27 fév 2015

De Frantz Fanon à Abd al Malik, subjectivisme identitaire et "antiracisme" post-moderne

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le chanteur Abd al Malik s'est couvert de ridicule en déclarant :

« Je sais de source sûre qu'il y a des gens qui se sont désabonnés de Télérama parce qu'il y avait un noir en couverture ».

Dire que Télérama, organe des « cathos de gauche », puisse avoir un quelconque lectorat abonné assumant un tel racisme relève tout simplement de l'absurdité la plus complète.

Mais c'est cohérent avec l'idéologie de l'auteur d'une autobiographie intitulée Qu'Allah bénisse la France, qui est un soufi, ce mysticisme qui a l'air si progressiste mais est en réalité est totalement réactionnaire, anti-rationaliste, comme l'a parfaitement expliqué Averroès. On est ici dans la démarche post-moderne de pseudo critique sociale des « préjugés ».

Dans le mouvement ouvrier, on a historiquement considéré que la redistribution des richesses était la base pour se débarrasser des problèmes sociaux : un mode de production au service de l'ensemble de la société, dans l'abondance, faisait nécessairement disparaître tous les soucis, les préjugés, etc.

Le post-modernisme ne raisonne pas ainsi. Il considère que dans la société il n'y a pas de mode de production qui compte, mais des rapports hiérarchiques. Il y a un « en haut » et « en bas », donnant naissance à des préjugés, des systèmes de valeur, etc.

Le concept d'exploitation formé scientifiquement par Karl Marx disparaît ainsi au profit de celui d'oppression. La personne qui est en bas est opprimée, dévalorisée, et sa révolte, quelle que soit sa forme, est nécessairement juste.

Une femme bourgeoise est ici une protagoniste du combat « révolutionnaire » si elle est noire ou lesbienne, et encore plus si elle est les deux. Depuis les années 1990 on a une inflation gigantesque de nouvelles identités révolutionnaires de ce type : la figure « authentique » mais dévalorisée serait le hooligan ou le supporter ultra, le gay ou le trans, la lesbienne ou la personne âgée, la personne handicapée ou encore la femme immigrée, etc.

En apparence, cela apparaît comme une cause démocratique, qui parle à tout le monde qui n'aime pas l'oppression. En réalité, c'est un existentialisme qui prône la révolte individuelle.

Pire : il s'agit là d'identités inventées. On ne défend pas ce qu'on est, on défend qui on veut devenir -  c'est la bas de l'existentialisme.

Voilà pourquoi le queer est le summum du post-modernisme : on choisit d'être un individu, sans aucune attache à rien, à part soi-même. Naturellement, de la même manière, on peut « choisir » d'être breton, basque, musulman : ce qui compte c'est la subjectivité, le fait de se donner une identité.

Le post-modernisme c'est, avant tout, l'affirmation du subjectivisme identitaire, contre la nécessaire redistribution objective des richesses. C'est la promotion de l'individu contre l'unité collective ; c'est une forme d'ultra-libéralisme.

Il n'y a ainsi, tout à fait logiquement, ici plus de cause basque ou de cause bretonne : il n'y a plus que des individus bretons ou basques.

Le combat contre l'islamophobie est ici caractéristique. Celle-ci fait partie des innombrables « phobies » diagnostiquées ces dernières années par le post-modernisme. Et ce combat, donc, se moque de l'Islam, de la culture islamique, de son aspect démocratique, tout comme il nie la dimension féodale, réactionnaire.

Il prend en otage les « musulmans », ou plutôt l'individu musulman, surtout si c'est une femme voilée, afin de plaquer ses fantasmes de fracture entre un « en haut » et un « en bas ».

On comprend que le post-modernisme soit incapable de reconnaître que le racisme existe dans les masses, ne voyant en celui-ci qu'un « complot » par en haut. Il ne peut voir ni les affrontements inter-communautaires, ni l'antisémitisme, puisqu'il raisonne en termes d'individu seulement, et en ne regardant qu'en haut, jamais en bas, puisque cela serait reconnaître l'unité du peuple.

Jean-Paul Sartre et Frantz Fanon ont été les grands promoteurs de cela, avec les trotskystes de la IVe Internationale. En Algérie colonisée par la France, le Front de Libération Nationale (FLN) était un mouvement clairement petit-bourgeois, et d'ailleurs il s'est immédiatement transformé en vecteur d'une bourgeoisie bureaucratique.

Or, Jean-Paul Sartre, Frantz Fanon, la IVe Internationale (avec la Ligue Communiste), etc. ont soutenu le FLN, justifiant les massacres de civils comme nécessaire subjectivité « révolutionnaire » de l'opprimé. Les crimes de type féodaux ont été stylisés en révolte existentielle.

Mettre une bombe dans un café rempli de civils, repasser par derrière pour mitrailler les gens aidant les blessés : voilà ce qui leur apparaissait comme une « rupture » nécessaire pour renverser moralement et culturellement l'ennemi.

On est là dans une logique totalement anti-démocratique, raisonnant en tout sauf en mode de production. Il n'est guère étonnant que soit ici mise en avant la littérature de Jean Genet, Bernard-Marie Koltès, Jean-Luc Lagarce, Michel Foucault. En arrière-plan, ce qui a parlé c'est leur vie.

Michel Foucault a été une figure du sado-masochisme, Bernard-Marie Koltès et Jean-Luc Lagarce sont morts du SIDA, Jean Genet a vécu comme mendiant voleur, etc.

On a ici une mise en abyme, celle de l'intellectuel gay en rupture avec la société célébrant lui-même des figures en rupture avec la société, le plus souvent de manière violente, comme lorsque Bernard-Marie Koltès célèbre le tueur en série Roberto Succo, etc.

On est ici dans le choix individuel et identitaire, dans une démarche totalement à l'opposé du matérialisme dialectique, qui lui est collectif et universel. Là où le matérialisme dialectique voit en la pornographie l'expression décadente de l'individualisme sans sentiments, le post-modernisme y voit un dépassement de la morale bourgeoise par l'individu sans tabous.

C'est évidemment très proche ou assimilable aux mouvements artistiques des années 1920 comme le surréalisme, le cubisme, le futurisme, etc., tous ces courants d'individus vivant la bohème en grand bourgeois et célébrant la « rupture » avec le monde « bourgeois ».

C'est un attrape-nigauds, une 5e colonne au service de la bourgeoisie, qui capte ainsi les gens désireux de se révolter, surtout les jeunes, pour les précipiter dans le subjectivisme.

Au lieu d'affirmer la science, on est ici amené à prôner une esthétique de la révolte, dans une sorte de syncrétisme anarcho-gauchiste plus ou moins marxisant, toujours cosmopolite, toujours à la recherche de davantage de « radicalité » pour prétendre être à la « pointe » de la lutte.

Le post-modernisme, cette révolte artificielle, concerne toute une époque, allant des années 1950 à aujourd'hui ; il connaît en ce moment son apogée. Il a réussi à semer la division au sein des masses, il a semé la confusion, le scepticisme, le doute.

Mais il ne saurait bloquer les luttes de classes : aussi l'affirmation du matérialisme dialectique, de manière solide, contribue aujourd'hui à son effondrement lamentable de demain.

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Le post-modernisme, cette révolte artificielle, concerne toute une époque, allant des années 1950 à aujourd'hui ; il connaît en ce moment son apogée. Il a réussi à semer la division au sein des masses, il a semé la confusion, le scepticisme, le doute...