18 déc 2014

De la question de l'auteur dans un organe de presse

Submitted by Anonyme (non vérifié)

En France, en raison de la tradition universitaire et intellectuelle bourgeoise, il y a une grande personnalisation. C'est tellement vrai que le proudhonisme n'est nullement un système de pensée, mais uniquement des réflexions propres à Pierre-Joseph Proudhon, et c'est pareil pour Jean Jaurès, Jean-Paul Sartre, Albert Camus, etc.

De là la fascination également en France pour Friedrich Nietzsche, qui mélangeait de la même manière littérature, esprit d'essais, philosophie et politique, ou encore pour Trotsky.

Mais la véritable formation intellectuelle exige, non pas le libéralisme, mais bien l'esprit de synthèse. Si l'on regarde Aristote, Baruch Spinoza, Emmanuel Kant, G.W.F. Hegel, Karl Marx... on peut voir que ces auteurs ont élaboré des systèmes.

On peut pratiquer l'escroquerie et piocher, il n'en reste pas moins qu'ils ont formulé des doctrines – ce qu'en France, pour des raisons historiques, on a du mal à comprendre.

Pour cette raison, l'esprit collectiviste est d'une très grande importance pour un organe de presse rompant avec les traditions individualistes. Un organe de presse, lorsqu'il s'affirme révolutionnaire, prétend toujours affirmer la vérité, et non pas sa vérité, mais la seule vérité.

C'est ici une prétention scientifique, où l'on raisonne en se disant : penser juste, c'est penser de la même manière que moi. Il n'y a qu'un univers, qu'une seule pensée scientifique possible par conséquent : telle est la position d'Aristote, d'Avicenne et d'Averroès, de Baruch Spinoza, de Karl Marx et Friedrich Engels, etc.

Il n'y a, dans ce cadre, aucune possibilité d'avoir des articles ou des écrits signés de manière personnelle. Si l'on regarde d'ailleurs au Pérou, les documents les plus poussés de Gonzalo ont été signés Parti Communiste du Pérou, et non Gonzalo. Quant à sa fameuse interview, elle fut donnée en tant que dirigeant du Parti Communiste du Pérou, la partie personnelle à la fin étant seulement informative, et jamais orientée de manière « personnalisante ».

Cela est une pratique nécessaire, car tout comme à l'époque de l'Encyclopédie, un auteur peut mourir mais ses avancées scientifiques, elles, restent. La pratique de personnaliser les points de vue est nécessairement individualiste, elle s'associe à un plan de carrière, à la valorisation d'un parcours.

On n'est pas ici dans le nécessaire épanouissement, mais bien dans l'opportunisme, l'esprit carriériste qui tente de se dédouaner, de ne pas assumer, de promouvoir sa propre petite personne, etc.

Refusant la discipline en général, elle refuse la discipline scientifique de ce qui est pour cette personne une « pensée unique », un « dogmatisme ». On sait à quel point pour le petit-bourgeois des années 1960 s'imaginant progressiste, il n'y a pas un mais « plusieurs maoïsmes ». On pioche, on tronque, on adapte, on fausse, selon ses envies.

Bien entendu, cela ne veut nullement dire qu'il ne faille pas « rendre à César ce qui est à César (et à Dieu ce qui est à Dieu) », c'est-à-dire qu'il ne faille pas reconnaître les travaux éventuels d'un individu particulier – à condition que l'honneur en tant que tel revienne au matérialisme dialectique, et pas à la personne.

Liens vers la liste des articles sur le PartiBien entendu, dans les arts et les lettres, le travail d'un artiste peut être reconnu comme le sien : c'est lui qui a reflété la réalité en particulier, donc il faut reconnaître ce processus particulier, même si la question du droit d'auteur ne saurait être comprise de manière bourgeoise, dans un esprit de propriété personnelle et de prétention au génie créant à partir de rien, hors de la société voire de la réalité.

De la même manière, des travaux scientifiques dans un domaine précis peuvent tout à fait être signés personnellement, jusqu'à ce qu'à la fin un point de vue scientifique définitif soit assumé. Mais cela relève là du monde de la recherche, de l'université, et pas directement de la réalité forcément immédiatement politique d'un organe de presse.

Pour un organe de presse, il ne saurait y avoir d'individus : c'est toujours le collectivisme qui prime.

Les grandes questions: 
Rubriques: 
Resume page accueil: 
En France, il y a une tradition intellectuelle bourgeoise de grande personnalisation ; or pour un organe de presse, il ne saurait y avoir d'individus : c'est toujours le collectivisme qui prime...