17 sep 2013

Maoïsme et marxisme-léninisme dans les années 1990 en France

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Au début des années 1990, tant le maoïsme que le marxisme-léninisme sont des idéologies anéanties en France ; le trotskysme et l'anarchisme sont les seules variantes idéologiques réellement existantes en France.

Pourtant, dans deux petites scènes, la référence aux années 1960-1970 existe.

La culture de la scène marxiste-léniniste

Toute une petite scène directement issue des organisations marxistes-léninistes et maoïstes a pu s'agglomérer, autour de quelques principes considérés comme les acquis de l'époque.

De l'UJC(ml), il est retenu le principe de l'établissement : il faut s'installer dans une zone populaire et dans une entreprise, à la base.

De la Gauche Prolétarienne, il est retenu la thèse comme quoi le Parti surgirait de la résistance populaire, que la pratique à la base était prioritaire et les questions idéologiques secondaires, voire nuisibles.

Du PCMLF et du PCR(ml), il est retenu la démarche syndicaliste « dure », avec également l'esprit d'ouverture envers non pas les gauchistes, qui sont catégoriquement rejetés, mais vers la gauche historiquement liée au Parti Socialiste Unifié, aux alternatifs autogestionnaires, etc.

L'organisation de la scène marxiste-léniniste

La scène marxiste-léniniste est constituée au début des années 1990 de deux types d'organisations ayant traversé les années 1980. La première est l'Organisation Communiste Marxiste-Léniniste – Voie prolétarienne, constituée en 1976, à partir des débris des différentes organisations marxistes-léninistes et maoïstes.

Le cœur de sa démarche est l'établissement et le travail à la base ; le travail idéologique est considérée comme secondaire, voire comme nuisible : Staline est rejeté et l'URSS des années 1930 est considéré comme bourgeoise, la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne est considérée comme un moyen de rejeter la bureaucratie du Parti Communiste, etc.

De la même manière, c'est le travail syndical qui est considéré comme prioritaire, les masses doivent être suivies afin de les pousser à aller de l'avant ; par conséquent, tant les activités illégales (autonomes, guérillas urbaines...) que les batailles idéologiques sont considérées comme nuisibles, décalées par rapport aux masses.

A côté de cela, on retrouve la scène marxiste-léniniste dans l'UNEF dite Renouveau puis Solidarité Etudiante, le syndicat étudiant lié au PCF. On retrouve ici l'image du « mao » en tant qu'activiste à gauche du PCF, volontiers cogneur, exigeant une ligne de masse dure, etc.

Dans les facultés, cela signifie concrétement se diriger vers les étudiants pauvres travaillant à côté, maintenir une continuité culturelle dans la faculté y compris au moyen de « clash » forcés avec l'administration, aller travailler pendant les vacances, etc.

Localement, cette ligne devient majoritaire ou en tout cas extrêmement influente (Nanterre, Aix-en-Provence, Toulouse), et dans ce cadre, il arrivera que l'Association Générale des Etudiants locale sorte de l'UNEF, comme à Nanterre. On ne dépasse cependant jamais un mélange de léninisme et d'anti-impérialisme tiers-mondiste ; dans un seul cas, il y a une affirmation maoïste, lors de la sortie de l'AGE Nanterre des maoïstes, d'origine marocaine, formant un éphémère « Collectif Anti-impérialiste » à la fin des années 1990.

La culture de la scène autonome et de celle proche d'Action Directe

A l'opposé de la scène marxiste-léniniste et farouchement opposé à elle, il y a la scène autonome, qui culturellement est le prolongement de la scène autonome de 1977, elle-même issue en bonne partie, au moins culturellement, des restes de la Gauche Prolétarienne.

Le groupe armé Action Directe a ainsi revendiqué au nom de l'Unité Combattante Pierre Overney l'exécution du PDG de Renault, et ses textes font référence à la Gauche Prolétarienne comme première affirmation de la « guerre des partisans ».

L'écrasante majorité de la scène autonome reste cependant sur une base spontanéiste, et il n'y a pas de réflexion sur ce plan. Deux structures vont cependant avoir une dynamique différente.

L'organisation de la scène autonome et de celle proche d'Action Directe

Deux groupes vont entamer un travail de compréhension du phénomène Action Directe, tout en organisant la solidarité avec les prisonniers de cette organisation. Bien entendu, un tel travail amenait un isolement complet de l'extrême-gauche – la moindre référence à Action Directe étant taboue – et une pression policière certaine.

