Vers la guerre : la démission provocatrice du chef d'état-major des armées Pierre Le Jolis de Villiers de Saintignon
Submitted by Anonyme (non vérifié)Le général Pierre Le Jolis de Villiers de Saintignon a donc démissionné, après un bras de fer de plusieurs jours avec le président Emmanuel Macron à peine élu. Cela reflète bien l'arrogance des militaires en France, leur poids : la Ve République n'est-elle pas justement née d'un coup d’État militaire, en 1958 ?
Déjà ces cinq dernières années, nous avons souligné à quel point François Hollande avait dû faire face à des remous importants de la part de l'Armée, avec d'incessants appels lancés depuis l'extrême-droite pour que celle-ci vienne « remette de l'ordre ».
Le conflit est tellement puissant qu'Emmanuel Macron n'a d'ailleurs pas choisi n'importe qui pour succéder à celui qui est, par ailleurs, le frère de l'homme politique nationaliste conservateur Philippe de Villiers.
François Lecointre, le nouveau chef d'état-major, a en effet quelques caractéristiques fort particulières :
- il était chef du cabinet militaire du Premier ministre depuis un peu moins d'un an, ce qui en fait quelqu'un proche de François Hollande, qui l'avait d'ailleurs nommé dans la foulée, par décret, à la première section d'officiers généraux pour prendre rang de général de corps d'armée ;
- à ce titre, il ne faisait donc pas partie du réservoir traditionnel des chefs d'état-major (Armée de terre, Marine, Armée de l'air), sa nomination comme chef d'état-major des Armées court-circuitant le cheminement militaire traditionnel ;
- il a joué un rôle central, en 2014-2015, dans la théorisation de l'implication de l'Armée dans « la sécurité intérieure du pays », avec un déploiement sur l'ensemble du territoire ;
- le porte-parole du gouvernement a souligné sa jeunesse, aspect très important pour assurer la continuité : « C'est un général jeune, dont l'action pourra s'inscrire justement dans la durée, ce qui est important au moment où nous allons actualiser la loi de programmation militaire. Elle doit être discutée et votée en 2018 pour guider les armées dans les années à venir et donc ça nous parait essentiel aussi d'avoir quelqu'un qui est né en 1962 et qui pourra accompagner évidemment le grand projet que nous venons de porter pour notre armée ».
On l'aura compris : ça tangue dans l’État et la nomination de François Lecointre vise à placer un fidèle à la fraction dominante, celle favorable à l'alliance avec l'Allemagne.
Car il ne faut pas se voiler la face : si Pierre Le Jolis de Villiers de Saintignon a rué dans les brancards, ce n'est pas simplement pour une coupe budgétaire de 850 millions d'euros dans le budget de la Défense, alors que le budget de l'Armée va passer d'ici quelques années à 2 % du Produit Intérieur Brut français (ce qui est considérable), soit une augmentation d'un tiers.
Que lit-on d'ailleurs dans son communiqué de démission ? Deux choses y sont très claires : l'ambition militaire de la France, le recours au militaire suprême face à l'adversité.
« Dans les circonstances actuelles, je considère ne plus être en mesure d’assurer la pérennité du modèle d’armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français, aujourd’hui et demain, et soutenir les ambitions de notre pays. »
« Je reste indéfectiblement attaché à mon pays et à ses armées. Ce qui m’importera, jusqu’à mon dernier souffle, c’est le succès des armes de la France. »
Cette posture morale est plus qu’ambiguë ; si on la lit avec une grille de lecture communiste, quand on sait que les maréchaux ont tenté de mener des coups d’État après 1918, quand on connaît le style historique de l'Armée française de Napoléon jusqu'au coup d'État de 1958, alors il faut bien dire que c'est une mentalité de factieux.
Un militaire est censé se taire, obéir aux décisions des civils, pas taper un scandale en disant « Je ne me laisserai pas baiser comme ça » lors d'une commission de la défense de l’Assemblée nationale, en menaçant de démissionner.
Un militaire n'est pas censé, alors que le Président l'a recadré devant tous les hauts responsables la veille du 14 juillet (« Je considère qu’il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique. (…) Je suis votre chef. (…) Je n’ai besoin de nulle pression et de nul commentaire. »), publier le lendemain une longue lettre sur son Facebook autour du thème de la « confiance », en terminant par des phrases allusives hautement provocatrices :
« Je terminerai par une recommandation. Parce que la confiance expose, il faut de la lucidité. Méfiez-vous de la confiance aveugle ; qu’on vous l’accorde ou que vous l’accordiez. Elle est marquée du sceau de la facilité.
Parce que tout le monde a ses insuffisances, personne ne mérite d’être aveuglément suivi. La confiance est une vertu vivante. Elle a besoin de gages.
Elle doit être nourrie jour après jour, pour faire naître l’obéissance active, là où l’adhésion l’emporte sur la contrainte.
Une fois n'est pas coutume, je réserve le sujet de ma prochaine lettre. »
Ces phrases peuvent-elles être autre chose qu'une allusion à la remise en cause du pouvoir civil par le pouvoir militaire, au nom de traditions et de « l'intérêt suprême de la nation » ?
C'est bien là une mentalité de factieux.
C'est à ces lignes qu'a réagi Emmanuel Macron, deux jours après, dans le Journal du Dimanche en déclarant :
« Si quelque chose oppose le chef d'état-major des armées au président de la République, le chef d'état-major des armées change. »
Emmanuel Macron a également fait une remarque très importante :
« L’intérêt des armées doit primer sur les intérêts industriels. »
Car la veille du 14 juilllet, alors qu’il avait recadré le général Pierre Le Jolis de Villiers de Saintignon, non seulement de nombreux industriels présents se sont ostensiblement abstenus d’applaudir le Président de la République, mais ils sont immédiatement partis, boycottant la garden-party...
C'est à cela qu'a réagi le général Pierre Le Jolis de Villiers de Saintignon en continuant sa bataille jusqu'au bout, en démissionnant. Et cette démission du chef d'état-major des Armées est un appel d'air au courants militaristes et nationalistes en France, pour qu'ils se relancent après la défaite de Marine Le Pen aux élections présidentielles.
La vraie nature de Jean-Luc Mélenchon se révèle d'ailleurs encore : il parle bien d'un événement d'une « extraordinaire gravité », d'une « blessure profonde, d'une « onde de choc pendant longtemps »… mais pour défendre « l'honneur » de Pierre Le Jolis de Villiers de Saintignon contre Emmanuel Macron, tout en assumant qu'il est pour augmenter le budget de l'Armée !
La tendance à la guerre se renforce, et se place en pleine opposition entre deux fractions de la bourgeoisie : l'« européiste » et la « souverainiste », les deux cherchant la meilleure affirmation pour contrer les masses populaires, la classe ouvrière, le socialisme, la révolution.