14 juin 2014

Les pièces de théâtre qui ont marqué les luttes de classe en France

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La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne a commencé en Chine populaire au sujet d'une pièce de théâtre. Cela ne doit pas nous étonner : de tels moments ont bien entendu existé dans d'autres pays.

La Belgique est ainsi née de la révolte nationale contre la Hollande, à la suite d'un opéra, La Muette de Portici de Daniel-François-Esprit Auber. Le public bourgeois est galvanisé par le duo intitulé « Amour sacré de la patrie, rends-nous l'audace et la fierté », alors que l'opéra lui-même raconte comment Naples (Portici étant un port voisin) se révolte contre la domination espagnole.

Les bourgeois se réunissent dans la foulée à l’hôtel de ville, reprenant les couleurs hissées là-bas et qui donneront le drapeau belge, alors que l'insurrection nationale se profile.

En France, ce sont plusieurs pièces de théâtre qui ont joué un rôle très important. La première est le fameux Dom Juan ou le festin de pierre, de Molière. Ce dernier, appuyé par la monarchie absolue, frappait tant l'aristocratie que la religion au moyen de pièces désignant des caractères à dénoncer (le faux dévot, le bourgeois voulant devenir gentilhomme, le vieil homme s'opposant à l'émancipation féminine, l'aristocrate de province rejetant la Cour, etc.).

La pièce Le Tartuffe ou l'Imposteur, jouée en 1664 au château de Versailles, provoqua un premier grand trouble, et le roi fut obligé de procéder à l'interdiction de la jouer en public. Molière tenta cependant de passer en force avec sa nouvelle pièce, Dom Juan ou le festin de pierre, en 1665.

Après une quinzaine de représentations et l'interruption pour les fêtes de Pâques, la pièce n'est pourtant plus jouée, et l'éditeur n'osa même pas la publier. La pression idéologique de l’Église fut complète. La pièce fut rejouée à partir de 1677, mais dans une version modifiée au possible par Thomas Corneille.

Dom Juan ou le festin de pierre allait en effet trop loin dans le camp du matérialisme pour être acceptable par le régime ; Molière touchait aux limites de la dimension progressiste de la monarchie absolue, qui s'opposait à la féodalité, mais ne pouvait l'abolir.

Dom Juan ou le festin de pierre ne put pas jouer son rôle d'arme dans la lutte des classes. Mais, ainsi, tant cette pièce que Le Tartuffe ou l'Imposteur ont formé un moment essentiel dans les luttes de classe en France.

De manière intéressante, les autres pièces qui ont joué un rôle relèvent par contre du camp réactionnaire. La première est la pièce intitulée Hernani, ou l’Honneur castillan, de Victor Hugo. Datant de 1830, elle a été le prétexte à la bataille d'Hernani, avec des affrontements verbaux voire physiques durant les représentations, provoqués par Victor Hugo afin de renforcer sa position et visant à abolir les règles classiques du théâtre.

Après avoir été royaliste, Victor Hugo s'est fait ici le zélateur de la bourgeoisie dans une optique nihiliste, avec comme esprit le rejet des valeurs portées jusque-là. Dans la préface de la pièce Cromwell, Victor Hugo fera toute une théorie du drame bourgeois, niant absolument la nécessité d'assumer le meilleur de la culture du passé, au profit de l'immédiateté de l'individu bourgeois qu'il faudrait exalter.

C'est le principe du rejet du formalisme de la règle des trois unités au théâtre (temps, lieu, action), de la bienséance, des alexandrins, etc ; toutefois, Victor Hugo tourna cela dans un sens totalement individualiste, brisant non pas simplement la forme, mais surtout le fait que cette forme reliait les personnages à la société.

Victor Hugo représentait une forme « ultra », nihiliste, rejetant d'assumer le passé pour le dépasser. Victor Hugo est la cause nihiliste du fait que le théâtre français, depuis cette période, s'est limité en un insupportable culte du psychodrame, empêchant d'ailleurs le cinéma français d'aller de l'avant en raison de la reprise du modèle du psychodrame théâtral.

Exactement dans le même esprit nihiliste, Samuel Beckett publia En attendant Godot en 1952, qui provoqua pareillement des affrontement en 1953. Là encore la démarche était de faire sauter les codes afin de mettre en avant le rejet de toute ligne de conduite culturelle. On a ici le culte du scepticisme, du relativisme. C'est l'esprit de l'absurde, c'est l'existentialisme.

Samuel Beckett, avec Eugène Ionesco, Albert Camus, Jean-Paul Sartre, etc., a été un outil au service de la déliquescence, de la liquidation de la culture. Le scandale provoqué par En attendant Godot a été une réponse saine de la part des défenseurs de la culture – tant les communistes que la bourgeoisie traditionnelle.

Un scandale du même type fut provoqué par la pièce Les paravents, de Jean Genet, en 1966. En apparence, on a une pièce dénonçant les actions de l'armée française en Algérie, et prétexte à des affrontements provoqués par l'extrême-droite et l'armée. Mais en pratique tout un pan de la bourgeoisie va soutenir l'oeuvre, au nom du libéralisme en culture, et surtout de la décadence.

La pièce dure cinq heures et présente cent personnages dans un cadre qui est celui d'un délire subjectiviste repris par la suite par les clones de Jean Genet : Bernard-Marie Koltès et Jean-Luc Lagarce, deux auteurs homosexuels morts du SIDA et présentés, dans une démarche romantique, comme des modernistes remettant en cause le langage, la mise en scène, etc.

En fait, à partir de la bataille d'Hernani, la « rupture » est devenue le flambeau de la bourgeoisie « moderniste », et les pièces de théâtre ont été un moyen de saper la culture. La mise en avant du « queer » prolonge cette démarche enracinée dans le subjectivisme, qui utilise le théâtre pour passer à l'offensif sur le plan des valeurs.

Ainsi, tant En attendant Godot que Les paravents ou Hernani ou l'Honneur castillan reflètent des affrontements dans la lutte des classes. La bourgeoisie ultra, rupturiste, prête à tout pour assumer l'ultra-libéralisme, la rupture complète avec le passé, le subjectivisme, a directement utilisé ces batailles théâtrales.

Alors que Molière avait mené une offensive avec un théâtre vivant assumant le meilleur du passé pour dresser des portraits objectifs, la bourgeoisie moderniste n'a proposé que du théâtre subjectiviste jusqu'au délire, afin de prôner l’ultra-individualisme dans tous les domaines.

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