L'affaire Jacqueline Sauvage, une contradiction barbare au sein du peuple
Submitted by Anonyme (non vérifié)Jacqueline Sauvage va sortir de prison en avril, ayant reçu une grâce partielle de la part du président François Hollande. Mais avait-elle sa place en prison ? L'acte pour lequel elle a été condamnée était-il juste moralement, socialement, juridiquement ? Ou bien n'est-ce pas le cas ?
Et quelle est sa nature ? Jacqueline Sauvage est-elle une femme se rebellant contre un monstre, ou bien le couple a-t-il implosé sous le poids de la condition imposée aux ouvriers par le capitalisme ?
Voilà beaucoup de questions et aucune simplification ne doit intervenir, sans quoi tout est faussé, sans quoi la justice qui doit guider toute la société se voit considérée comme une notion relative. Or, c'est justement le cas dans le capitalisme.
Voici comment le journal Elle, qui pratique un féminisme bourgeois parisien, raconte les faits pour lesquels Jacqueline Sauvage a été condamnée, ainsi que le verdict :
« Elle a été condamnée à 10 ans de prison pour avoir tué son mari de trois coups de fusil dans le dos en 2012 à la Selle-sur-le-Bied (Loiret). Avant de commettre ce geste, Jacqueline Sauvage avait subi les coups et les viols de ce mari violent pendant des dizaines d’années.
Son époux avait également des relations incestueuses avec ses trois filles et battait son fils, provoquant le suicide de celui-ci la veille du drame. Compte tenu du contexte de violence conjugale, le verdict suscite la stupéfaction. »
Le problème de cette présentation, et de toutes celles qui sont faites à ce sujet, est bien entendu l'absence de matérialisme et de compréhension dialectique de la réalité. Et de fait, le sens de l'affaire Jacqueline Sauvage est hautement complexe, de par ses multiples aspects.
Le premier problème est déjà que la justice de notre pays, bourgeoise, ne peut pas accepter le principe de « contre-violence » féministe à la terreur exercée sur les femmes. C'est une véritable question.
Il faut d'ailleurs bien souligner à ce sujet que la grâce faite par le président François Hollande n'est pas du tout une grâce complète : si Jacqueline Sauvage va sortir de prison, elle n'en reste pas moins coupable aux yeux de l’État français.
Voici la déclaration présidentielle officielle :
« Le président de la République, en application de l'article 17 de la Constitution et après avis du ministre de la justice, a décidé d'accorder à Madame Jacqueline SAUVAGE une remise gracieuse de sa peine d'emprisonnement de 2 ans et 4 mois ainsi que de l’ensemble de la période de sûreté qu’il lui reste à accomplir.
Cette grâce lui permet de présenter immédiatement une demande de libération conditionnelle.
Le président de la République a voulu, face à une situation humaine exceptionnelle, rendre possible, dans les meilleurs délais, le retour de Mme Sauvage auprès de sa famille, dans le respect de l’autorité judiciaire. »
Le second problème est la question des preuves. Il n'y a en effet pas de preuves matérielles des violences exercées et des viols qui auraient été commis par le mari. Or, aucune justice ne peut se fonder sur quelque chose d'autre que des preuves matérielles, à moins de tomber dans l'arbitraire.
Ce n'est pas tout, le quotidien Libération, qui a pris partie de manière unilatérale pour Jacqueline Sauvage, est obligé de constater ce fait très important :
« Jusqu’à son procès, elle dira qu’elle n’était pas au courant des viols commis par son mari sur deux de leurs trois filles. »
On ne peut donc présenter Jacqueline Sauvage comme quelqu'un sachant cela et se rebellant dans un sursaut de dignité.
Pourtant, les médias ont repris ici toute une série d'accusations, présentant le mari comme une sorte de psychopathe, de délinquant sexuel pervers. Ce fut peut-être le cas, mais peut-être pas ! Il y a ici un populisme particulièrement sévère qui s'est exprimé. Cela en dit long sur les médias de notre époque et leur capacité à la manipulation émotionnelle.
Une question trouble est d'ailleurs le suicide du fils de Jaqueline Sauvage, à la suite de son arrestation, les débats lors des procès le présentant comme essayant d'échapper à l'emprise de sa mère.
