L'honneur retrouvé des Portugais de France
Submitted by Anonyme (non vérifié)A la fin du XIXe siècle, la Chine était considérée par la presse internationale bourgeoise comme « l'homme malade de l'Asie », en raison du chaos y régnant et du sous-développement chronique.
Dans les années 1960-1980, le Portugal possédait une telle image en France et le racisme anti-Portugais avait ceci de particulièrement odieux qu'il était profondément méprisant.
Le régime fasciste d'António de Oliveira Salazar maintenait le Portugal dans une profonde arriération économique et culturelle, dans une politique réactionnaire terroriste cherchant à tout prix à maintenir l'empire colonial et avec comme slogan nationaliste « orgueilleusement seuls ».
Les masses portugaises ont profondément souffert de cette terrible exploitation et oppression, ouvertement soutenue par l'OTAN, les impérialistes britanniques et américains.
L'impérialisme français y a vu un moyen d'en profiter, happant une émigration portugaise toujours plus forte. Il n'y avait que quelques milliers d'immigrés portugais en France à la fin des années 1940, pour 20 000 à la fin des années 1950, le chiffre passant à 750 000 en 1975. En 2016, le nombre de Portugais et de personnes d'origine portugaise en France est estimé entre 1,5 et 1,8 millions de personnes (cela sans compter les familles mixtes).
Toute une imagerie raciste se profile alors : le Portugais serait solide et docile, parfait pour la bâtiment, tandis que la Portugaise serait laide, poilue et catholique jusqu'à la superstition, parfaite pour jouer le rôle de concierge.
La chaîne BeIN Sport n'a pas hésité, le 30 juin lors du match Pologne-Portugal à Marseille, a profité de cet arrière-plan raciste, avec des réponses odieuses à la question « Que va-t-il se passer ce soir à Marseille ? » (on remarquera aussi la question B jouant sur les préjugés racistes méprisants à l'égard des Polonais) :
A - Les Portugais vont faire le ménage ; B - Les Polonais vont trinquer grave ; C - Le Portugal va se heurter à un mur ; D - Brandade de morue sur le Vieux-Port.
Toutefois, BeIN Sport s'est totalement trompé d'époque. Le Portugal n'est plus l'homme malade de l'Europe. Les Portugais et les Portugaises de France ont rétabli leur honneur de manière vigoureuse à partir des années 1990.
Depuis Rocky, le chef des Ducky Boys qui était une bande parisienne anti-skinheads des années 1980, jusqu'à Cristiano Ronaldo et José Mourinho depuis une dizaine d'années dans le football, les jeunes issus de l'immigration portugaise ont cherché de multiples inspirations pour retrouver une fierté physique et morale.
La docilité et l'obséquiosité restent présents en partie, il est vrai, en raison du poids très grand du catholicisme et de ses superstitions. Mais le racisme anti-portugais ne peut plus s'exprimer ouvertement sans échapper à une réponse franche et brutale, dans l'esprit de l'autodéfense.
La réponse des supporters portugais aux critiques odieuses faites par les journalistes français sur l'équipe du Portugal en chantant « On est dégueulasse ! » après le but donnant la victoire à l'équipe du Portugal durant la finale de l'Euro 2016, est un exemple de cette fierté retrouvée.
Le racisme anti-portugais a donc échoué à se généraliser et si jamais il y a un aspect positif ressortant de la victoire du Portugal à l'Euro 2016 face à la France, c'est que cela va renforcer l'effacement du mépris et de l'arrogance face aux personnes issues de l'immigration portugaise.
Pour autant, il faudra le socialisme pour dépasser les ruptures communautaires. En effet, la culture portugaise n'est jamais présentée dans notre pays ; si elle est connue parfois de certains, l'école n'aborde jamais cela et c'est un problème démocratique essentiel.
Le meilleur de la culture portugaise doit être connu et partagé ; au lieu de cela, l’État bourgeois maintient les divisions et le chauvinisme comme seule porte de sortie au refus de l'humiliation.
De ce fait, un travail important reste à mener pour comprendre dans quelle mesure l'immigration portugaise a été en réalité principalement une émigration, ce qui exige la connaissance de l'histoire du Portugal, de ses contradictions de classe.
Pourquoi des gens ont-ils été obligés de quitter massivement le Portugal ? En quoi est-ce la clef pour leur attachement inébranlable avec leur pays d'origine ? Comment faut-il comprendre cela comme une force démocratique, les racines populaires n'ayant jamais été ébranlées ? Comment éviter que le chauvinisme et la religiosité ne dévoie cela ? Telles sont les questions essentielles qui doivent trouver réponses.
Le Portugal a d'ailleurs connu d'importantes luttes révolutionnaires, dont une composante significative fut le Partido Comunista dos Trabalhadores Portugueses - Movimento Reorganizativo do Partido do Proletariado (Parti communiste des travailleurs portugais - Mouvement réorganisé du parti du prolétariat).
Le PCTP-MRPP fut connu pour sa combativité, ainsi que pour ses fresques murales ; nous avons trouvé et permis l'accès en ligne à certains de ses documents fondamentaux.
Il est vrai que ce parti a largement sombré dans la décadence. L'un des dirigeants étudiants des années 1970, José Manuel Barroso, a capitulé au point de devenir Premier ministre de Portugal puis président de la Commission européenne et enfin il vient d'être embauché comme conseiller par la banque Goldman Sachs à l'issue de son mandat à la Commission européenne.
Tout récemment, le PCTP-MRPP a créé une certaine polémique au Portugal en attaquant très violemment la position des lesmaterialistes.com au sujet des attentats de novembre 2015, nous accusant d'être des « laquais de l'impérialisme » pour avoir dénoncé les djihadistes comme des fanatiques féodaux.
Dans un document signé d'un des fondateurs historiques du PCTP-MRPP, Arnaldo Matos, il est expliqué qu'il ne s'agissait pas d'un massacre, mais d'une « opération militaire supérieurement organisée » non pas de la part d'« islamistes », mais de « djihadistes » représentant les masses opprimées et exploitées par l'impérialisme, qu'il s'agit d'un légitime acte de guerre, etc.
On comprend que de tels propos délirants aient fait scandale, au point de voir quelques tags rageurs fleurir, faits par des gens scissionnant du PCTP-MRPP.
On a là la même fascination morbide pour des actions qui « claquent » que Jean-Marc Rouillan, ancien d'Action Directe ayant dit des assassins du Bataclan qu'ils « se sont battus courageusement dans les rues de Paris en sachant qu’il y avait près de 3 000 flics autour d’eux ».
Qu'on est loin de la ligne de masses et de l'esprit démocratique au cœur de celle-ci ! Il est étonnant, d'ailleurs, qu'au Portugal la question féodale soit si peu comprise de la part des gens se revendiquant du maoïsme. Car il est bien connu que l'Église catholique a joué un rôle historiquement très important au Portugal. On ne peut pas comprendre la culture portugaise sans comprendre ce qu'est le baroque, qui a été pour au moins deux siècles au cœur de l'idéologie des classes dominantes du Portugal.
De plus, on sait qu'avec la terrible crise générale du capitalisme, les masses portugaises souffrent terriblement et cela pose encore plus de manière approfondie la question de la culture à développer. Le PCTP-MRPP a joué ici un rôle historique dans les années 1970, en s'opposant tant à l'impérialisme américain qu'au social-impérialisme soviétique.
Un tel rôle est encore à jouer, tant au Portugal qu'en France, afin que ce soit la culture démocratique qui l'emporte, dans une logique de synthèse, et non pas le chauvinisme et les superstitions religieuses, facteurs de division.