27 aoû 2016

Le burkini pose-t-il un dilemme cornélien aux progressistes ?

Submitted by Anonyme (non vérifié)

Le « burkini » est depuis quelques semaines au cœur de la polémique en France et la raison en est extrêmement simple. La société capitaliste se fonde sur l'individualisme le plus complet et, par conséquent, chaque personne peut faire ce qu'elle veut, du moment qu'il n'y a pas apparemment préjudice pour autrui.

Le problème est que cette logique implique l'effacement de tout principe collectif pour se fonder uniquement sur l'individualisme. Or, tous les pays ne connaissent pas le même développement. L'Union Européenne a relativement homogénéisé de nombreux pays, mais tout le monde sait bien qu'il existe par exemple des différences profondes entre la vie quotidienne aux Etats-Unis et celle en France ou au Japon.

C'est d'autant plus vrai pour les différences entre les pays capitalistes et ceux qui sont semi-féodaux. Lorsqu'on ajoute à cela l'immigration, d'autant plus dans un pays qui a connu une puissante révolution bourgeoise démocratique comme la France, la contradiction sur le plan des mœurs devient intenable.

   • Soit le capitalisme dit qu'il faut respecter l'individualisme et à ce moment-là il ne faut pas critiquer les femmes allant en burkini à la plage. C'est la position des libéraux authentiques, des ultra-libéraux et donc forcément des post-modernes qui sont un prolongement de ces ultra-libéraux.

Cela est vrai tant des « femen », qui se prétendent pourtant inversement féministes, que des courants anticapitalistes romantiques célébrant tout ce qui va dans un « sens interdit », ce qui serait réellement « révolutionnaire », etc. dont les personnes ayant organisé un rassemblement « plagiste » à Londres ce vendredi 16 août sont de parfaits représentants.

C'est évidemment la position des islamistes, voire des religieux musulmans en général, ainsi que des secteurs économiques tentant de profiter d'un marché « musulman ».

C'est aussi la position majoritaire de la jeunesse, largement marquée par le relativisme et l'indifférence, le consumérisme et l'individualisme.

Le Consil d'État en invalidant les arrêtés interdisant le burkini, a suivi lui aussi cette logique libérale. Il est ainsi dit que « l’arrêté litigieux a (…) porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ».

   • Soit le capitalisme dit qu'il ne faut pas accepter le burkini, parce que c'est une démarche féodale s'opposant au « libre-choix » individualiste. C'est la position, par exemple, de Manuel Valls, de Nicolas Sarkozy, du Front National, etc.

Le burkini étant relié à une démarche collective – l'Islam – et ne consistant pas simplement en un choix individuel particulier, alors ce serait à rejeter.

Bien entendu, notre point de vue matérialiste fait que nous savons que ces deux points de vue ne sont que les deux faces de la même médaille capitaliste. Le burkini est une contradiction propre à la situation imposée par le capitalisme, qui rejette l'universalisme.

Si les femmes portant le burkini le faisaient par simple choix apparemment individuel, le capitalisme ne serait pas dérangé, mais la dimension collective, voire militante, voire militaire à l'arrière-plan lui apparaît comme inacceptable.

Le capitalisme exige que l'Islam se transforme donc comme le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme l'ont fait : ces religions ont le droit de se prétendre les meilleures, de s'organiser, mais de pas de mener un militantisme collectif agressif.

En pratique, leurs adeptes sont tolérants par rapport aux autres adeptes : chacun fait comme il veut ou peut, Dieu jugera. L'Islam a par contre encore, de par sa base encore féodale – féodale au sens moderne, avec l'Arabie Saoudite et le Qatar, pas simplement féodale au sens de médiéval – le projet théocratique comme moteur.

Il est connu que le discours classique est que l'Islam serait plus qu'une religion, ce serait aussi un mode de vie, un style de vie, une morale, etc. Ce qui est vrai, mais comme pour toutes les religions.

Or, nous, en tant que matérialistes, voulons également l'universalisme, tout comme les religions. Toutefois, cet universalisme se fonde sur la matière, s'appuie sur la Nature, pas sur une vie « spirituelle » et un Dieu « au-delà du temps et de l'étendue ».

Et cet universalisme, selon nous, permet à chaque personne de s'épanouir véritablement en développant ses facultés.

Que faut-il alors penser ? que doivent-penser les progressistes ? :

  • Si on est contre le burkini, on défend un rapport non aliéné à la Nature : mettre un tel habit au soleil est une aberration. On s'oppose également aux religions.
  • Si on ne s'oppose pas au burkini, on s'oppose au capitalisme conservateur et au racisme qui tente de diviser les masses.

Nous avons alors, semble-t-il, un dilemme cornélien, puisque dans un cas on risque de faire le jeu des racistes, de l'autre des religions.

Le matérialisme dialectique enseigne alors qu'il faut chercher l'aspect principal. Cependant, le problème est que la religion n'est pas liée, en tant que superstructure, tant au mode de production capitaliste qu'à la semi-féodalité (de l'Arabie Saoudite, du Qatar, du Maroc, de l'Algérie, de la Tunisie, de l'Indonésie, du Bangladesh, etc.).

On ne peut pas défendre la semi-féodalité contre l'impérialisme, ou inversement, ce que font pourtant beaucoup de gens à l'extrême-gauche, avec beaucoup d'hystérie d'ailleurs.

Il reste alors la position de Jean-Luc Mélenchon : n'en parlons pas, il y a d'autres priorités. Toutefois, c'est là simplement refuser le problème.

La réponse est alors très simple et devrait être une évidence pour les progressistes, a fortiori pour ceux et celles s'intéressant au matérialisme dialectique.

Il ne faut pas regarder, en effet, seulement les superstructures idéologiques et culturelles, il faut regarder l'infrastructure, la reproduction de la vie réelle.

Et là, on voit que les progressistes n'apprécient pas le consumérisme capitaliste des plages, alors que par contre ils aiment la mer comme relevant de la biosphère, de la vie sur Terre, de la Nature.

Le problème de fond, c'est cette idéologie « plagiste », si l'on ose dire, qui est une sorte d'individualisme consommateur et passif, teinté d'exhibitionnisme et de voyeurisme. Le burkini s'affiche d'ailleurs ici comme anticapitalisme romantique, notamment par le thème de la « pudeur ».

La réponse à la question sur la polémique sur le burkini est donc : le burkini est la preuve que les plages sont devenues des lieux d'aliénation, où les individus s'affichent de manière orgueilleuse, dans une passivité complète, conformément au fait de « recharger les batteries » passivement avant de travailler activement pour le capitalisme.

C'est le rapport à la mer totalement faussé que révèle le burkini, en témoignant sur les plages de son aliénation semi-féodal au milieu de l'aliénation capitaliste individualiste.

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