La contradiction entre les villes et les campagnes - 6e partie
Submitted by Anonyme (non vérifié)La contradiction entre les villes et les campagnes avait été comprise par les classiques du communisme, aux XIXe et XXe siècles.
Cependant, c’est en ce début de XXIe siècle que la question se pose dans toute sa dimension, de par ses portées assassines, et de par le symbole : le passage du cap des 50 % de la population mondiale vivant dans les villes.
Bien entendu, ces « villes » n’ont que peu à voir avec les villes produites par la civilisation au cours des siècles et profitant du capitalisme pour s’affirmer comme centres culturels mondiaux.
Car il n’y a en fait que très peu de grands centres culturels mondiaux urbains, tels Paris, Londres, New York, Barcelone, Prague, Rome, Venise, Florence, Vienne, Bruxelles, Amsterdam…
Alors qu’il y a de très nombreux pôles urbains de plus en plus gigantesques, consistant en un mélange de quartiers « favorisés » et de zones « défavorisées », relevant parfois du bidonville.
Le « droit à la ville » est une chose inconnue de la quasi totalité de la planète ; seule l’élite des bourgeoisies mondiales profitent réellement d’un environnement urbain de « qualité ».
Ceci est un fait essentiel, à comprendre impérativement pour saisir les objectifs de la révolution socialiste. Le socialisme représente un saut qualitatif sur le plan culturel, c’est une véritable révolution de la civilisation.
La bourgeoisie, à partir de sa transformation en force réactionnaire, n’a plus été capable de construire des pôles urbains de civilisation ; ses seules réalisations culturelles profitent de la période du XIXe siècle et du début du XXe siècle, où de nouvelles villes se sont ajoutées à la liste des grands pôles historiques de culture et de civilisation ayant existé dans les périodes précédentes.
Dans ce cadre, les villes répondent également, évidemment, à la loi de la contradiction. Ainsi, un environnement urbain de qualité au sein de la société capitaliste consiste en une ville ayant une identité architecturale, de nombreux musées et bâtiments historiques, de nombreux lieux de divertissement culturel (théâtres, cinémas, salles de concert, etc.).
Cet environnement est destiné à la bourgeoisie ; les masses mondiales n’ont que difficilement ou pas du tout accès à ces villes, qui exercent une fascination culturelle et idéologique très importante.
Pour les masses, il ne reste que des zones permettant au capitalisme d’être le plus efficace possible et d’appliquer le principe « métro – boulot – dodo » ; les centres commerciaux à la périphérie des villes sont le pendant de la centralisation de la richesse, dans une sorte d’immense pyramide sociale.
Cela n’est toutefois pas le caractère le plus marquant des trente dernières années, car cette tendance à l’existence de quartiers bourgeois dans chaque ville, par opposition aux quartiers populaires et alors que les villes principales centralisent les richesses, était déjà présente.
Les villes nées véritablement au XXe siècle ne font que reproduire le schéma bourgeois du passé, sans pour autant être capables de devenir de véritables pôles culturels.
En fait, l’aspect principal des trente dernières années dans le domaine de la contradiction entre les villes et les campagnes a consisté en les investissements capitalistes massifs dans les campagnes.
Si auparavant à côté des grands pays impérialistes n’existaient que des pays semi-coloniaux semi-féodaux, de plus en plus certains pays dépassent leur caractère semi-féodal, pour devenir semi-capitalistes, mais avec un capitalisme imposé par en haut, à la manière des « Junkers » en Prusse.
L’Amérique latine est une zone géographique très marquée par une telle évolution, qui répond à un besoin du capital de se reproduire de manière élargie.
Pesticides, OGM, empoisonnement massif d’un côté (des marées noires aux catastrophes industrielles ou nucléaires en passant par la pollution généralisée), utilisation massive des animaux dans la production alimentaire de l’autre : telle est la réalité désormais claire pour nous en ce début de XXIe siècle.
Le document Crise du capitalisme et intensification de la productivité : le rôle des animaux dans la chute tendancielle du taux de profit soulignait la démarche du capitalisme ces trente à cinquante dernières années, avec des chiffres très parlants.
La production de viande était de 75 millions de tonnes en 1961, de 265 millions aujourd’hui, et elle sera de 465 millions de tonnes à l’horizon 2050…
Cela va de pair avec la dévastation de la planète pour pouvoir obtenir une production de cette sorte, sans parler des conséquences physiques et morales, alors que le capitalisme devenant monopoliste façonne la vie des masses populaires, imposant une alimentation fondée sur l’utilisation des animaux de manière industrielle.
Mais cela n’est pas tout. Toute la géographie mondiale est en passe d’être modifiée par le capitalisme, qui ne compte rien laisser à la vie sauvage. Absolument tout doit être intégré dans la production capitaliste, afin de permettre l’élargissement du profit.
Ainsi 60 000 hectares de terres naturelles ou agricoles disparaissent chaque année en France sous l’effet de l’urbanisation.
À Nice (avec le Paillon) et Marseille (avec l’Huveaune), la rivière a été recouverte afin qu’on ne la voit pas et que l’on puisse agrandir la surface de la ville ; le capitalisme a réalisé des projets comme Port-Grimaud, sorte de petite Venise entièrement artificielle, avec des canaux et des ponts, construite par des capitaux privés en 1964, alors que la construction de Port-Camargue, plus grand port de plaisance d’Europe, a été un projet lancé en 1963, aux dépens d’une grande zone naturelle, petit paradis des animaux et de la population.
Le capitalisme se pose ainsi comme un mouvement tentant de dénaturer l’humanité de manière totale et absolue, ce qui évidemment est impossible et provoque quantité de maladies, tant physiques que mentales.
L’univers de l’être humain se réduit de telle manière qu’il peut justement maintenant comprendre quelle révolution est nécessaire.
C’est en ce sens qu’il faut comprendre les mouvements anticapitalistes de type romantique, comme celui des Blacks Blocks attaquant les symboles du capitalisme dans les villes, ou encore les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Center.
Les riches centres-villes et les gratte-ciels (Pirelli à Milan, la Banque canadienne nationale à Montréal, le Sears à Chicago, le Chrysler Building à New York, etc.) sont des symboles, et l’anticapitalisme romantique vise toujours des symboles.
Mais nous communistes, nous ne devons pas nous contenter des symboles : en changeant le mode de production, en dépassant le capitalisme, nous devons réorganiser les villes et les campagnes, organisées jusque-là selon les besoins du capitalisme seulement.