« Tree of life » : un film religieux
Submitted by Anonyme (non vérifié)« Regarder dans l’univers signifie réfléchir sur le mouvement de la matière qui a formé tous les éléments célestes et dont les humains sont une seule des innombrables formes ». (Contre la pollution lumineuse, faisons reculer les villes pour redécouvrir le ciel étoilé !)
Le film « Tree of Life » de Terrence Malick, qui a remporté la palme d’or au festival de Cannes, est sorti au cinéma depuis un peu plus d’un mois et retrace la vie d’une famille américaine dans les années 50 écrasée par l’éducation autoritaire du père. Mais « Tree of Life » se signale aussi par son ambition de retracer l’histoire de l’univers : le big bang, la formation des galaxies, des planètes, des images de matière en fusion, etc.
Mais le film, qui s’ouvre avec une citation de la Bible (livre de Job) ne s’intéresse jamais au mouvement de la matière, à l’enchaînement logique qui ne doit rien au hasard et produit des formes de vie variées toutes liées entre elles au sein de la biosphère. Les séquences de « Tree of Life » se succèdent non et témoignent d’une fascination pour la création de matière (et non pas pour la production de matière). De cette façon, Terrence Malick voit la main de Dieu partout.
La scène des dinosaures est particulièrement emblématique de l’omniprésence de Dieu et de sa puissance créatrice, du point de vue idéaliste de Malick. Dans ce passage du film, alors qu’un dinosaure est allongé sur le sol, blessé, un autre dinosaure s’approche visiblement pour le tuer. Ce dernier pose une patte sur le corps du dinosaure blessé afin de l’immobiliser. Puis, à la surprise générale, le dinosaure prédateur se détourne de sa proie et ne le tue pas. Malick entend ici filmer la naissance de la compassion comme ça, à partir de rien, probablement sur intervention divine.
D’ailleurs, « Tree of Life » choisit de passer totalement outre l’histoire de l’humanité au sein de la biosphère. Grâce à cette impasse volontaire, Malick évite soigneusement de se confronter au matérialisme dialectique et peut poursuivre son récit idéaliste. En effet, l’histoire de l’humanité au sein de la biosphère n’est pas compréhensible sans l’apport du matérialisme dialectique car l’être humain est le seul animal à se servir de ses mains pour travailler et ainsi façonner son environnement et développer ses propres capacités. L’être humain, en tant que produit de la nature et de son propre travail, est le seul animal à avoir conscience de la loi universelle de la dialectique. Ceci constitue logiquement un obstacle insurmontable à l’approche déiste de Malick qui l’a donc purement et simplement contourné.
En fait, ce n’est pas l’histoire concrète, matérialiste qui intéresse Malick mais le miracle de la vie, l’étincelle de la création, bref le symbolisme. « Tree of life » a souvent été comparé à « 2001 : l’odyssée de l’espace », mais la scène-clef des dinosaures, où s’exprime le surgissement ex nihilo de la bonté, exactement comme celle de Kubrick et Arthur C. Clarke.
« 2001: l’odyssée de l’espace » est en effet un film qui cherche à se débarrasser du matérialisme. Ainsi, la scène d’ouverture retrace la production des premiers outils par des hominidés en la reliant avec un « monolithe » produit par une civilisation ultra avancée aidant l’humanité à avoir le « déclic » (en l’occurrence la scène où un bâton est utilisé comme arme pour tuer et dominer!). Kubrick et Clarke adoptent donc une approche anti- matérialiste, où il y aurait eu création par une civilisation tellement avancée qu’elle serait « immatérielle » et gambaderait toute puissante dans l’espace: le film se réfugie dans un symbolisme de type néo-religieux.
C’est justement ce symbolisme que l’on retrouve dans la deuxième partie du film consacrée à la chronique d’une famille américaine des banlieues middle class dans les années 50.
La symbolique est très présente dans le couple formé par la répartition des rôles dans le couple O’Brien. Le père est un passionné de musique qui a échoué à faire carrière et en retire une profonde frustration. Il a l’impression que les autres ne le respecte pas à sa juste valeur alors qu’il aurait pu devenir « quelqu’un ». Il inculque à ses fils une éducation autoritaire basée sur la stricte observation des règles qu’il édicte et la volonté de se battre pour réussir dans la vie. Il ne cesse de répéter qu’ « il ne faut pas être trop gentil dans la vie ».
