23 fév 2017

François Bayrou rejoint Emmanuel Macron : la capitulation devant les «puissances de l'argent»

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A côté de la bourgeoisie monopoliste, il existe de nombreuses autres fractions de la bourgeoisie, tout comme la bourgeoisie monopoliste est elle-même divisée en différentes fractions.

Contrairement à l'ultra-gauche (anarchiste et trotskyste) qui nie l'existence de telles fractions, le matérialisme dialectique souligne que la compréhension de leur nature est nécessaire pour saisir les formes des contradictions au sein du capitalisme.

Ce qui vient de se passer avec François Bayrou en est un exemple évident. Celui-ci a annoncé hier son soutien à Emmanuel Macron. 

Or que disait-il en septembre 2016 ?

Qu'Emmanuel Macron n'existait que sur ordre des « puissances de l'argent ».

« Derrière Emmanuel Macron il y a des grands intérêts financiers incompatibles avec l’impartialité exigée par la fonction politique.

Il y a là une tentative qui a déjà été faite plusieurs fois par plusieurs grands intérêts financiers et autres, qui ne se contentent pas d’avoir le pouvoir économique, mais qui veulent avoir le pouvoir politique. 

On a déjà essayé en 2007 avec Nicolas Sarkozy et ça n’a pas très bien marché. On a essayé en 2012 avec Dominique Strauss-Kahn… »

« D'ailleurs c'est très simple: posez-vous la question du pourquoi ces heures et ces heures de télévision en direct? Pourquoi ces couvertures de magazines, pourquoi ces pages et ces pages autours de photographies ou d'histoires assez vides? »

« Il y a la séparation de l'Église et de l'État. Moi je suis pour la séparation de l'État et de l'argent (…) Je ne suis pas pour que le pouvoir de l'argent prenne le pas en politique. Il faut en tenir compte, il faut le savoir il faut le connaître, il faut favoriser quand on peut l'activité et la création de richesses. Mais il ne faut pas que l'un ait le pas sur l'autre. »

En février 2017, François Bayrou a tenu des propos similaires au sujet de François Fillon, accusé d'être « sous l’influence des puissances d’argent ».

« De très grandes multinationales se paient des hommes politiques, appointent, donnent de l'argent à des hommes politiques pour qu'ils les aident à ouvrir des portes, à se servir de leurs relations pour leurs intérêts. »

« Ce qui a été annoncé par François Fillon lui-même et sa société de conseil et les sommes incroyables, 200.000 euros par-ci, 200.000 euros par là. (...) La responsabilité politique est une responsabilité qui normalement doit être mise à l'abri des intérêts. »

François Bayrou a ici tout à fait raison : tant François Fillon qu'Emmanuel Macron représentent des fractions du grand capital. Nous avons analysé ce que représénte leur candidature, tant pour l'un que pour l'autre.

François Bayrou représente quant à lui une bourgeoisie libérale, plutôt provinciale et catholique. Cette fraction de la bourgeoisie essaie de mener une politique conforme à ses intérêts et là il a fallu qu'elle cède devant Emmanuel Macron.

En effet, la fraction conservatrice agressive a choisi François Fillon, tandis que celle cherchant la rupture a Marine Le Pen. Leurs dynamiques sont telles qu'il y a peu d'espace pour la bourgeoisie libérale provinciale et catholique.

Il a fallu donc qu'elle accepte de se mettre derrière Emmanuel Macron, sur une base libérale, en l'échange de garanties fournies par celui-ci à la demande de François Bayrou.

Voici ce que ce dernier a demandé :

a) une « véritable alternance » ;

b) une « loi de moralisation de la vie publique, en particulier de lutte contre les conflits d’intérêt » ;

c) « la politique d’unité qu’il faut conduire fait toute sa place à ceux qui réussissent, mais elle doit protéger et entraîner, et rassurer ceux qui sont maintenus au bas de l’échelle » ;

d) une dose de proportionnelle dans les scrutins.

Traduit grâce au matérialisme dialectique, cela veut dire : changer le personnel politique pour permettre à la bourgeoisie libérale provinciale et catholique de placer quelques uns de ses éléments, lui garantir la possibilité de reprendre son indépendance politique grâce à la proportionnelle, ne pas entièrement faire basculer le rapport de force dans le camp du grand capital représenté par Emmanuel Macron.

C'est une alliance de différentes couches sociales de la bourgeoisie, exprimée également hier par deux autres ralliements :

- celui de Louis Bourlanges, grande figure du « centre » et à ce titre ex-vice président de l’UDF ;

- celui de François de Rugy, ex-EELV passé dans le camp de la majorité présidentielle, ayant participé à la primaire organisé par le parti socialiste en tant qu'écologiste, pour finalement donc retourner sa veste.

De tels ralliements peuvent sembler insignifiants, néanmoins ils participent au vaste jeu d'agglomération des fractions de la bourgeoisie, fruit d'attirance et de répulsion, d'alliances et d'intérêts communs, d'irrationnel et de pragmatisme. La bourgeoisie ne pense pas et les rapprochements des différentes fractions de la bourgeoisie, comme leurs contradictions, relèvent des modalités de la crise générale du capitalisme.

Ce qui se met en place ici, en tout cas, est une tentative de ré-impulsion du capitalisme, une sorte de dernière relance sur la base de l'Union Européenne, en précipitant la tendance déjà présente jusque-là de libéralisation.

Dès l'annonce de François Bayrou, le CAC 40 a d'ailleurs gagné quelques points, alors que les taux obligataires français perdaient 4 %, montrant que les prêteurs appréciaient cette baisse du risque de l'instabilité politique en France.

L'alliance d'une partie du grand capital avec la bourgeoisie libérale semble porter ses fruits politiquement. C'est la raison pour laquelle aussi Emmanuel Macron, lors de son passage à Londres il y a deux jours, a été même reçu par la première ministre britannique, Theresa May.

Il est déjà une figure reconnue, sans jamais avoir été élu, ce qui en dit long sur quel type de reconnaissance il a : on est ici dans la mise en place, par en haut, d'un personnel politique conforme aux intérêts du grand capital.

Son voyage à Londres est tout à fait symbolique, car Emmanuel Macron est, s'il fallait le définir, avant tout le candidat de l'idéologie des 300 000 Français vivant à Londres, pétris de capitalisme ultra et de cosmopolitisme financier.

Emmanuel Macron reste le candidat des puissances de l'argent, tout au moins d'une partie d'entre elles. François Bayrou a capitulé dans sa critique romantique, propre à la bourgeoisie libérale, du capitalisme des monopoles. Il montre que la crise mûrit, que les couches libérales saisissent que tout commence à être décidé sans elles et elles tentent donc de participer à ces décisions, de trouver un accord.

Cela correspond à l'enclenchement de tout un processus de contradictions de classe, celles-ci s'aiguisant, posant toujours plus l'alternative : réaction ou front populaire, fascisme ou démocratie populaire.

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