5 oct 2011

Les Désaxés (The Misfits)

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Les Désaxés (The Misfits en anglais), sorti en 1961, est un film très connu pour de mauvaises raisons : il s’agit du dernier tournage de deux immenses stars de l’époque, Marylin Monroe et Clark Gable, ce qui lui confère une aura de « film maudit », tout en le laissant largement sous-estimé (il n’a d’ailleurs pas été un succès commercial à l’époque) ou en tout cas connu pour des motifs anecdotiques.

En réalité, les Désaxés est un film incroyablement avant-gardiste qui traite de thèmes relatifs au rapport avec la nature et à la contradiction entre les villes et les campagnes.

La relation que noue les personnages de Roslyn Tabor (Marylin Monroe) et Gay Langland (Clark Gable) est le moteur de l’histoire. Fraîchement divorcée, Roslyn Tabor est une jeune femme citadine qui redécouvre la nature par l’intermédiaire de Gay Langland. Mais ce dernier est un cow-boy désabusé (son nom pourrait se comprendre comme une contraction entre « languish » = dépérir et « land » = terre) qui n’aime la campagne que pour ses aspects traditionnels et folkloriques qui se révèlent très superficiels.

En somme, Gay Langland est une figure avant l’heure du mouvement identitaire, c’est-à-dire quelqu’un qui vit superficiellement dans la fidélité aux coutumes du passé mais totalement insensible à la nature et aux animaux.

Ce n’est pas le cas de Roslyn Tabor qui se montre très sensible aux sorts des animaux et refuse toute forme de cruauté. Roslyn est le personnage « naïf » venu de l’extérieur qui finit par révéler les atrocités, la stupidité des comportements virilistes et les artifices du folklore local que personne ne veut plus voir en face. Elle bouleverse les mentalités et les comportements figées dans une brutalité se justifiant uniquement par le fait qu’elle soit héritée du passé.

Plusieurs scènes sont mémorables à cet égard :

* Roslyn dissuade Gay de tuer le lapin qui a mangé ses laitues (Gay : C’est eux ou nous ! Sinon, il ne restera plus rien d’ici une semaine ; Roslyn : Je ne supporte pas de voir quoi que ce soit se faire tuer)

* Roslyn est révulsée par le « spectacle » du rodéo auquel prend part Perce Howland, un ami de Gay. Au début de la scène, elle remarque la sangle enserrant les testicules du taureau pour le faire ruer. On lui répond : – Sans cela, il n’y aurait pas de rodéo.

Puis, elle est horrifiée par la violente chute de Perce Howland et essaie de convaincre tout le monde de l’absurdité de prendre de tels risques pour le gain de quelques dollars.

* Dans la dernière scène, alors que Gay, Perce et Guido (un autre ami qui apparaît dès le début du film) partent capturer des chevaux sauvages (mustangs), ce qu’ils glorifient comme une pratique traditionnelle de cow-boys, Roslyn découvre en les questionnant que les mustangs servent d’aliments pour chiens.

Après avoir ligotés des mustangs, ils finiront par les libérer sous l’injonction rageuse de Roslyn (Roslyn : Tueurs ! Meurtriers ! Vous êtes des menteurs, tous autant que vous êtes ! Vous ne pouvez être heureux qu’en voyant quelque chose mourir ! Pourquoi vous ne vous tuez pas vous-mêmes pour trouver le bonheur ! Vous et votre « paradis sur Terre » ! Vous et votre liberté !).

Les Désaxés est donc un film très avance sur son époque, et cela est possible de par sa dimension ancrée dans le réel américain de l’époque, selon une perspective en quête de dignité.

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