Il apprend à ses fils à se « durcir » pour affronter une vie compétitive où autrui constitue toujours une menace. Il les encourage même à le frapper au visage, à se battre avec lui pour leur montrer les vertus du combat physique dans une vie qui ne fait pas de pitié aux « faibles ».
Son éducation est tellement autoritaire et dogmatique que son fils aîné en arrive à souhaiter sa mort. Mais le film montre aussi que ce personnage, sous des aspects sévères, a un bon fond et souffrent d’être un « raté ».
La mère est quant à elle la plupart du temps effacée. Elle est finalement sur le devant de la scène quand son mari part en voyages d’affaires dans l’espoir de déposer des brevets. Elle prend alors en charge l’éducation de ses enfants en leur enseignant des valeurs opposées à celle de leur père. Elle souligne l’importance de l’entraide, de la tendresse, de la solidarité et les sensibilise à la nature environnante. Le temps s’écoule plus lentement, sans le stress des colères épidermiques du père.
La vie de cette famille relève du symbolisme et de la dimension religieuse présente tout au long du film. En effet, le père représente l’aspect dogmatique et implacable de la religion qui ne conçoit l’éducation qu’à travers la punition et inspire la peur du châtiment.
Au contraire, la mère incarne l’aspect compassionnel et altruiste de la religion qui inspire l’amour et la confiance. Les relations entre les deux frères oscillent entre ces deux pôles, d’un côté la compétition masculine patriarcale du style « t’es pas cap’ », et de l’autre côté les preuves de tendresse.
En fait, le père et la mère de « Tree of Life » symbolise respectivement Dieu et Jésus. Terrence Malick adopte ainsi la démarche typique des évangélistes qui semble progressiste car elle s’appuie avant tout sur la figure compassionnelle de Jésus qui prêche l’amour de son prochain.
Le film de Malick se veut pareillement progressiste mais il est en vérité réactionnaire car, de son point de vue, la bonté est une manifestation de Dieu. De plus, il ne peut jamais exister de saut qualitatif car la nécessité de la révolution est niée. Il n’existe pas de bataille entre le nouveau et l’ancien, mais une combinaison de valeurs destinées à rester immuables.
En vérité, « Tree of Life » bénéficie d’une critique élogieuse et a reçu la palme d’or à Cannes car il constitue une attaque de la bourgeoisie contre la science matérialiste. « Tree of Life » parle d’univers et d’amour pour mieux nier la matière et la science. « Tree of Life » détourne la science au profit de l’idéalisme religieux.
Le film ne trace aucune perspective à part celle de l’acceptation du monde tel qu’il est et de l’émerveillement face à la création divine. En fin de compte, dans « Tree of Life », le père a raison d’un strict point de vue capitaliste. Oui, dans le capitalisme, il est effectivement inutile d’être trop gentil. Oui, dans le capitalisme, il faut apprendre à toujours se battre pour parvenir à ses fins. Oui, le capitalisme est une compétition individualiste où il faut être meilleur que son prochain pour s’en sortir. Mais c’est justement le capitalisme que nous, communistes, entendons abattre ! Car effectivement, l’amour est un sentiment essentiel à la vie mais ne peut triompher dans le cadre du capitalisme qui commet continuellement un écocide contre la planète vivante qu’est la Terre.
La vision de Malick n’est d’ailleurs pas celle d’une biosphère unifiant tous les êtres vivants par la matière, mais celle d’une nature hiérarchisée, compartimentée et reliée à Dieu comme dans la Bible. L’arbre de la vie de Malick est vertical et tend vers Dieu. L’arbre de la vie de la science est une forme sphérique où tous les embranchements sont reliés entre eux et convergent vers les formes primitives de vie, toutes produites de la matière en mouvement.
Nous, communistes, voulons dépasser le vieux monde capitaliste pétri de brutalité et de dureté. De la révolution socialiste et de l’écrasement résolu de tous les exploiteurs émergera un monde nouveau où la vie sera facile et en harmonie avec la nature.