Existentialisme et pessimisme - 2de partie : la phénoménologie comme socle idéologique
Submitted by Anonyme (non vérifié)L'existentialisme et le pessimisme ont une base idéologique très bien organisée, avec une place-forte universitaire ; celle-ci a le nom de « phénoménologie ». Tant l'existentialisme de Jean-Paul Sartre que la philosophie de Martin Heidegger, au cœur du « pessimisme », s'appuient directement sur la phénoménologie. D'une certaine manière, on peut formuler l'alternative suivante : soit le matérialisme dialectique, soit la phénoménologie.
Le terme de « phénoménologie » désigne une approche qui se veut « objective » des phénomènes, c'est-à-dire que les partisans de cette conception rejettent tout principe théorique pour étudier le phénomène de manière « pure ».
Le principe est à la fois extrêmement simple et extrêmement compliquée, d'où le fait qu'il est devenu au cœur même de la vision du monde de la bourgeoisie au XXe siècle. Il s'agit, selon la phénoménologie, de partir uniquement de la conscience individuelle.
Sur ce point, la phénoménologie est directement dans la perspective de René Descartes et de son « je pense, donc je suis », qui rejette par définition les cinq sens et la réalité matérielle comme un ensemble absolu. De la même manière que Descartes est l'anti-Spinoza, l'idéalisme s'est transformé et la phénoménologie est devenue l'anti-matérialisme dialectique.
Ce rapport à Descartes, à une perspective bourgeoise française, est la raison du triomphe en France de la phénoménologie par l'intermédiaire d'auteurs comme Jean-Paul Sartre (1905-1980), Simone de Beauvoir (1908-1986), Albert Camus (1913-1960), Maurice Merleau-Ponty (1908-1961), Michel Foucault (1926 -1984) ou encore Jacques Derrida (1930–2004), même si la phénoménologie est initialement l'expression des bourgeoisies allemande et autrichienne, puisque c'est Edmund Husserl (1859-1938) qui est à l'origine de cette conception, puisant chez des auteurs comme Franz Brentano (1838–1917), Wilhelm Dilthey (1833–1911) et Friedrich Nietzsche (1844-1900) , et pavant la voie à Martin Heidegger (1889-1976) .
Pourquoi la phénoménologie est-elle devenue la base absolue de la vision du monde bourgeoise ? Pourquoi forme-t-elle le socle idéologique de l'art contemporain, du « nouveau roman », de l'existentialisme, de la micro-économie, de la mécanique quantique, du théâtre de l'absurde, etc ?
Parce que la phénomenologie nie le savoir universel et considère chaque expérience comme unique en son genre, en raison du caractère unique, particulier, de chaque conscience individuelle.
Si ainsi on saisit une cuillère pour prendre de la compote de pomme, la phénoménologie regarde le phénomène en lui-même et la cuillère en elle-même lui apparaît comme relevant de « l'au-delà » : on ne peut comprendre la cuillère dans le rapport qu'on a avec, tout le reste est « inconnu ».
Chaque individu aura « sa » propre expérience, son propre vécu, nécessairement individuel, et d'ailleurs absurde parce que le propre de l'individu est de finalement mourir. La vie entière apparaît alors comme composé d'un infini de micro-morceaux de vie individuelle s'entrechoquant plus ou moins, toute action étant décidée par une intention individuelle.
Le propre de la phénoménologie est précisément, en considérant chaque phénomène comme unique, de nier le caractère général d'un phénomène. Il ne peut plus y avoir de savoir universel – ici la phénoménologie prolonge Kant contre Hegel -, il ne peut pas y avoir de luttes de classes, seulement des individus existant dans des rapports avec des phénomènes.
Les êtres humains seraient nécessairement anxieux, angoissés et pessimistes, en raison de leur conscience comprenant que le corps est périssable, et d'ailleurs pour cette raison toute définition liée à la nature, aux cinq sens, est catégoriquement rejetée : seule compte la liberté de la conscience, l'individu n'étant rien d'autre que ce qu'il choisit d'être.
Ce principe de rejet de la matière, cette affirmation absolue et unilatérale de l'égo, de la conscience individuelle unique, tout cela est au cœur de toutes les idéologies post-modernes, et c'est la phénoménologie qui en est au cœur.