Le premier groupe publie le bulletin Guérilla et relève d'une mouvance proche de l'IRSP irlandaise et du Mouvement Révolutionnaire Tupac Amaru, au Pérou. Il affirme la nécessité de la violence révolutionnaire, et donc du soutien aux prisonniers d'Action Directe comme identité politique, à laquelle il ajoute une tentative de construire une sorte de théorie radicale semi-anarchiste.

Le second groupe est composé de gens plus jeunes diffusant les textes historiques des groupes armés et désireux de former en France un mouvement qui soit culturellement dans l'esprit de l'autonomie en Allemagne.

Plus activiste, il participe à l'organisation de la première manifestation parisienne pour Mumia Abu-Jamal, ainsi que d'un festival de concert antifasciste à Montreuil en banlieue parisienne. Il parvient ainsi à agglomérer différents activistes radicaux de périodes précédentes (SCALP des années 1980, Autonomie de 1977, Gauche Prolétarienne) et lance alors la revue Front Social, à l'automne 1995, dont la couverture du numéro un reprend un collage fait par une prisonnière d'Action Directe.

La revue Front Social

La revue Front Social part dès les débuts sur une contradiction interne : d'un côté, elle veut un mouvement autonome de type 1977, décentralisé et constitué de groupes autonomes en interaction. Des discussions entamées avec des partisans de l'autonomie italienne, qui lancèrent ensuite le mouvement des chômeurs, ne purent aboutir.

De l'autre elle est obligée de prendre l'initiative contradictoire de centraliser les positions idéologiques et culturelles (ce qu'elle fait comme « Noyaux Autonomes pour le Communisme »), alors que l'extrême-gauche est dominée par les poids lourds trotskystes LCR et LO et désormais également le syndicat CNT (qui siphonne justement une large partie des autonomes).

Si l'on ajoute la publication de communiqués et d'historiques de guérillas urbaines, la situation devient vite intenable, et Front Social se replia dans la scène constituée par les sympathisants des organisations révolutionnaires de Turquie, devenant ainsi très proche du DHKP/C, organisation issue de Devrimci Sol.

La situation poussa à l'extrême le conflit entre l'option mouvementiste et l'option idéologique, et la scission fut inévitable.

Résistance Offensive et ORPCF

Le développement de Front Social amena l'émergence du collectif « Résistance Offensive », lui-même issu de militants actifs lors de périodes passées (Gauche Prolétarienne et courant Autonomie Prolétaire de 1977, autonomie italienne).

Proche culturellement mais sur une base mouvementiste, une partie de Front Social s'assimila à Résistance Offensive, qui disparut très vite. Front Social abandonna alors tout mouvementisme et le maoïsme déjà présent et revendiqué constitua l'identité totale de la revue.

Front Social célébra alors les guerres populaires au Pérou, en Turquie, et au Népal, tout en persistant à rejeter catégoriquement la tradition « marxiste-léniniste. » Pour cette raison, Front Social rejeta deux structures avec qui il avait entamé des discussions : le « Mouvement Révolutionnaire Internationaliste » qui formait une internationale d'organisations se revendiquant du maoïsme, et l'Organisation pour la reconstitution du Parti Communiste de France (ORPCF).

L'ORPCF était issu de militants sorti du Parti Communiste des Ouvriers de France, une organisation « pro-albanaise », et revenant à leur propre passé maoïste (au sein du PCMLF et de la Gauche Prolétarienne – OCP(ml), le courant anti-autonomes).

Elle se revendiquait du Maoïsme mais rejetait l'universalité de la guerre populaire et se revendiquait du PCMLF ; à ce titre, elle fut considéré par Front Social comme un avatar « marxiste-léniniste » (par la suite l'ORPCF fonda le PCF maoïste, puis changea de ligne en fondant une nouvelle « Cause du peuple » sur une base revendicative « dure », et reprenant les thèses d'André Glucksmann sur le « nouveau fascisme » ).

Le site Contre-Informations

Front Social avait rejeté la scène marxiste-léniniste, tout comme il avait rejeté la « gauche » du PCF. Il avait également rejeté la scène dominante anarchiste et trotskyste. Se considérant comme isolé en tant que projet et considérant ainsi en 2001 qu'il y avait l'espace pour une éventuelle répression, la revue annonça son auto-dissolution au numéro 20.

Par la suite apparut sur internet le site d'informations quotidienne Contre-Informations, qui à partir de 2003 diffusa également les premiers communiqués signés « Pour le Parti Communiste Marxiste-Léniniste-Maoïste. »

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