Le semi-féodalisme montre son visage en Irak
Submitted by Anonyme (non vérifié)La série de succès militaires islamistes en Irak témoignent de l'importance capitale de l'analyse matérialiste dialectique des pays non capitalistes – impérialistes. Ces pays sont, en effet, nécessairement semi-coloniaux semi-féodaux. Même si le capitalisme bureaucratique a pu largement se développer en certains cas, la domination semi-coloniale y est toujours présente, et la base de la société est semi-féodale.
C'est précisément cette base semi-féodale qui fait que les tentatives de « libération », si elles ne passent pas par une révolution démocratique, sont nécessairement inféodées à des puissances impérialistes. Au Venezuela, Hugo Chavez n'était nullement un progressiste, mais l'expression d'une fraction capitaliste bureaucratique soumise à certains concurrents de l'impérialisme américain, et on voit la preuve de cela dans son « socialisme » par en haut, au style typiquement populiste de l'Amérique latine.
De la même manière en Algérie, le FLN a échoué à la libération nationale, car il n'a pas touché à la base féodale : le FLN a été l'agent de la constitution d'un Etat fasciste, soumis à l'URSS et à la France impérialiste.
C'est cette base féodale qui a permis la constitution et le triomphe dans la partie occidentale de l'Irak du mouvement de « l'Etat Islamique en Irak et au Levant » (EIIL) ou Daesh en arabe. Ce groupe est rejoint par de nombreux combattants djihadistes du monde entier, dont plusieurs centaines de français, comme par exemple Mehdi Nemmouche l'auteur de la tuerie du Musée juif de Bruxelles.
Ce mouvement est une scission « ultra » d'Al Qaïda. Après en avoir été une composante, le noyau dur de cette organisation a en effet considéré qu'Al Qaïda avait des objectifs trop dispersés, censés être justifiés par la primauté de la cible américaine dans le combat islamiste.
Le mouvement « Etat Islamique en Irak et au Levant » a, en effet, en perspective l'établissement concret, sur des territoires revendiqués, de l'Islam sunnite en tant que structure totale et unique de la société. Et donc par conséquent son optique est le génocide des chrétiens et des musulmans chiites – surtout présents dans l'Est de l'Irak et en Iran, afin de former un grand empire islamiste au cœur du Moyen-Orient. Aujourd'hui le mouvement de « l'Etat Islamique en Irak et au Levant » et Al Qaïda s'affronte régulièrement militairement en Irak et surtout en Syrie.
Si Al Qaïda signifie « la base », au sens idéologique et diffus, le mouvement entend en arriver à Al Dawla, l'Etat. Là où la propagande d'Al Qaïda est davantage idéologique et terroriste, celle du mouvement « Etat Islamique en Irak et au Levant » relève de l'esprit milicien (on peut voir de nombreuses vidéos d'exemples sur youtube, diffusées par son organe de presse, I'tisaam Media Foundation).
Voici une carte de la présence en Syrie et en Irak de ce mouvement, qui commence à instaurer son régime, soit par la force au moyen de la décapitation et des meurtres en masse, soit par la propagande en faveur d'une régime « stable » :
On voit sur la carte que le soulèvement du mouvement « Etat Islamique en Irak et au Levant » correspond géographiquement aux zones musulmanes sunnites, en révolte contre l'Etat irakien qui est en partie passée sous la coupe iranienne, alors qu'en arrière-plan la Turquie joue la carte kurde afin de pouvoir engloutir tout le nord est de l'Irak.
La dynamique de ce mouvement s'explique ainsi par des raisons féodales : on est ici dans un mélange d'idéologies tribales, de superstitions, de corruption, de liaisons avec des puissances étrangères. Les femmes sont totalement exclues de la société civile.
Peut-on, dans ce cadre, imaginer une « révolution socialiste » ? Pas le moins du monde, bien entendu.
Même la seconde plus forte force militaire présente chez les musulmans sunnites est un front guidé par l'Armée des hommes de la Naqshbandiyya, du nom d'un culte mystique de l'Islam (les « soufis »). Ce mouvement panarabe est issu... du « socialisme » laïc de Saddam Hussein, et il collabore désormais avec l'Etat Islamique en Irak et au Levant, alors que sur le plan religieux l'antagonisme est le plus total.
On est revenu ici à l'Afghanistan des années 1990, à la Chine des années 1930 : ce sont les seigneurs de la guerre qui dominent et qui décident. Le pays, l'unification des masses, les progrès matériels, tout cela est déchiré par une plongée dans la barbarie, l'aspect féodal prenant totalement le dessus au point de détruire le tissu national lui-même.
On est là dans la barbarie, dans l'implosion de pays semi-coloniaux semi-féodaux, en raison de la crise générale du capitalisme et de l'aggravation de la concurrence inter-impérialiste. A l'échelle mondiale, le capitalisme agonise et les zones sur lesquelles il maintient sa domination – l'Afrique, l'Asie, l'Amérique latine – en subissent de plein fouet les contrecoups.
Et idéologiquement, il existe un parallèle absolu entre les idéologies existentialistes post-modernes et les affirmations néo-féodales ; une même logique nihiliste unit Conchita, l'homme barbu habillé en femme qui a gagné le concours de variétés appelé Eurovision, et les islamistes qui en Irak généralisent leur refus de la musique.
Ce processus d'effondrement l'emportera tant que ne triompheront pas les révolutions socialistes dans les pays capitalistes, et les révolutions démocratiques dans les pays semi-coloniaux semi-féodaux.
Le Moyen-Orient est ici un lieu de catastrophes. En prenant la ville de Mossoul, le mouvement « Etat Islamique en Irak et au Levant » s'est procuré 308 millions d'euros, et ses prises de guerre sont évaluées à deux milliards de dollars. Et en plus de cela, il faut ajouter les aides cachées mais centrales, de l'Arabie Saoudite, du Qatar (au départ surtout), du Koweït, des Émirats Arabes Unis.
La prise de cette ville, la seconde du pays, a été réalisée par 800 islamistes : les 30 000 soldats de l'armée ont tout simplement déserté, alors que par la suite les islamistes ont exécuté en masse des prisonniers de guerre musulmans chiites.
Seigneurs de la guerre, idéologies féodales, influences impérialistes (dont bien sûr la France) ainsi que de pays semi-coloniaux semi-féodaux expansionnistes : tel est le panorama qui va empirer dans toute la zone.