21 aoû 2013

TAZ ou guerre populaire prolongée ?

Submitted by Anonyme (non vérifié)

" Exterminate the next fashionsucker…It's a raver ! " (Atari Teenage Riot)

Les free parties ne sont pas un phénomène nouveau, et pourtant il aura fallu attendre le début de ce nouveau siècle pour que l'ampleur en France soit telle que l'Etat soit obligé de réagir de manière répressive, brutale, policière.

Et, étonnamment, au grand dam de la communauté des free parties.

Pourtant, il fallait s'y attendre. On peut " oublier " l'Etat autant que l'on veut, jusqu'au jour où l'on s'aperçoit que l'Etat, lui, n'a jamais cessé de vous surveiller et qu'il a décidé de vous supprimer, parce que vous le dérangiez.

En ce sens, ce qui se passe en ce moment en France, c'est une grande expérience politique pour les partisans des TAZ, qui justement n'aiment pas ce mot de politique. Il va bien falloir pourtant, car les Zones Autonomes Temporaires du type free parties ont atteint une limite.

Non pas la limite de la loi, celle prônée par Mamère, Kouchner et Jack Lang, voulant que " maintenant il faut négocier avec l'Etat ", et passer du ministère de l'intérieur à celui de la culture.

Non, bien au contraire : il faut comprendre la répression comme la nécessité d'un saut qualitatif, où il faut dire : on continue coûte que coûte, on refuse l'Etat, on s'organise en contre-pouvoirs pour continuer notre existence, jusqu'à ce que l'Etat cesse la sienne.

Sans cela, cela en sera fini des TAZ comme zones libérées : une musique non commerciale, des spectacles scéniques, une ambiance à part, libre d'accès, humaine.

Soyons francs, ce n'est déjà plus cela. L'Etat tolère très bien les trafiquants de drogue, et laisse même tranquillement Médecins du Monde tester les drogues et faire de la prévention pour éviter des dégâts trop forts pouvant amener à une prise de conscience.

Les flics et les gendarmes jouent aux idiots, mais il faut vraiment l'être pour croire que l'occupation de la piscine Molitor, désaffectée et en plein seizième arrondissement parisien, quartier bourgeois s'il en est, n'ait pas été connu des Renseignements Généraux alors que l'info circulait depuis une semaine ! D'ailleurs, les flics étaient sur les toits de l'immeuble d'à côté et surveillaient l'occupation, les mains dans les poches…

Car l'Etat n'a pas intérêt à ce que cesse le trafic de drogue. D'abord, cela fait du pognon, lors des saisies comme lors des commissions que certains doivent rafler. Ensuite cela casse la jeunesse et son besoin de rébellion.

Soyons francs aussi d'ailleurs : certains sounds systems ne se gênent pas pour en profiter aussi. Pragmatisme oblige, nous est-il dit : les teufs coûtent chers…

Alors les teufers et teufeuses pleurent sur un passé glorieux, comme les forums sur le net en témoignent. Il n'y a plus l'esprit, plus le feeling… Tu parles, Charles !

La " balloon mafia ", qui vend les ballons de gaz hilarant, est là pour le fric, pas pour autre chose. Dans les teufs, la diffusion des produits illicites ne passe pas par les réseaux populaires, comme les copies de jeux vidéos, mais par des filières organisées, mafieuses. La TAZ n'est pas si autonome que cela du capitalisme, visiblement…

Et la jeunesse qui débarque n'y trouve rien à redire, parce qu'elle n'a pas de culture de rébellion. Elle consomme les teufs comme elle consomme autre chose et, surtout, par défaut, car en définitive il n'y a pas grand chose. La TAZ n'est plus un choix, mais un palliatif.

La grande erreur des teufs a été leur côté apolitique, la démarche purement spontanéiste, le refus de l'idéologie et de l'affrontement avec l'Etat. On a défendu que le tribu, de manière nombriliste. Le maximum qui a été atteint chez les nouveaux arrivantEs, c'est une méfiance petite-bourgeoise de l'Etat, au lieu d'un refus total.

Partant de là, à cause de l'opportunisme, les free parties se retrouvent à quémander à l'Etat une reconnaissance, à appeler à des manifestations pacifiques pour reconnaître les droits des sounds-systems à exister. Ce qui va à l'opposé absolu des principes initiaux des frees.

