21 mar 2017

"Grand débat" de l'élection présidentielles : un pas de plus dans la droitisation du pays

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Le problème essentiel de la politique française est que le régime de la Ve République est né d'un coup d’État, accordant au président le statut de père de la nation.

Or, avec la décadence générale de la bourgeoisie et du capitalisme, le personnel politique n'est plus à la hauteur. À l'irrationalisme en faveur du choix d'un nouveau père de la nation ont succédé des engouements et des emportements d'un temps.

Cet état de fait a été accepté par tous, au point que c'est TF1 qui a pu organiser hier un débat entre cinq candidats aux présidentielles, choisissant qui participerait au débat (François Fillon, Benoît Hamon, Marine Le Pen, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon), rejetant les autres candidats (Nathalie Arthaud, François Asselineau, Nicolas Dupont Aignan, Jacques Cheminade, Jean Lassalle, Philippe Poutou).

Il n'y a ici même pas l'apparence de la démocratie : on est directement dans le populisme, la mise en scène.

TF1 n'a d'ailleurs pas hésité à placer un intermède publicitaire, alors qu'à la fin du débat, le journaliste a annoncé… la suite du programme de TF1, donnant le nom de « New York Unité Spéciale » ainsi que les titres des deux épisodes, sous les soupirs consternés de l'ensemble du public.

Pourquoi des personnalités politiques acceptent-elles alors tout cela ? Parce qu'elles n'ont pas le niveau, parce qu'elles sont opportunistes, parce qu'elles n'ont aucune substance culturelle ni idéologique.

Un exemple parlant de cela est l'attitude de Sophia Chikirou, directrice de la communication de campagne de Jean-Luc Mélenchon. Au tout début du débat, elle a fait une remarque sur twitter :

« #DebatTF1 ds les couloirs, ambiance désagréable. Equipe TF1 odieuse, commentaires triviaux, la politique réduite à 1 cirque. »

Lien vers le portail Elections 2017Si cela est juste, pourquoi participer ? Et pourquoi le dire sur twitter, qui impose une limitation de signes et oblige à des contorsions dans l'expression et dans le syntaxe ?

En vérité, toute la politique en France relève de la fiction, avec en tête Emmanuel Macron qui n'a jamais été élu, n'avance aucune opinion claire, mais est en tête des sondages parce qu'il « présente bien », ainsi que Marine Le Pen, qui parvient malgré sa position politique à l'extrême-droite à se présenter comme la personne en première ligne dans la défense du peuple.

Ce à quoi on a affaire ici est encore pire que l'apolitisme des années 2000 : c'est la dépolitisation.

Il est d'autant plus scandaleux que Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, qui représentaient la gauche, n'aient pas été à la hauteur, alors qu'ils avaient les moyens de frapper fort, très fort.

Jean-Luc Mélenchon est un tribun qui, à force de piller des concepts ici et là pour refourger sa ligne social-impérialiste, ne sait plus s'il doit assumer la gauche en général ou sa propre ligne social-impérialiste, ce qui l'amène à être lui-même : quelqu'un qui relève de des débats à l'ancienne, avec des bons mots, des chicaneries, la recherche de la phrase qui marque, etc.

Quant à Benoît Hamon, il n'a pas fait le poids pour une raison très simple : il vient de la tendance de Michel Rocard, des gestionnaires du centre-gauche ; ses valeurs sont post-modernes et par conséquent il n'a strictement aucun fond idéologique, aucune tradition intellectuelle liée au mouvement ouvrier.

Ce fut donc un boulevard à un Emmanuel Macron qui parle très bien, à un François Fillon qui sait être lisse, à une Marine Le Pen qui sait être véhémente.

Ce débat n'aura donc pas freiné la vaste droitisation du pays, ajoutant par conséquent aux difficultés à venir. Il a participé à la dévaluation des principes de démocratie, qu'il s'agit toujours plus d'assumer, dans le sens de la démocratie populaire, contre le fascisme marchant à grands pas.

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