18 mai 2015

Jean-Luc Mélenchon contre l'Allemagne

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Jean-Luc Mélenchon est très connu en France comme politicien de gauche ; ancien socialiste, il a fondé le Parti de Gauche et cela fait partie de sa tradition d'être grossier et provocateur. Mais son style a un sens : un complet populisme.

Il y a quelques jours, en fait juste soixante-dix ans après la fin de la seconde Guerre Mondiale, il a publié un livre : Le hareng de Bismarck - Le poison allemand. Pour rendre les choses encore plus excitantes, pour ainsi dire, il a posté auparavant sur son site une vidéo avec la faute du gardien de but Harald Schumacher sur le joueur français Patrick Battiston lors de la demi-finale de la Coupe du Monde de football de 1982 !

Ce qu'on trouve dans le livre est facile à deviner. Il y aurait un « modèle allemand », et tous les problèmes en France viendrait de celui-ci. Non seulement les dominants pensent que ce modèle serait à suivre, mais l'Allemagne serait aussi une puissance expansionniste.

« La résistance doit donc être mené » en conclut-il. Déjà en décembre 2014, Jean-Luc Mélenchon avait mené une provocation en tweetant à l'intention de la chancelière allemande : « Ferme ta Bouche Mme #Merkel. La France est libre ».

Nous avons ici une rhétorique national-socialiste classique : la communauté serait attaquée de l'extérieur, par un poison qu'il faudrait stopper par une mobilisation nationale des forces saines.

Jean-Luc Mélenchon explique que l'Allemagne a une population de plus en plus petite, qu'elle a besoin de la zone euro pour son hégémonie, qu'elle exige l'ultra-libéralisme dans tous les pays ... et que la France en serait une victime.

Bien sûr, l'ennemi, selon Jean-Luc Mélenchon est le « capitalisme financier » et non le capitalisme en tant que tel. L'Allemagne serait alors en soi le capitalisme financier, une économie libérale complète, un État tribal tendant à l'expansion.

Bien sûr, la lutte contre l'Allemagne passe aussi pour lui par une alliance avec la Russie contre l'OTAN et l'Union Européenne. C'est une idéologie nationale-révolutionnaire classique de « gauche » qui est présentée ici par Jean-Luc Mélenchon.

Lien vers le dossier intitulé La Social-démocratie (1883-1914)En fait, il dit la même chose que Marine Le Pen : la France veut une alliance avec l'Allemagne et la Russie, mais ne veut pas être subordonnée, et l'ennemi principal, ce sont les États-Unis d'Amérique. Il y a comme alternative soit le fascisme soit le populisme de « gauche » national comme étape intermédiaire du fascisme.

Dans ce cadre, Jean-Luc Mélenchon veut montrer qu'il a la capacité de mobiliser les masses contre le « mauvais » capitalisme, sans attaquer le « bon ».

Si Jean-Luc Mélenchon parvient à construire un consensus, où il est expliqué qu'une politique économique libérale serait dictée par l'Allemagne, il peut combiner le « national » et le « social » et, par conséquent, protéger le capitalisme français.

Son positionnement, cependant, n'est pas seulement totalement réactionnaire. Il n'est pas du tout vrai, dans la mesure où il est faux de dire que la RFA d'aujourd'hui est reliée aux Etats-Unis d'Amérique. C'était auparavant vrai, indéniablement. Dans leur prise du parole du 13 janvier 1976, les prisonniers de la RAF Andreas Baader, Gudrun Ensslin, Ulrike Meinhof et Jan-Carl Raspe expliquent de manière juste :

« Pour la politique étrangère des États-Unis et son principal instrument - l'armée américaine-, ont été fondées par les États-Unis après 1945 trois États en tant que bases d'opération de la politique étrangère américaine hors des États-Unis: la République fédérale, la Corée du Sud et le Sud-Vietnam.

La fonction de ces Etats pour l'impérialisme US alla dès le départ dans deux directions : ils étaient des bases d'opération de l'armée US pour l'encerclement et finalement le roll back [faire reculer] de l'Union Soviétique, plus précisément de l'armée soviétique, et ils étaient des bases d'opération du capital américain pour l'organisation suivant les intérêts du capital US de la région d'Asie de l'Est et du Sud là-bas, de l'Europe de l'Ouest ici (…).

Dans son ensemble, la colonisation politique du prolétariat ouest-allemand est caractérisée par l'offensive anti-communiste de l'impérialisme US et du capital monopoliste allemand à ses côtés – l'anti-communisme acheminé vers l'extérieur par la conduite de la guerre psychologique dans le cadre de la stratégie du roll-back, acheminé vers l'intérieur par la psychologisation de la politique comme base de la « rééducation », du lavage de cerveau des masses.

