Dieudonné, désignent la minorité juive comme responsable de l'oppression des minorités noires et arabes dans les quartiers populaires.
Les juifs et juive sont assimilés à la finance et rendus responsables de la crise, pour détourner ainsi la colère populaire vers une logique de pogrom, et protéger ainsi la bourgeoisie française, mais aussi l'impérialisme français. »
(Contre l'antisémitisme, autodéfense antifasciste et luttes populaires !)
De tels propos ne reflètent certainement pas la base de la CGA, tout au plus s'agit-il d'un pompage théorique de lesmaterialistes.com, remodelé en version semi-anarchiste.
Affirmer qu'Alain Soral et Dieudonné sont dans une logique de pogrom, voilà ce que nous expliquons depuis des années, mais aucune organisation d'extrême-gauche ne l'a fait, alors prétendre atteindre ce niveau d'économie politique du jour au lendemain est tout à fait absurde.
Il faut du temps pour comprendre, pour former. Prétendre que ces lignes reflètent la position de la CGA est mensonger, cela ne tient pas debout. C'est de la posture, de la fiction.
Une fiction pour se placer, pour apparaître progressiste, mais qui ne témoigne pas du tout de la réalité de la base. D'où l'effondrement de l'extrême-gauche : le décalage ne tient plus, les gens partent car ils pensent différemment, leur culture est différente. Où est la base de la CNT, qui n'est plus que l'ombre d'elle-même ? Où sont les gens qui étaient à la LCR ? Tout cela a disparu.
Pensons pourtant aux sacrifices immenses faits pendant des années par les gens de la LCR ou de la CNT, à leur abnégation. Leurs succès ont pourtant disparu, ne laissant plus aucune trace.
Aussi, mieux vaut moins mais mieux, voire même extrêmement moins mais mieux. C'est le principe de la social-démocratie historique, du léninisme, du maoïsme, du matérialisme dialectique. C'est le rôle dirigeant de la théorie, de l'idéologie. Sans cela, tout est vain.