Enfin, il y a troisième problème. Les regroupements féministes bourgeois ont dit que la source du problème était que les femmes n'osent pas porter plainte, qu'il est difficile de fournir des preuves suffisantes dans des conditions terriblement précaires pour les femmes dans ces situations. C'est indéniablement vrai, mais c'est là simplifier pourtant de manière outrancière la complexité de la situation.
C'est totalement simplifier la réalité que de dire par exemple, comme la porte-parole du Collectif national pour les droits des femmes, Suzie Rojtman, que Jacqueline Sauvage « était frappée sans cesse, elle était violée, les gamins étaient violés, elle n'a pas réussi à porter plainte parce qu'elle n'était pas aidée ».
C'est une vision infantilisante des masses, qui peuvent en réalité tout. Les masses peuvent et vont changer le monde. La victimisation est une démarche particulièrement insupportable. D'ailleurs, on ne voit jamais de présentation du panorama social.
C'est pourtant essentiel. On voit que Jacqueline Sauvage vient de La Selle-sur-le-Bied, qui a mille habitants, dans le région Centre-Val de Loire. Qu'elle a une formation de couturière et qu'elle a été ouvrière. Qu'elle a rencontré son mari à l'adolescence et qu'elle s'est mariée avec lui dès ses 18 ans, qu'à l'âge de 25 ans, elle avait déjà eu quatre enfants.
N'est-ce pas là quelque chose qui relève de la condition ouvrière ? N'est-ce pas là la clef pour comprendre les comportements sociaux ? Le coupable est-il le patriarcat, le mari, ou bien la condition ouvrière imposée par le mode de production capitaliste ?
Faire de Jacqueline Sauvage la représentante d'une révolte individuelle, c'est en réalité dénoncer l'ensemble de la condition prolétarienne, en en niant la réalité, la complexité.
Il ne s'agit pas de dédouaner ici le mari de ses responsabilités. Mais le couple avait par la suite monté une entreprise familiale de transport, puis de vente de vin ; il faisait partie d'un groupe de chasseurs. Il a vécu ensemble 47 années.
Tout cela fait que les médias et les institutions ont tort : il ne s'agit pas de « cas sociaux », mais de prolétaires (ayant cherché à devenir des petits-bourgeois pour s'en sortir). Il s'agit d'une affaire sociale, d'une contradiction au sein du peuple.
Effectivement, au sein du peuple, en raison de la condition sociale,il y a des coups qui partent. C'est mal, c'est une démarche à abolir, par le dépassement socialiste. Seule la bourgeoisie – hypocrite, car en son sein la brutalité est tout aussi présente, en plus sordide même – peut prétendre que ce serait inhérent à une couche sociale de « sans dents », d'incapables, de cas sociaux.
En réalité, on a là un portrait d'une certaine vie quotidienne prolétarienne. Notons d'ailleurs que les jurys populaires l'ont bien compris : la préméditation n'a pas été retenue contre Jacqueline Sauvage, alors qu'elle a tiré trois fois dans le dos et qu'elle était chasseuse.
Ils ont compris Jacqueline Sauvage, mais aucune société ne peut admettre une violence au sein du peuple, fut-elle juste. C'est pour cela que cette affaire est terriblement complexe.
C'est pour cette raison qu'on a pu voir hier des magistrats critiquer la grâce présidentielle comme un « fait du roi ». Leur attitude guindée a fait que leur message n'est pas du tout passé : de manière non démocratique, ils n'ont pas expliqué que l'affaire était complexe, se contentant de rappeler la question de la séparation des pouvoirs.
Mais le fond de la question est effectivement de savoir dans quelle mesure l'opinion publique, mobilisée de manière non démocratique, peut intervenir et modifier le cours des choses. Dire oui c'est justifier le populisme et le nationalisme.
C'est ce qu'ont fait Valérie Pécresse, Daniel Cohn-Bendit, Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Kosciusko-Morizet, Anne Hidalgo, Jean-Christophe Cambadélis, Nicolas Dupont-Aignan, avec François Hollande recevant à l'Élysée la famille de Jacqueline Sauvage, afin de jouer avec l'opinion publique.
On aurait tort de sous-estimer l'impact de l'affaire Jacqueline Sauvage. Historiquement, cela n'apparaîtra pas comme une intervention en faveur du féminisme, mais comme un renforcement des initiatives par en haut d'un régime aux abois.