Mais qui s'en soucie, puisqu'il n'y a pas les moyens d'exprimer de la politique ?
Car quelle est la nature d'une zone autonome, si elle est reconnue par l'Etat ? Et bien les choses sont claires : elle n'est plus autonome. Elle est tolérée, encadrée au fur et à mesure, et à la fin avalée.

C'est pourquoi, malgré tous les rapprochements possibles qui peuvent et auraient pu exister, l'aspect festif n'est pas en soi révolutionnaire. L'ennui est contre-révolutionnaire, mais toutes les teufs ne sont pas révolutionnaires pour autant.
Pour nous, révolutionnaires, qui voulons renverser l'Etat et l'instauration du pouvoir populaire, c'est le principe des TAZ qui est à remettre en cause.

Parce que les TAZ prétendent se suffire à elles-mêmes, et cela est faux. Il faut un objectif global et général, sans quoi le mouvement s'essouffle, s'éloigne des principes de base et dégénère. Cette question est en fait la même que celle ayant opposé Bernstein et Lénine.

Pour Bernstein, social-démocrate opposé à la révolution violente, " le mouvement est tout ", alors que pour Lénine, ce qui compte, c'est l'objectif stratégique.

Certains vont nous rétorquer : oui mais les moyens doivent correspondre aux fins ! Nous répondons : oui, bien sûr ! Mais si l'on prend le dernier Teknival, les femmes étaient bien moins nombreuses que les hommes. A

lors il est évident que si une théorie sans pratique mérite d'être critiquée (et non pas nécessairement rejetée), une pratique spontanée touche très vite (que ce soit un jour ou plusieurs années) à des limites indépassables sans saut qualitatif.

Ce n'est qu'en comprenant la révolution comme un mouvement social général, avec 10.000 facettes et une direction globale, que l'on pourra avancer sans, en même temps et finalement, reculer.

" Ne votez pas ! Déclenchez des émeutes !

Incendiez des voitures de police ! Célébrez les femmes !

Respectez les terroristes ! Brisez les postes de télé !

Détruisez toutes les prisons ! Détruisez la morale chrétienne ! Du sexe ! Des graffitis !

Faites connaître les drogues et Foucault ! Devenez vivants !!!!! Qu'attendez-vous ? Cela ne prend que quelques secondes…

FAITES-LE… Changeons le monde !

Si vous considérez cela avec cynisme, vous êtes de droite. L'industrie s'efforce toujours de transformer les mouvement de jeunesse en plaisanteries. Nous en avons ras-le-bol ! Les bruits des émeutes produisent des émeutes ! (…)

Une émeute crée une énergie capable de changer ou de détruire ce système ! Endommagez des institutions et édifices publics coûte de l'argent à l'Etat, ce qui favorise l'implosion du système. Une émeute est plus sexy qu'une paix factice.

Et il est difficile de la contrôler. Evidemment, " émeute " désigne quelque chose qui se produit dans la tête des gens. Globalement, notre but est de mener une vie antifasciste, de vivre dans une société sans structures de pouvoir. Sans structures familiales ! Comme une masse ! Plus d'individualisme ! L'anarchie.

Gudrun Ennslin, de la Fraction Armée Rouge, a dit un jour : "Tout est politique ! Même quand je baise ! ".

C'est tellement vrai ! " Je ne suis pas très politique… ", cela n'existe pas !
Si vous voulez vous contenter de consommer stupidement du bonheur, c'est au plus haut point politique ! Il n'y a pas de demi-mesure !

L'industrie du divertissement (radio, télévision) exerce une fonction unique : maintenir tout et tout le monde tranquille. Ils ne font que produire de l'ennui ! (…). La clef, c'est le bruit - la vie est pleine de bruit - seule la mort est silencieuse ! Voilà pourquoi le bruit est banni de la radio, de la télé, des supermarchés, etc.

Les fréquences moyennes font monter l'adrénaline dans votre corps. Lorsque les gens sont excités, en colère, emplis d'émotions, etc., ils font plein de bruit ! "

Tiré de : Alec Empire, Le manifeste.
[Alec Empire est l'un des principaux membres du groupe d'Allemagne ATARI TEENAGE RIOT, formé en 1992 et existant dans la mouvance du label Digital Hardcore Recordings.]

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