Émigration et immigration - 1re partie : déplacements internes et immigrés-émigrés
Submitted by Anonyme (non vérifié)Les individus pensent choisir de se déplacer d'un endroit à un autre pour y habiter, que ce soit dans leur pays ou en allant dans un autre pays. C'est une illusion : en réalité, c'est la reproduction de la vie réelle qui décide, c'est-à-dire le mode de production. Les êtres humains sont de la matière, obéissant aux mouvements matériels au sein de la biosphère ; leurs consciences ne font que refléter les tendances inévitables du développement dialectique de la matière en transformation éternelle.
Le mode de production capitaliste, en particulier, a provoqué des déplacements matériels massifs et systématiques, en raison de ses besoins. Au-delà des déplacements de matières premières et de transformations agricole et industriel, il y a les mouvements migratoires.
Les premiers êtres humains étaient des chasseurs-cueilleurs se déplaçant pour trouver de la nourriture, ne se fixant qu'à l'étape de l'agriculture et de l'élevage, marquée par le renversement du matriarcat et l'établissement des religions patriarcales.
Ces premiers pas de l'humanité organisée donnèrent naissance à des ensembles toujours plus grands, notamment avec Çatal Höyük, il y a 8500 ans, et plus généralement en Mésopotamie.
Il existait alors des populations se déplaçant au rythme de conquêtes, notamment les populations indo-aryennes et indo-européennes, mais leurs migrations cessaient toujours à un moment, en faveur d'une installation durable. Cela est valable pour les vastes déplacements de troupes envoyés par les empires, comme celles d'Alexandre le Grand ou de Mahomet.
Le mode de production esclavagiste qui prédominait alors s'effondra sous le poids de ses contradictions ; l'époque de la féodalité qui suivit n'est alors pas marquée par de nombreux déplacements de population, puisque la base paysanne est particulièrement stable. Les rares exceptions se fondent sur des affrontements pour le contrôle de telle ou telle zone, notamment l'Espagne et le Portugal, avec l'expulsion de la population juive.
Le développement des forces productives par le mode de production capitaliste a totalement changé cette dimension statique, au point justement que le romantisme, en tant que forme d'apologie de la féodalité notamment en France, célèbre justement le fait d'être fixé, « enraciné », par opposition à l'instabilité et aux déplacements. Le chevalier devant ramener la princesse est une expression idéologique directe du trouble provoqué par le capitalisme au sein des populations et de la tentative de récupération de ce trouble par les forces réactionnaires.
Historiquement, le mode de production capitaliste anéantit la féodalité, mais cela va de pair avec des mouvements massifs de population, dans la mesure où il anéantit justement l'économie traditionnelle des campagnes, poussant au déplacement des masses paysannes dans leur quasi totalité, à une émigration systématique vers les centres urbains afin d'y former la main d'oeuvre.
C'est le processus de prolétarisation des masses paysannes. Comme Karl Marx l'a expliqué dans Le capital, sans ce processus le mode de production capitaliste n'aurait pas disposé des salariés dont il avait besoin. La destruction des structures paysannes donnait naissance à des individus vendant librement leur force de travail, élément clef pour la naissance du salariat.
A cela s'ajoute par la suite la mise en valeur des territoires non peuplés ou non véritablement peuplés jusque-là, comme avec la « conquête de l'Ouest » en Amérique du Nord, ainsi que l'utilisation de main d’œuvre bon marché au moyen de l'immigration, comme en France avec l'immigration polonaise, italienne, algérienne, etc.
L'existence même de cette main d'oeuvre « disponible » ne doit rien au hasard. Les masses envoyées dans les colonies, tout comme les masses venant des anciennes colonies ou de pays économiquement arriérés, n'existent qu'en raison des besoins de vivre et de l'impossibilité de les satisfaire localement. C'est l'impossibilité de vivre, voire de survivre, qui a poussé des masses à quitter l'Irlande ou l'Italie ; c'est encore plus vrai à l'échelle mondiale une fois le capitalisme élancé et la vaste majorité de la population devenue colonisée.
De fait, les déplacements migratoires concernent tant l'ensemble absolue de la population d'un pays où le capitalisme a pu se développer, avec la séparation des villes et des campagnes, aux dépens de ces dernières, que des secteurs entiers de la population des pays où les pays capitalistes devenus impérialistes ont déformé le développement, donnant naissance à une forme sociale semi-coloniale semi-féodale.
A « l'exode rural » propre au développement du capitalisme a succédé une émigration de masse provoquée par le non-développement du capitalisme dans les pays colonisés.
Les déplacements ne sont donc nullement des « choix » individuels, ils répondent à des tendances, des impulsions donnés par le mode de production.