Le pathétique retour des immenses Guns N' Roses
Submitted by Anonyme (non vérifié)Lorsque les Guns N' Roses sortirent coup sur coup, en 1987 et 1988, leurs albums Appetite for Destruction et G N' R Lies, l'impact fut immédiat de par l'efficacité à la fois rageuse et esthétique d'un hard rock solidement enraciné dans le blues rock, s'appuyant sur la force du frappe du punk, la tonalité glam rock, la mélodie du gothic rock, empruntant massivement au style du groupe finlandais Hanoi Rocks.
C'était une formidable synthèse et, en France, les masses se sont engouffrées dans cet esprit rock romantique à la Guns N' Roses avec frénésie et la réflexion sur le choix d'Axl ou Axel comme prénom du bébé devint une véritable option prolétarienne, un signe de reconnaissance, un fétiche romantique.
Ce choix était d'autant plus fort que le rock alternatif français mourait et restait de toute façon trop marginal (sans parler de sa terrible faiblesse technique), que le grunge de Nirvana semblait bien trop petit-bourgeois et intellectualisant en mode artistique tourmenté, que l'alternative rock de REM était trop intimiste et pas assez rentre-dedans.
Exprimer les émotions à fleur de peau à travers un art raffiné comme celui du rock, telle était la qualité des Guns N' Roses ; les dérapages de leur chanteur Axl Rose apparaissaient d'autant plus comme un gage de sincérité, alors que la virtuosité du guitariste Slash était la garantie artistique mélodique par excellence.
Les Guns N' Roses ne furent pourtant qu'une comète, frappant les esprits longuement, mais ne durant que peu de temps. Immédiatement happé par le show-business, se vautrant dans la décadence « rock'n roll » de l'alcool, des drogues et du sexe sans lendemain, le groupe réalisa des tournées monumentales, culminant par un circuit de deux ans et demi avec 192 concerts, pour un public de cinq millions de personnes.
Totalement dépassé, le groupe s'auto-détruisit, sur fond de défonces et d'egos démesurés, ne réalisant que des albums - Use your illusion I et Use your illusion II – d'intérêt moyen. Roddy Bottum, du groupe Faith No More, raconte une anecdote significative :
« Faire leur première partie était une situation complètement absurde pour un groupe comme Faith No More. Leur scène c'était de l'excès, de l'excès, de l'excès. Il y avait plus de strip teaseuses que de roadies. On était pas [chez Faith No More] dans ce trip macho où les meufs sont des esclaves.
La seule fois où j'ai vu leur show c'est quand on s'est fait engueuler pour avoir ri de l'absurdité de l'ambiance de la tournée dans la presse et quand on nous a dit qu'on devait s'excuser auprès d'Axl ou quitter la tournée.
On a essayé d'expliquer d'où on venait, mais je pense que ça lui est passé au dessus de la tête car pour essayer de faire la paix il nous a amené une caravane où 2 filles à poil étaient en train de baiser. »
La grande faiblesse des Guns N' Roses était effectivement leur niveau culturel terriblement faible, leur corruption totale par les grands monopoles de la musique. La rébellion rock – en réalité une décadence sous-jacente à celle de l'impérialisme et de son conservatisme – n'était qu'une soupape de sécurité, une expression sans lendemain dans l'esprit d'une petite-bourgeoisie radicalisée.
Cela ne s'est pas vu, alors lors du triomphe commercial du groupe, car ce qui plaisait chez le chanteur Axl Rose, c'était sa candeur et son populisme agressif, pratiquement plébéien. Dans la chanson One in a million, il résume la pensée du prolétaire beauf : « Police et noirs, c'est ça, hors de mon chemin (…) Immigrés et pédales, cela n'a pas de sens pour moi ».
Dans la chanson Civil War, c'est même le Parti Communiste du Pérou, le « sentier lumineux » pour les médias alors, qui est la cible de sa critique « humaniste » : « Nous pratiquons l'anéantissement sélectif des maires et des officiels du gouvernement, pour l'exemple afin de créer un vide, ensuite nous remplissons ce vide, alors que la guerre populaire avance, la paix se rapproche' Je n'ai pas besoin de votre guerre civile, elle nourrit les riches alors qu'elle enterre les pauvres ».
Ce plébéianisme rock, absolument typique – en France, les Béruriers Noirs et la Souris déglinguée ont suivi une même démarche dans le punk-rock – est un profond signe de pourrissement culturel.
Après les deux premiers albums, les Guns N' Roses ne tenaient déjà plus la route et ce n'est pas la reprise de chansons punks en mode glam rock, The spaghetti incident ?, qui y changea quoi que ce soit.
Il faut d'ailleurs souligner ici que les deux réelles chansons de qualité de la fin des « guns », November rain et Don't cry, datent en réalité du début de leur carrière. C'est hautement significatif.
Les Guns N' Roses se sont, dans les faits, brûlés les ailes ; très rapidement, le groupe s'est auto-parodié commercialement, Axl Rose devenant paranoïaque au point de s'approprier le groupe à lui tout seul après avoir viré tout le monde, pour sortir un album en 2008, Chinese Democracy, d'un intérêt tout relatif, tout en ayant coûté 13 millions de dollars et demandé prétendument des années de travail.
L'obsession de la gloire et de la célébration de sa prope personne se poursuivit jusqu'à se retourner en son contraire : c'est le sens du retour du groupe en ce début d'année 2016, où la querelle rock'n roll des egos a cédé devant l'appel des millions de dollars et d'euros.
Un concert devant quelques centaines de personnes a eu lieu au Troubadour, à Hollywood, où ils avaient joué à leurs débuts, une série d'une vingtaine de concerts est prévu, alors que tous les promoteurs espèrent que cela va se concrétiser et se prolonger.
On sait en effet à quel point la jeunesse est friande de vivre par procuration, à quel point les trentenaires et quarantenaires cultivent leur nostalgie régressive. Les Guns N' Roses répondent à de telles attentes.
C'est là insulter ce que le groupe a représenté. Les critiques musicaux américains ont pris l'habitude de qualifier les Guns N' Roses de rébellion hédoniste. C'est là tout à fait erroné : la musique des Guns N' Roses vient du peuple ; ses musiciens viennent du peuple, ils ont assumé la misère de la marginalité artistique, avant de se faire acheter par le capitalisme, qui a anéanti leur dimension culturelle.
Ces dernières années la mode hipster avait d'ailleurs récupéré le symbole des Guns N' Roses comme fétiche esthétisant, tentant de récupérer ce qu'ils ont représenté.
Aux progressistes de réfuter cela et de considérer qu'à l'initial les Guns N' Roses ont été un produit culturel de haute valeur de la société américaine.