Dans la mesure où la force d'occupation a déposé les causes du fascisme non pas simplement dans la personne de son Führer, mais également avec la prétention raciste de la « culpabilité collective » dans le caractère de tout le peuple, elle a empêché que la défaite du mouvement ouvrier de 1933 soit discutée comme conséquence d'une politique erronée, et elle a tabouisé par là la vraie cause du fascisme : la classe dominante du capitalisme monopoliste, les rapports de production capitalistes – et par là, sa continuité. »

Il était vrai alors que « l'impérialisme US en tant que pouvoir colonial domine toute la politique ouest-allemande intérieure ».

La RFA, depuis l'unification permise par la désintégration de l'Union soviétique social-impérialiste, suit toutefois une ligne indépendante. La souveraineté politique n'est plus simplement formelle - l'ironie de l'histoire est ici aussi que la ligne erronée de la RAF – qui n'a jamais compris l'URSS en tant que social-impérialisme - a effectivement aidé à construire cette ligne indépendante.

Étant donné que la lutte anti-impérialiste était seulement menée contre l'OTAN et les Etats-Unis d'Amérique, des parties de la bourgeoisie allemande purent en bénéficier. Il est arrivé la même chose avec les luttes anti-nazies des années 90 : elles ont en partie contribué à moderniser l'Allemagne. La même chose est arrivée en Autriche.

Dans ce processus, les « Verts » ont joué un rôle majeur. Les restes de la superstructure féodale ont été liquidés ; ici, nous devons penser à l'excellente analyse d'Alfred Klahr quant au national-socialisme en Allemagne (« le texte d'Auschwitz »).

Comme Alfred Klahr, autrichien, l'avait remarqué, pour comprendre Allemagne, il était nécessaire d'analyser le rôle des junkers de Prusse et le prétendu prussianisme dans le développement national de l'Allemagne.

Alfred Klahr dit ici :

« Avec la poursuite du développement de la bourgeoisie, avec la formation du capital financier allemand et la transition vers l'ère de l'impérialisme, le capital financier est également allé en direction de la participation au pouvoir.

Mais dans cette coalition entre le système de Junkers et le capital financier, c'est le premier qui jouait le rôle de premier plan, notamment grâce à l'influence de la dynastie et de la Cour. L'armée, la politique étrangère, les postes les plus importants de l'administration interne,la justice étaient des domaines des Junkers.

Même après la révolution bourgeoise de 1918, le capital financier, si l'on met de côté quelques périodes intermédiaires orageuses jusqu'à environ 1923, s'en est tenu à cette coalition avec les Junkers (la République de Hindenburg). Sauf que, dans cette coalition, la direction a été transférée au capital financier. Cela est vrai, malgré quelques frictions et divergences, pour la nature de classe du fascisme allemand (...).

Marx et Engels parlent de la misère allemande d'avant 1866 et entendaient par là la fragmentation en petits États de l'Allemagne; comme cette fragmentation n'a pas été abolie de manière démocratique-révolutionnaire, mais prussienne, militaire, réactionnaire, il y avait et il y a une autre misère allemand ou plus exactement la misère allemande sous une autre forme:

la vaste prussianisation de l'Allemagne, la domination politique et dans le domaine des idées des forces réactionnaires prussiennes sur la nation allemande, qui s'est ensuite coulée, à travers divers événements historiques, en raison de la faiblesse des forces révolutionnaires-démocratiques, dans le fascisme allemand. »

Avec la réunification, comme le capitalisme en Allemagne était très fort déjà, cela en est allé à la pleine indépendance.

Et dans cette stabilité, le gauchisme pu être utilisé comme une révolte sociale « anti-sociale », avec un contenu en forme de mélange de « ACAB », « critique sociale », « alternative anticapitaliste », et ainsi de suite : plus la gauche radicale était « sociale », plus elle a en réalité seulement accompagné la modernisation.

Le mouvement « anti-national » ici était le point culminant de la capitulation : dans la mesure où l'Allemagne a été tout simplement niée, était simplement niée la nécessité d'une étude historique. La lutte des classes n'existait plus, ne restait que le postmodernisme et la « critique sociale ».

C'est une preuve que Jean-Luc Mélenchon se trompe. L'Allemagne est capitaliste, tout comme la France, comme l'Angleterre, comme aux États-Unis d'Amérique. L'Allemagne n'est plus une troupe d'intervention des États-Unis comme dans les années 1970.

Et il n'est pas vrai que la RFA contrôlerait l'UE, qu'elle serait un modèle. Il en va simplement des contradictions inter-impérialistes, qui font que la guerre impérialiste est inévitable, s'il n'y a pas la révolution socialiste pour l'empêcher.

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Jean-Luc Mélenchon est très connu en France comme politicien de gauche ; ancien socialiste, il a fondé le Parti de Gauche et cela fait partie de sa tradition d'être grossier et provocateur. Mais son style a un sens : un complet populisme...